Le prochain budget d’Oakland aura un parfum particulier. Les habitants de cette ville moyenne de Californie (400 000 habitants tout de même) auront eu, grâce à l’open data et l’initiative de quelques uns, une vue approfondie des dépenses et rentrée fiscale des années 2013 à 2015.
Tout a commencé en novembre 2012 quand Adam Stiles, publicitaire et journaliste indépendant se joint à un hackathon organisé par la ville d’Oakland. Il y entend un participant suggérer que « les citoyens avaient besoin de comprendre les comptes de la ville », et décide de s’engager, avec lui, dans une expérience encore assez unique dans l’utilisation des données publiques.
Leur but : obtenir les données budgétaires de la ville, et les rendre accessibles (compréhensibles) au plus grand nombre à travers leur visualisation sur un site dédié.
Dépourvus de toute expérience en programmation, tous deux font appel à Code for America (1), une association de développeurs qui soutient des projets de citoyens pour rendre les gouvernements plus proches du public, grâce aux outils du web.
Openspending, un outil de visualisation de budgets – Cinq mois après, ils présentent la première version de leur site internet au public, et au conseil municipal d’Oakland. Au coeur du site, l’utilisation d’un logiciel, Openspending, qui permet la représentation idéale d’un budget pour le grand public, et développé par l’Open Knowledge foundation (OKFN) (2). Sa vocation : rendre visibles les budgets municipaux, jusqu’à celui des États.
Au Danemark par exemple, ce n’est pas moins de 98 villes dont les budgets sont montrés sous toutes leurs coutures. Aux États-Unis, 35 villes ont adopté l’outil. Dans le monde au total, plus de 200 villes mettent à disposition des habitants des visualisation de leur budget en utilisant Openspending.
Mais avec Oakland, c’est la première fois que la démarche vient d’une initiative ascendante, des citoyens.
Nouvelles technologies au service de la cohésion sociale – Si les possibilités et l’accessibilité de ce logiciel libre sont grandes, Adam Stiles a compris que l’idée ne pouvait se résumer à l’utilisation d’un outil, mais devait partir des attentes des différentes communautés de la ville, puis de solliciter la ville pour obtenir les données nécessaires.
« Nous rencontrons les représentants d’une communauté pour savoir quels aspects du budget les intéresseraient, ce qu’ils ont envie de voir et de comprendre. Puis nous allons voir la mairie pour obtenir les données. Nous avons aussi eu la chance de rencontrer un expert finances de la ville qui nous a permis de bien cerner ce qu’elles révélaient du budget », explique Adam Sitles.
Liberté d’actions aux citoyens – Si la mairie n’a pas été motrice dans la démarche, « elle n’a rien fait pour l’empêcher », admet Adam. « Et puis, l’employé qui nous a assisté l’a fait en dehors de ses heures de travail […] parce qu’il comprenait la valeur ajoutée de ce que nous faisions ».
Malgré l’enthousiasme que cette démocratie locale 2.0 pourrait inspirer, Adam Stiles reste pragmatique : « Notre première ambition, c’est d’informer les citoyens, afin que chacun tire ses propres conclusions. Nous sommes encore au stade du prototype, et le défi sera de rendre l’outil réellement utile aux citoyens. Ce qui implique de vraiment écouter toutes les communautés d’Oakland pour mesurer ce qu’elles attendent du budget municipal ».
Openbudgetoakland.org prêt pour la proposition de budget de 2013-2015 – Si le développement du site n’est pas terminé, c’est aussi parce qu’il évolue en fonction de la demande. La méthode de dialogue est d’ailleurs installée dans les habitudes des utilisateurs du site.
Les commentaires, par exemple sur la visualisation globale du budget, sont en majorité réservés à la discussion autour du nouveau budget 2013-2015 qui sera débattu au mois de juin 2013. Et les données sont nombreuses, car la mairie a été généreuse : le détail va jusqu’aux frais de reprographie.
Cependant, les commentaires se succèdent sur les fonds alloués à la police ou sur le montant de l’endettement. La communauté ne se limite pas à Oakland et les comparaisons sont constantes avec les autres expériences à travers le monde.
Ainsi on trouve pêle-mêle au milieu des commentaires sur le budget, des propositions d’améliorations inspirés soit du budget de l’Allemagne, soit de celui de la ville de New York. A la différence de ces exemples, les habitants d’Oakland feront entendre leur avis sur un budget qui n’est pas encore voté. Leurs questions sont d’ores et déjà consignés dans les commentaires.
Qu’est-ce qu’un hackathon ?
Maël Inizan, chargé de projet chez Silicon Xperience / Silicon Sentier, qui a organisé plusieurs manifestations de ce type (3) rappelle que le terme « ‘Hackathon » est un néologisme qui contracte les mots « hack » et « marathon », le hack recouvrant une notion de « bidouillage ».
Dans l’univers numérique, les hackathons rassemblent des développeurs, des graphistes, des designers, des journalistes… pour réaliser, ou co-créer, sur un temps ramassé, un projet d’application. La motivation des participants peut être aiguillonnée par un concours, récompensant les meilleures trouvailles à l’issue de la manifestation. Des « mentors » peuvent accompagner les participants pour les guider dans leurs créations.
La boite à outils pour les geeks
Pour ceux qui veulent aller plus loin et s’essayer à la visualisation de budget :
Cet article fait partie du Dossier
Open Data et réutilisation des données publiques : des promesses vertigineuses
Sommaire du dossier
- Les grandes collectivités, locomotives de l’open data
- L’Union européenne précise les modalités de publication des données ouvertes
- Culture de la donnée : zoom sur deux projets territoriaux
- Echange de données : ce que change la loi 3DS
- Données et algorithmes : une feuille de route dessine la relation Etat-collectivités
- Une circulaire pour une meilleure circulation des données
- Garantir la souveraineté de la collectivité sur ses données
- Garantir la transparence et l’ouverture des données publiques
- Dijon géolocalise ses bassins d’emploi pour mieux identifier leurs besoins
- Protéger les données à caractère personnel
- Des idées de nouveaux services foisonnent grâce à l’open data
- Ce qu’il faut retenir du projet de loi pour une République numérique
- Rennes métropole dresse un bilan nuancé de son service public de la donnée
- Open data et collectivités : qui fait quoi, et comment ?
- Open data : « Le mouvement qui s’enclenche est inéluctable » – Axelle Lemaire
- « L’opendata est avant tout un projet organisationnel » – Laurence Comparat
- Mobilité : l’échange de données est-il gagnant-gagnant ?
- Les alléchantes données d’Uber aiguisent l’appétit des collectivités
- « Voir les données comme une infrastructure est un enjeu majeur de souveraineté » – Henri Verdier
- Une interco pionnière dans l’ouverture des données
- “L’open data par défaut ne pourra pas se faire sans médiation numérique” – Samuel Goëta
- Révision à la baisse de l’opendata dans les collectivités locales
- Open data, un nouvel élan pour le tourisme
- Libre accès aux données publiques : comment mettre en œuvre les nouvelles obligations
- Open data : comment réussir l’ouverture de ses données publiques
- En Nouvelle Aquitaine, l’observatoire Nafu affûte la connaissance du foncier grâce aux données publiques
- « L’open data ne devrait être qu’une des modalités d’ouverture des données publiques »
- Open data : l’Occitanie est un territoire-pilote
- Rennes construit le « service public métropolitain de la donnée »
- Quand les agences d’urbanisme se saisissent de l’open data
- Coopération public – privé et données : comment et pourquoi les collectivités doivent reprendre la main
- Le décret sur les données de référence, nouvelle pierre pour la généralisation de l’opendata
- Projet de loi Valter : un (tout) petit pas pour l’opendata
- Réutilisation des données publiques : des promesses vertigineuses
- L’open data, atout maître dans la course aux économies ?
- L’ouverture des données publiques en France reste perfectible
- Mobilités : les collectivités se rapprochent d’Uber, Waze et Blablacar
- La métropole, « bonne échelle pour développer le service public local de la donnée »
- Le fouillis des licences open data s’éclaircit [Fiche pratique]
- “Les données d’autorité restent un instrument de souveraineté”- Pascal Berteaud, DG de l’IGN
- Open data : le service public augmenté – Des données ouvertes de plus en plus cadrées
- Données publiques : une nouvelle économie des services publics en débat
- Les acteurs publics, gros acheteurs des données… publiques
- OaklandOpenBudget ou quand les citoyens se saisissent de l’Open Data
- Open data : quels coûts pour les collectivités territoriales
- Open data : le service public augmenté – 1. Cap sur la réutilisation
- Open data : le service public augmenté – 3. Des territoires riches de données
- Open data : le service public augmenté – 2. L’atout de la mutualisation
- L’open data, véritable voie de modernisation pour les administrations
- Open data et tourisme : un potentiel qui reste à transformer
- « Les collectivités, premières bénéficiaires de l’open data » – Claire Gallon, LiberTIC
- Open data : la transparence démocratique demeure virtuelle
- La FING, partenaire et centre de ressources
- Une évaluation sans concession mais lucide de l’open data en Loire-Atlantique
Thèmes abordés
Notes
Note 01 La brigade des informaticiens pour l'Amérique - Code for America Retour au texte
Note 02 Cette association, née en Angleterre en avril 2004, ne cesse de créer des antennes à travers le monde pour faciliter l’accès aux données publiques et à la connaissance Retour au texte
Note 03 Son dernier, le « space apps challenge », était organisé en partenariat avec la NASA, dans 83 villes à travers le monde simultanément. Retour au texte