Les réutilisations de données ouvertes à des fins économiques sont à ce jour marginales. « Le modèle économique reste à construire, reconnaît Jean-Pierre Bailly, directeur des ressources numériques de Nantes métropole. L’open data sert surtout à certains développeurs ou sociétés, pour promouvoir leur savoir-faire. »
Jean-Marie Bourgogne, directeur du programme « Montpellier territoire numérique », cite des applications orientant l’achat immobilier en fonction du profil de l’acquéreur et d’autres utilisant le trafic aux feux pour des annonceurs publicitaires.
Accompagner les acteurs – Selon Claire Gallon, de l’association Libertic, la réutilisation économique reste cloisonnée par territoire et entravée par des difficultés de comparaison, la standardisation des données (licences, formats, contenus) étant insuffisante. Mais les promoteurs de l’open data entendent favoriser la réutilisation en accompagnant les acteurs.
Ainsi, la Fing réunira cette année des citoyens, entreprises, associations, acteurs publics… au sein d’« infolabs » afin de discuter outils et méthodologie.
Pour Sébastien Dugué, de l’agence Clever Age, « si la question des licences est importante, celle des formats joue à la marge ».
Mais Claire Gallon pointe également l’inégale qualité des données. Rendre celles-ci partiellement payantes est l’une des solutions envisagées par le Grand Lyon pour en améliorer la qualité.
Enfin, la quantité de données demeure insuffisante. « Mais il vaut mieux publier dès maintenant que d’attendre des données parfaites. Les utilisateurs font progresser le système », estime Claire Gallon.
Les « hackathons » constituent une autre forme de mobilisation des acteurs. Ils réunissent designers, datajournalistes, développeurs et associations en vue de créer, en mode collaboratif et à partir de données ouvertes, des applications. Des appels à projets ou concours initiés par les collectivités servent le même but.
Afin d’éviter la dispersion des efforts, Jean-Marie Bourgogne préconise « des applications nationales développées dans le cadre d’appels à projets nationaux, du collectif Open data France ou d’une association, à doter de fonds communs. Cela facilitera l’interopérabilité ».
Du côté des citoyens, « l’open data reste trop aux mains des geeks », concède Charles Népote, chef de projet à la Fing. L’ergonomie des sites, les outils de visualisation et, surtout, une animation régulière favoriseront l’appropriation par le plus grand nombre.
Déjà, certains services difficiles à rendre par la collectivité (car les données appartiennent à plusieurs institutions) deviennent associatifs, comme le calcul d’itinéraires Handimap à Rennes, dupliqué lors d’un appel à projets pour Montpellier par la même association rennaise. Citoyens, associations, journalistes poussent ici ou là pour élargir l’éventail des données mises à disposition, notamment en matière de finances locales.
Démocratie et transparence – Comme le modèle économique de la réutilisation commerciale reste à inventer, « les élus ne visent plus, à travers l’open data, seulement ou essentiellement le développement de services comme au début, mais au moins autant la démocratie et la transparence », estime Jean-Marie Bourgogne. Un changement de stratégie important.
« Il n’est pas aisé de rentabiliser des données à l’échelle d’une agglomération »
Sébastien Dugué, responsable du cabinet de conseil et intégrateur Clever Age, à Bordeaux
Comment vous êtes-vous impliqué dans l’open data ?
En recherche d’emploi en 2009-10, j’ai réalisé deux applications (web et mobile) sur l’agglomération bordelaise, l’une pour les tramways et bus, l’autre pour les vélos en libre service, que j’ai reproduites à Rennes. Je souhaitais faciliter les déplacements. Ce travail m’a permis d’obtenir mon emploi actuel. Je continue, sur mon temps libre, d’améliorer l’application bordelaise. Cela me sert professionnellement.
Des collectivités croient en un modèle économique possible de la réutilisation…
Pas moi. Leurs données, tels les horaires de bus, sont souvent déjà disponibles gratuitement, les gens sont donc réticents à payer, même sous forme d’applications, qui sont d’ailleurs de plus en plus souvent gratuites. En outre, dupliquer les applications sur différents territoires n’est pas si simple : il faut une connaissance physique des transports. L’uniformisation des formats de données joue à la marge.
Rentabiliser des données à l’échelle d’une agglomération n’est donc pas aisé. Apple m’a reversé 750 euros en deux ans pour mes applications bordelaises, à comparer au coût de développement de ce type d’application par une société : 10 000 à 20 000 euros au minimum. De plus, le contexte juridique (lié aux licences) est compliqué. Au final, construire un « business model » est dangereux, mais intégrer l’open data dans des applications plus larges (enrichir une cartographie, par exemple) est judicieux.
Cet article fait partie du Dossier
Open Data et réutilisation des données publiques : des promesses vertigineuses
Sommaire du dossier
- « L’ouverture des données ressemble à la tour de Pise »
- Pourquoi mettre en place une gestion publique de la data
- Les grandes collectivités, locomotives de l’open data
- Open data : « A compter du 9 juin 2024, il y a une nouvelle obligation pour tous les acteurs publics »
- Les données environnementales, une faille dans le pilotage de la transition écologique
- L’Union européenne précise les modalités de publication des données ouvertes
- Quand la data éclaire la politique de la ville
- Politique de la ville : et une, et deux, et trois « clauses data »
- « On croit que la Cnil n’aime pas l’échange de données, mais pas du tout ! »
- Charte territoriale de la donnée, mode d’emploi
- Culture de la donnée : zoom sur deux projets territoriaux
- Echange de données : ce que change la loi 3DS
- Respecter les standards de données en 5 points clés
- Données et algorithmes : une feuille de route dessine la relation Etat-collectivités
- Une circulaire pour une meilleure circulation des données
- Garantir la souveraineté de la collectivité sur ses données
- Garantir la transparence et l’ouverture des données publiques
- Dijon géolocalise ses bassins d’emploi pour mieux identifier leurs besoins
- Protéger les données à caractère personnel
- Des idées de nouveaux services foisonnent grâce à l’open data
- Ce qu’il faut retenir du projet de loi pour une République numérique
- Rennes métropole dresse un bilan nuancé de son service public de la donnée
- Open data et collectivités : qui fait quoi, et comment ?
- Open data : « Le mouvement qui s’enclenche est inéluctable » – Axelle Lemaire
- « L’opendata est avant tout un projet organisationnel » – Laurence Comparat
- Mobilité : l’échange de données est-il gagnant-gagnant ?
- Les alléchantes données d’Uber aiguisent l’appétit des collectivités
- « Voir les données comme une infrastructure est un enjeu majeur de souveraineté » – Henri Verdier
- Une interco pionnière dans l’ouverture des données
- “L’open data par défaut ne pourra pas se faire sans médiation numérique” – Samuel Goëta
- Révision à la baisse de l’opendata dans les collectivités locales
- Open data, un nouvel élan pour le tourisme
- Libre accès aux données publiques : comment mettre en œuvre les nouvelles obligations
- Open data : comment réussir l’ouverture de ses données publiques
- En Nouvelle Aquitaine, l’observatoire Nafu affûte la connaissance du foncier grâce aux données publiques
- « L’open data ne devrait être qu’une des modalités d’ouverture des données publiques »
- Open data : l’Occitanie est un territoire-pilote
- Rennes construit le « service public métropolitain de la donnée »
- Quand les agences d’urbanisme se saisissent de l’open data
- Coopération public – privé et données : comment et pourquoi les collectivités doivent reprendre la main
- Le décret sur les données de référence, nouvelle pierre pour la généralisation de l’opendata
- Projet de loi Valter : un (tout) petit pas pour l’opendata
- Réutilisation des données publiques : des promesses vertigineuses
- L’open data, atout maître dans la course aux économies ?
- L’ouverture des données publiques en France reste perfectible
- Mobilités : les collectivités se rapprochent d’Uber, Waze et Blablacar
- La métropole, « bonne échelle pour développer le service public local de la donnée »
- Le fouillis des licences open data s’éclaircit [Fiche pratique]
- “Les données d’autorité restent un instrument de souveraineté”- Pascal Berteaud, DG de l’IGN
- Open data : le service public augmenté – Des données ouvertes de plus en plus cadrées
- Données publiques : une nouvelle économie des services publics en débat
- Les acteurs publics, gros acheteurs des données… publiques
- OaklandOpenBudget ou quand les citoyens se saisissent de l’Open Data
- Open data : quels coûts pour les collectivités territoriales
- Open data : le service public augmenté – 1. Cap sur la réutilisation
- Open data : le service public augmenté – 3. Des territoires riches de données
- Open data : le service public augmenté – 2. L’atout de la mutualisation
- L’open data, véritable voie de modernisation pour les administrations
- Open data et tourisme : un potentiel qui reste à transformer
- « Les collectivités, premières bénéficiaires de l’open data » – Claire Gallon, LiberTIC
- Open data : la transparence démocratique demeure virtuelle
- La FING, partenaire et centre de ressources
- Une évaluation sans concession mais lucide de l’open data en Loire-Atlantique
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