Tenues d’ouvrir leurs données depuis le 7 octobre 2018, les collectivités de plus de 3 500 habitants ou de plus de 50 agents sont encore loin d’avoir rempli leurs obligations. Pourtant, beaucoup réfléchissent déjà à l’étape suivante. C’est ainsi que de nouveaux services aux usagers font leur apparition. La métropole de Montpellier (31 communes, 465 100 hab.) et l’université de Montpellier expérimentent des capteurs d’humidité de l’air et du sol couplés avec des données météo pour savoir s’il est nécessaire d’arroser en fonction des prévisions. La métropole de Brest (8 communes, 208 900 hab.) propose, de son côté, de délivrer automatiquement aux entrepreneurs une autorisation d’occupation temporaire de l’espace public lors de travaux seulement avec leur numéro de Siret, par le biais de son API (qui permet à deux applications de communiquer entre elles) entreprises.
Avant de s’attaquer au déploiement de nouveaux services, la collectivité de Corse (330 500 hab.) s’est attachée à regrouper un gros volume de données. « Aujourd’hui, notre portail open data contient 400 jeux de données, qui vont au-delà de celles collectées en interne. Plus il y a aura de jeux de données ouvertes, plus cela suscitera d’intérêt et d’innovations », note Valérie Lust Serpaggi, cheffe de mission « données territoriales ».
Itinéraires, heures de passage
Au sein de la métropole de Brest, Arnaud Willaime, délégué à la transition numérique et l’un des chefs de projet « data », estime que 80 % des moyens engagés sur les systèmes d’information sont aujourd’hui engloutis par leur entretien. « Puisque seulement 20 % peuvent être consacrés au développement d’offres de services, nous avons fait le choix, peut-être singulier, d’ouvrir progressivement nos bases de données en priorisant celles qui font l’objet d’un cas d’usage ou d’une demande d’expérimentation », explique-t-il. Car les nouveaux services proposés aux usagers ne relèvent pas forcément des collectivités. Ils peuvent être développés par tout porteur de projet puisant dans les jeux de données ouvertes. C’est surtout dans les domaines des transports et de la mobilité que les applis ont pour l’instant prospéré, que ce soit pour calculer des itinéraires, connaître les heures de passage des transports en commun et la disponibilité des vélos en libre-service ou comparer les offres des opérateurs de transport.
La plateforme « transport.data.gouv.fr » joue dans ce domaine un rôle d’intermédiaire entre les collectivités productrices de données et les réutilisateurs. « L’open data suppose de sortir de la mentalité de commande publique, dans laquelle une collectivité demande à un prestataire un service en fonction de ses besoins. Il s’agit ici plutôt de susciter des idées à travers les jeux de données et d’autres personnes vont s’en saisir », décrypte Béatrice Mercier, responsable de l’accompagnement à l’ouverture de données sur « transport.data.gouv.fr », à la Dinum.
QuiditMiam !
Principal écueil à ce mode de fonctionnement : il est impossible de prévoir le type de service qui pourra émerger d’un jeu de données, ni même d’avoir toujours connaissance des services déployés. « Notre travail consiste aussi à animer la communauté de réutilisateurs, à les inciter à s’identifier et à rendre plus visibles les cas d’usages, alors que les collectivités ont le sentiment de passer du temps à nettoyer ces données », complète Béatrice Mercier. C’est pourquoi certaines cherchent à se montrer plus proactives. La collectivité de Corse a choisi de recruter un développeur pour initier des projets en interne. Mais la plupart préfèrent laisser la main à des porteurs de projets extérieurs. Alors que plusieurs centaines de jeux de données sont disponibles sur le portail du système d’information géographique du pays de Brest, leur taux d’usage reste modeste, faute de communication. « Afin d’accroître les demandes de business cases, nous avons mis en place une API sur les transports publics en temps réel », indique Arnaud Willaime.
Des collectivités accompagnent également les start-up dans le développement du projet. Dans le cadre de la smart city, Toulouse métropole (37 communes, 763 000 hab.) a expérimenté, à partir de 2015, l’appli QuiditMiam ! affinée avec les cuisines centrales de l’interco. « L’appli affiche le menu des cantines en toute transparence : bio, local, allergènes… et permet de payer les repas. Les parents ont la possibilité de signaler toute allergie alimentaire et de recevoir une notification lorsque l’allergène est présent dans l’un des repas. Les convives peuvent aussi noter les plats et cette information est ensuite communiquée aux prestataires. De leur côté, les cuisines centrales s’en servent pour évaluer le nombre réel de repas », détaille Jean-Philippe Delgado, PDG de la société QuiditMiam !. Cette dernière compte désormais 800 clients sur l’ensemble du territoire. Les services conçus ont en effet vocation à se déployer sur d’autres territoires, dès lors qu’ils s’avèrent pertinents.
Un travail avec les start-up pour répondre aux besoins des usagers
Eric Legale, directeur général de la SEM Issy média
[Issy-les-Moulineaux, 68 400 hab., Hauts-de-Seine] Créée il y a trente ans, la SEM Issy média gère la communication et la politique d’innovation de la ville d’Issy-les-Moulineaux. A la pointe, la commune s’apprête à lancer une appli vocale permettant de connaître les démarches à suivre, par exemple pour obtenir un passeport. Et a testé plusieurs applis pour aider les automobilistes à trouver des emplacements de stationnement libres. En amont de la direction des systèmes informatiques, Issy média assure une veille des tendances actuelles et expérimente de nouveaux usages. « Nous ne développons pas de solutions en interne, mais travaillons sur les propositions des start-up. Davantage que par le fonctionnement technique, c’est la façon dont l’innovation va répondre à un besoin des usagers qui nous intéresse. Nous attendons donc que les start-up soient conscientes de la demande du public, et qu’éventuellement elles adaptent leur projet en ce sens », souligne Eric Legale.
Issy média accompagne volontiers les entreprises souhaitant expérimenter de nouveaux services ou usages, allant parfois jusqu’à les aider dans leur demande de subvention, par exemple auprès de la région. « Sur certains sujets comme la mobilité, nous avons demandé à de grandes entreprises de travailler ensemble. C’est ainsi qu’est né le consortium autour du projet so mobility, dont l’ambition est de fluidifier les déplacements en ville », note Eric Legale.
Contact : Eric Legale, eric.legale@ville-issy.fr
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