Exit le grand débat soigneusement limité à quatre thématiques ! Si le Président maintient ce découpage, il assure, dans sa Lettre aux Français du 13 janvier 2019 qu’ « il n’y a pas de questions interdites ».
Une ligne de conduite qui vaut pour les territoires. « Y a-t-il trop d’échelons administratifs ou de niveaux de collectivités locales ? », s’interroge le chef d’Etat dans sa missive dévoilée juste avant le lancement du grand débat, le 15 janvier. Une manière de renouer avec sa campagne présidentielle. Le candidat Macron s’était alors fait le chantre des fusions entre les métropoles et les départements. Après avoir échoué, voici un an, à mener une telle opération dans le Grand Paris, le chef de l’Etat s’était montré plus discret sur ce chapitre.
Les 550 000 édiles dans le viseur
« Faut-il, et dans quelles proportions, limiter le nombre de parlementaires ou autres catégories d’élus ? », évoque également Emmanuel Macron. Un retournement de l’histoire, là encore. Si la réduction des effectifs de l’Assemblée et du Sénat est à l’ordre du jour de la réforme des institutions, la diminution des 550 00 édiles locaux ne figure pas au programme de ces prochains mois.
En avançant cette piste, Emmanuel Macron reprend cependant une idée qu’il avait mise sur la table lors de la première Conférence nationale des territoires, le 17 juillet 2017 au Sénat. Il avait très précisément parlé d’une « réduction du nombre d’élus locaux ». Une opération rendue alors nécessaire, à ses yeux, par la baisse d’un tiers du nombre de parlementaires.
En contrepartie, Emmanuel Macron souhaitait des élus « mieux rémunérés » et « mieux protégés ». Devant l’hostilité des édiles et de la majorité à la chambre haute, ragaillardie par sa victoire aux sénatoriales de septembre 2017, il avait fait machine arrière.
Le Sénat sur la sellette
Mais le Président de la République, qui ne serait pas contre un référendum sur les institutions à l’issue du grand débat, fait désormais flèche de tout bois. Il attaque de front le Sénat et le Conseil économique social et environnemental. « Faut-il les transformer et comment ? », s’interroge-t-il. Un premier pas vers un rapprochement entre la chambre des territoires et la représentation de la société civile. Le référendum de 1969 n’avait pas porté chance au général de Gaulle. Désavoué dans les urnes, le père de la Vème République avait dû quitter l’Elysée.
Emmanuel Macron n’en est pas là. Dans sa Lettre aux Français, qui se veut un instrument de rebond, il ouvre le champ des possibles. « Faut-il renforcer la décentralisation et donner plus de pouvoir de décision et d’action au plus près des citoyens ? A quels niveaux et pour quels services ? », se demande-t-il. Il retrouve ainsi la veine du « pacte girondin » et du « droit à la différenciation territoriale » qu’il avait déclinés le 21 juin 2018, lors d’un discours à Quimper. Une allocution sans grand lendemain.
Pas de tabou sur les fermetures de service public
Mais pour Emmanuel Macron, le dossier est devenu prioritaire. L’Etat et les collectivités doivent « s’améliorer pour mieux répondre aux défis de nos territoires les plus en difficulté ». Au-delà de ces zones, le Président affiche son pragmatisme. « Faut-il supprimer certains services publics qui seraient dépassés ou trop chers par rapport à leur utilité ? A l’inverse, voyez-vous des besoins nouveaux de services publics et comment les financer ? » se demande Emmanuel Macron.
Tout cela n’empêche pas le Président de jouer la carte des édiles. « Les maires auront un rôle essentiel car ils sont vos élus et donc l’intermédiaire légitime de l’expression des citoyens », écrit-il avant le grand débat.
Le Président passera aux travaux pratiques dès mardi. Il lancera la consultation, à l’occasion d’une table-ronde avec des maires, à Grand Bourgtheroulde dans l’Eure. Une commune nouvelle de la France périphérique dénichée par son ministre délégué aux collectivités Sébastien Lecornu, qui fut président du département avant d’entrer au gouvernement. Très en cour à l’Elysée, l’ancien édile LR sera d’ailleurs chargé, côté gouvernemental, de l’animation du grand débat. Un rôle qu’il assurera de concert avec la secrétaire d’Etat auprès du ministre de la transition écologique Emmanuelle Wargon.
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Grand débat national : quelles mobilisations dans les territoires, pour quels effets ?
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Sommaire du dossier
- « Changer notre démocratie, notre organisation, notre administration » : la réponse de Macron en 3 actes
- Le droit d’interpellation des élus locaux, un air de déjà-vu
- Edouard Philippe détaille le calendrier des chantiers annoncés par l’Elysée
- Bilan du Grand débat national : les quatre points clés
- Grand débat national, et maintenant ?
- Bilan du Grand débat national : dernier rapport des garants
- Les garants du Grand débat expriment leur satisfecit
- Mortagne au Perche : un grand débat sans RIC ni ISF
- Emmanuel Macron face aux maires du Grand Est : les désaccords persistent
- Les services publics au cœur des critiques citoyennes
- À Ouveillan, on déplore la « déshumanisation » des services publics
- Le Grand débat national entre dans sa phase opérationnelle
- Grand débat national : mode d’emploi
- Grand débat : « Il ne faut pas oublier de remonter les contributions » – Jean-Paul Bailly
- Quelles sont les conditions d’un « bon » débat ?
- Terra Nova propose le RIC délibératif
- Grand débat national : le Gouvernement s’engage sur les modalités d’analyse et de restitution
- Le Grand débat au crible des experts de la démocratie participative
- A Sézanne, le besoin d’une plus grande proximité entre le citoyen et l’administration
- A Roubaix, un débat citoyen entre frustration, espoir et colère
- Grand débat : tout savoir sur la plateforme numérique
- A Civrieux, on débat en recherchant le consensus
- Grand débat : quelle facture pour les communes ?
- Grand débat : Sébastien Lecornu constitue un comité des maires
- Grand débat national : le rapport accusateur de la CNDP
- Le Grand débat national fait le plein à Palavas-les-Flots
- A Villiers-le-Bel, les habitants dénoncent les défaillances des services publics
- Grand débat : une vision de la transition écologique très critiquée
- Grand Débat : le collège de garants assure ne recevoir d’instruction « de personne »
- Les mots de la lettre aux Français
- Retour sur l’intervention-marathon d’Emmanuel Macron
- Grand débat national : « Il faut intégrer les agents publics dans le recueil de la parole citoyenne »
- Grand débat national : mais où est donc passée la culture ?
- Grand débat : le cri d’alarme de fonctionnaires en détresse
- Grand débat : les premières remontées de terrain par les élus
- Grand débat : Emmanuel Macron s’attaque au nombre de collectivités
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