Open data

Le fouillis des licences open data s’éclaircit [Fiche pratique]

| Mis à jour le 01/12/2013
Par • Club : Club Techni.Cités

En deux ans, le paysage des licences compatibles avec un projet open data a bien évolué. On observe un resserrement sur deux licences libres, celle d’Etalab, et la licence ODbL. Le choix s’opère surtout en fonction de l’orientation politique et sociétale donnée à l’ouverture des données publiques.

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Open Data et réutilisation des données publiques : des promesses vertigineuses

Devant les nombreuses licences possibles, les collectivités souhaitant ouvrir leurs données peuvent se sentir un peu perdues. De l’une à l’autre, obligations et libertés accordées aux réutilisateurs ne sont pas les mêmes. Le choix de la licence doit se faire en fonction de l’objectif assigné à à la politique open data mise en place. Etant entendu que, par définition, l’open data vise à faciliter la diffusion et la réutilisation des données publiques, sans faire de discrimination envers tel ou tel usager ou usage.

Pour cette raison, les licences dites libres sont le choix logique qui s’impose. Une licence libre octroie quatre droits :

  1. celui d’utiliser,
  2. d’étudier,
  3. de modifier
  4. et de redistribuer les modifications.

Une licence contributive rajoute une clause de partage à l’identique (ou share-alike, sa, en anglais) qui oblige à redistribuer les modifications sous les mêmes conditions. Ce principe, baptisé aussi copyleft vient du mouvement du logiciel libre initié au début des années 80 par Richard Stallman. D’importants projets contributifs l’ont adopté, comme Wikipedia ou Open Street Map, le projet de cartographie. La compatibilité avec les autres licences existantes est donc un point important, sous peine de restreindre les possibilités que les données puissent être utilisées avec d’autres projets.

Droit sui generis – En principe, les contenus des bases de données mises à disposition en open data ne sont plus couverts par du droit d’auteur. La base de données elle-même peut être protégée par du droit d’auteur sous certaines conditions strictes sur l’originalité de sa forme. Une directive européenne de 1996 a rajouté un droit exclusif sui generis « pour protéger l’investissement, en  temps, en  moyens  financiers et  en travail, nécessaire  pour établir une base de données, que celle-ci ait ou non un caractère intrinsèquement  innovateur. »

Pour l’heure, la situation n’est pas clarifiée, regrette Claire Gallon de LiberTIC, une association de promotion de l’open data : « Il y a eu un mouvement d’homogénéisation des licences autour de la licence ouverte (LO) et Open Database License (ODbL). On a ensuite vu une régression avec le développement des licences maison. L’intéret des sigles ODbL et LO était de ne pas avoir à relire les conditions juridiques. Aujourd’hui on trouve des licences appelées LO ou ODbL alors que le texte juridique est différent, c’est nuisible à toutes les démarches. » « Il y a eu stabilisation, mais il est vrai que des acteurs privés ont adapté ces deux licences », précise Simon Chignard, consultant sur l’open data. Benjamin Ooghe-Tabanou, de Regards citoyens, une association militant pour l’open data, penche aussi pour un resserrement autour de ce duopole.

« Aussi  simples  à  appréhender  et  à  accepter  que  possible » – Dans  son rapport sur les redevances sur les données publiques, le magistrat de la cour des comptes Trojette souligne l’importance de ne pas noyer les utilisateurs dans les méandres de licences spécifiques : « dans un contexte de concurrence avec des données produites  hors  du  service  public,  les  contraintes  ainsi imposées  aux  réutilisateurs  doivent  être  aussi  simples  à  appréhender  et  à  accepter  que  possible :  une  jeune  pousse  du  secteur des  Big  data,  désireuse  de  réutiliser  massivement  les  données  publiques  de  vingt  administrations  différentes  dans  quinze  pays différents  et  de  les  croiser  avec  des  données  privées  ne  consentira vraisemblablement pas à faire appel aux services d’un avocat pour étudier toutes  les licences types non standards de l’administration.

Dès  lors,  l’administration  devrait  privilégier  le  recours  à  des  licences  types  auxquelles d’éventuelles licences spécifiques seraient automatiquement compatibles. Ces  licences  types  pourraient  avoir  l’avantage  d’une  formulation  compatible  avec  les  standards internationaux  –  pour la  définition  desquels  la  France  a  un  rôle  à  jouer  –  et  faire  l’objet  d’une  traduction pour accroître l’attractivité des plateformes hors de France. »

« De toutes façons, les licences sont peu respectées » – Reste à savoir si les heures passées à choisir la licence ne le sont pas en vain : « De toutes façons, les licences sont peu respectées, il suffit de voir même les lauréats des concours open data qui ne citent pas la source et puis il est difficile de suivre les usages, relève Claire Gallon. J’ai l’impression qu’elles servent juste à rassurer les producteurs de données et à leur assurer un dispositif juridique de recours si besoin. »

Pascal Romain, chef de projet informatique pour le conseil général de la Gironde, va dans ce sens : « on pourrait vérifier si un avantage commercial important était tiré, mais pour le moment, nous ne sommes pas en mesure de faire la fine bouche sur les usages »

1 – La « licence ouverte » d’Etalab (LO)

En octobre 2011, Etalab, la mission gouvernementale en charge de l’ouverture des données en France, a publié sa propre licence libre, baptisée « licence ouverte » (LO). D’autres gouvernements ont suivi la même démarche.

Elle est dite permissive car la seule contrainte est de mentionner la paternité et la date de la dernière mise à jour. Pour le reste, il est possible de reproduire, redistribuer, modifier, exploiter à titre commercial. La communauté du libre avait bien accueilli ce choix. « Elle assure ainsi un maximum de compatibilité avec les licences libres existantes en la matière, se réjouissait Regards citoyens, qu’il s’agisse des Open Data Commons de l’Open Knowledge Foundation comme l’ODbL, des Creative Commons BY ou BY-SA, ou encore de l’Open Government Licence du gouvernement anglais. »

Outre le portail data.gouv.fr, de nombreuses collectivités se sont ralliées à elle à sa création, ou l’ont adopté pour les projets lancés après : Bordeaux, Montpellier, l’Auvergne, les Hauts-de-Seine

2 – Les licences Open data commons

L’Open Knowledge Foundation (OKF), une association de promotion du savoir libre, a développé trois sets de licences orientées bases de données, basés sur le droit anglo-saxon.

  • La licence OBbL

L’Open Database License (ODbL) est une licence de style copyleft qui permet de copier, modifier, de faire un usage commercial, sous trois conditions : citer la source ;  redistribuer sous des conditions de partage identiques les modifications ; maintenir ouverte techniquement la base de données que vous redistribuez, qu’elle soit modifiée ou non. Toutefois, et c’est un point important et souvent oublié, il est possible de déroger au share alike moyennant contre-partie.

« La licence OdbL crée donc un pot commun dans lequel s’ajoutent les contributions réalisées sur les bases de données libérées et participe à l’enrichissement collectif du travail plutôt qu’à l’appropriation individuelle, expliquait LiberTIC. L’usage des données publiques est alors orienté non seulement vers l’innovation mais vers l’innovation sociale et la production de biens communs. » Licence ouverte et OBdL sont « deux choix politico-économiques qui peuvent parfaitement cohabiter, assurant tous deux un véritable cadre Open Data aux réutilisateurs », précisait encore Regards citoyens.

Elle a été transposée en français par Veni, Vedi, Libri, une association dédiée aux licences libres, en partenariat avec Paris dans le cadre du lancement de son portail. « La transposition ne pose pas de problème car la plupart des mécanismes sont harmonisés à l’échelle européenne », précise Benjamin Jean,  juriste et fondateur de Veni, Vedi, Libri.

C’est la seconde licence standard la plus courante en France : la communauté urbaine de Bordeaux, Toulouse Métropole, des offices du tourisme en Paca…, ont fait ce choix.

  • La licence ODC-By

La licence open data common by (ODC by) est permissive puisqu’elle autorise toutes les utilisations à condition que la paternité (by) soit indiquée. Elle est donc proche de la licence ouverte d’Etalab.

  • La licence PDDL

La licence Public Domain Dedication and License (PDDL) revient à renoncer à tout droit puisque la base de données est placée dans le domaine public. Elle se rapproche de la licence CC0.

3 – La licence CC0

La CC0 est la seule licence développée par Creative Commons compatible avec le droit des bases de données. Elle est issue du projet Sciences commons sur les données scientifiques.

Crées en 2002 pour assouplir le droit d’auteur, les licences Creative Commons combinent ad libidum quatre clauses : la première by (attribution), est obligatoire ; non commercial (nc) interdit de faire un usage commercial ; share-alike ; pas de modification, non derivative (nd). Wikipedia est sous CC by, OSM pour la partie tuiles et documentation, Flickr ou encore YouTube permettent de mettre ses contenus sous CC. Les clauses nd et nc sont incompatibles avec l’open data.

A part la CC0, il est déconseillé de mettre ses bases de donnée sous CC car ces licences sont conçues pour des contenues culturelles sur lesquelles s’appliquent du droit d’auteur, en ignorant le droit sui generis. Toutefois, la nouvelle version publiée en novembre prend désormais en compte le droit des bases de données.

En France, nous n’avons pas trouvé de collectivité qui l’utilise. La région italienne du Piémont l’a adoptée. Quelques institutions en France ont opté pour les autres licences CC : sur Open Data Paca, le Syndicat mixte du Pays d’Arles, CC-BY-SA, Ecorem, une plate-forme associative collaborative sur la Mediterrannée, certaines données d’archives de Saône-et-Loire en by sa…

4 – Les licences françaises tombées en désuétude

  • La Licence Informations Publiques (LIP) de l’Agence du patrimoine immatériel de l’Etat (APIE)

La Licence Informations Publiques (LIP) de l’Agence du patrimoine immatériel de l’Etat (APIE) avait été accueillie par une volée de bois vert par les militants de l’open data à sa sortie en 2011 qui parle de licence « pseudo-libres » : « il ne suffit pas de se prétendre compatible avec le libre pour le devenir ! » avait protesté Regards citoyens. Le flou juridique concernant les notions de « non dénaturation » ou de  « ne pas induire en erreur », et donc son éventuelle incompatibilité avec les licences libres, avait aussi été pointé.  

« Ces conditions n’ont à ce jour poser aucun problème, nuance Pierre-Paul Pénillard, qui s’occupe du portail de la Saône-et-Loire, une des collectivités qui l’a gardée. Elle se rapproche des licences de type CC BY. » Pour le reste, la CUB lui a préféré l’ODbL l’année dernière, Montpellier la licence Etalab à son lancement…  

  • La licence « information publique librement réutilisable » (LIP)

Développée par le ministère de la Justice en 2010, la licence « information publique librement réutilisable » (LIP) s’appuie sur la loi CADA de 1978. Malgré ses imperfections, elle avait marqué alors un premier pas, démontrant que le droit des informations publiques français et les licences libres pouvaient s’accorder. Il ne semble pas qu’elle ait été retenue ailleurs qu’au ministère, hormis Ouestmarches.com mais il interdit le scrapping (l’aspiration des données) dans ses conditions générales de vente.

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