Opération de charme à l’Elysée. Après une entrevue-fleuve avec le bureau de l’Association des maires de France, Emmanuel Macron est allé au contact des 2 000 premiers magistrats réunis dans la salle des fêtes du palais. « Je vais rester aussi longtemps qu’il y aura du monde dans la salle », a d’emblée lancé le chef de l’Etat. Emmanuel Macron s’est posé en élu parmi les élus : « On est fait du même bois. Moi aussi, je ne lâche rien ! »
Au cours d’un échange de plus de deux heures, essentiellement à base de questions-réponses, le chef de l’Etat n’a cessé de tendre la main aux maires avec lesquels il a « la République en partage ». Alors que, contrairement à son engagement de 2017, il a fait le choix de ne pas se rendre au congrès des maires cette année, Emmanuel Macron a promis de revenir l’an prochain pour l’ouverture. Il poursuivra aussi ce dialogue direct avec les élus locaux, sous la forme de séances de deux heures de questions-réponses « dans chaque région avec l’ensemble des maires ».
Les associations d’élus à la baguette
En attendant, Emmanuel Macron a souhaité « confier aux élus et aux associations d’élus la gestion de la fonction publique territoriale ». Un engagement dans le droit fil de sa campagne présidentielle. « Ce n’est pas sain que les trois fonctions publiques aient les mêmes règles pour toute l’éternité, que, lorsque le gouvernement veut monter le point d’indice des infirmières, c’est l’ensemble des fonctionnaires, y compris territoriaux, qui ont le point qui augmente avec une charge qui vous retombe dessus », a-t-il lancé aux édiles. Un chiffon rouge pour les syndicats que s’est toujours gardé d’agiter le secrétaire d’Etat à l’Action et aux Comptes Publics, Olivier Dussopt.
Mais Emmanuel Macron ne s’est pas arrêté en si bon chemin… Il a aussi mis « les pieds dans le plat » sur le temps de travail des fonctionnaires territoriaux : « On n’est pas aux 35 heures. Il faut que l’on soit collectivement responsable et que l’on puisse arrêter le jour du maire, du président, de la femme du président, du cousin du président. »
La DGF sur la sellette
Très en verve, le Président a aussi taclé les collectivités au chapitre financier : « Entre 2013 et 2017, il y a eu moins 11,5 milliards de dotation, mais dans la même période, il y a eu plus 18,8 milliards de prélèvements fiscaux. Ces prélèvements, cela va dans le sentiment du ras-le-bol. Mais, pour reprendre la formule de certains, ça, ce n’est pas bibi ! »
La soirée du 21 novembre a également vu le retour d’un mort-vivant ! Totalement oublié, notamment dans le texte du PLF 2019, le fantôme de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) est apparu « au château » élyséen.
Soucieux de se justifier sur les questions financières qui inquiètent actuellement les élus locaux, le président de la République a insisté sur la promesse tenue à propos de la Dotation forfaitaire : « pour la première fois, elle est stable à 18,5 milliards d’euros », tout en reconnaissant que certains montants individuels ont « monté et d’autres ont baissé ». Mais, a-t-il poursuivi : « je ne suis pas responsable des 40 critères qui les déterminent ! »
Le président s’est alors dit, à la surprise générale, prêt à « ouvrir le débat sur les modalités d’attribution », notamment sur l’un des critères les plus discriminants, celui de la démographie : « On peut réduire l’impact de la DGF sur les communes qui perdent des habitants, mais il va falloir justifier à celles qui en gagnent pourquoi elle n’augmente pas » !
Grande discrétion sur la taxe d’habitation
Devant l’élu de Poissy (Yvelines) qui se plaignait d’être un perdant financier de la refonte de la carte intercommunale via son potentiel financier devenu défavorable, il a de nouveau lancé : « Il faut réviser les critères » !
S’il a déterré la réforme de la DGF votée en 2016 et sans cesse repoussée depuis, il a en revanche glissé sur la taxe d’habitation, en évoquant juste le respect de son engagement de la réformer.
Ceux qui voulaient des précisions sur la compensation de cette taxe et sur la future réforme fiscale prévue au printemps 2019 – comme Renaud Pfeffer, maire de Mornant (Rhône) ou Gérald Durieux maire de La Chambre (Savoie) interrogés sur le congrès des maires -, sont restés sur leur faim. Emmanuel Macron a ainsi montré que sur la question de la fiscalité, il tient à rester le maître des horloges.
Vers cinq métropoles-départements ?
Emmanuel Macron a, en revanche, dit « oui » au maire (Ex-LR) de Vesoul, Alain Chrétien, qui lui a proposé d’installer la future Agence nationale de cohésion des territoires « en dehors de Paris ». « Ce serait un signe très fort. On va faire sur cette base-là un appel à projet ».
Au chapitre des fusions-absorption des départements sur le périmètre des grandes métropoles, le chef de l’Etat a brossé un tableau en demi-teinte. Une telle opération ne fonctionne pas à Lille, a-t-il reconnu. Elle serait trop « appauvrissante » pour la partie du département du Nord qui n’en profiterait pas. « En revanche, sur Nice, Bordeaux, Toulouse et Marseille, on a des discussions qui peuvent aboutir et des solutions pragmatiques qui peuvent être trouvées », a-t-il considéré, promettant du « cousu main ». A voir…
Si dans les Bouches-du-Rhône, la présidente du conseil départemental a pris la tête de la métropole, ses collègues des Alpes-Maritimes, de la Gironde et de la Haute-Garonne ne masquent pas leurs réserves.
Concernés par des fusions avec les groupements urbains de Nice, Bordeaux et Toulouse, ils ont mis en garde Emmanuel Macron dans un communiqué du 10 septembre. « La perspective d’une réforme des métropoles calée sur le seul ‘modèle lyonnais’, au détriment des départements dans leurs compétences et périmètres actuels, nous paraît contenir le risque irrévocable d’accentuer davantage les fractures territoriales », ont-ils averti.
Plus consensuel, Emmanuel Macron a promis un aménagement de la réforme territoriale. Mais uniquement à la marge. « L’objectif n’est pas de détricoter. Il y a une logique de regroupement qui s’imposait », a-t-il jugé. Le chef de l’Etat s’est refusé à « ouvrir la boîte de Pandore des compétences ». L’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France et Régions de France, qui réclament un acte III de la décentralisation, en sont pour leurs frais.
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Congrès des maires 2018 : un rendez-vous sous haute tension
Sommaire du dossier
- Des maires inquiets de ne pouvoir tenir leurs promesses de campagne
- Ébauche de dialogue en clôture du congrès des maires
- A l’Elysée, les maires restent sur leur faim
- Contenu partenaire Baromètre RH Randstad : quels objectifs 2020 pour les collectivités locales ?
- Gestion de l’eau : renouveler les réseaux mais aussi préserver la ressource
- Contenu partenaire Comment la Caisse des Dépôts accompagne les élus au quotidien ?
- La mise en œuvre du RGPD dédramatisée au Congrès des maires
- Se représenter ou pas ? Témoignages de maires
- Sécurité : les maires craignent une « tendance à la recentralisation »
- Gilets jaunes : ce qu’en pensent les maires
- Congrès des maires : le trompe l’œil des finances locales
- Aménagement numérique : espoirs mobiles, expectatives sur le fixe
- Fonction publique territoriale : Emmanuel Macron veut donner les pleins pouvoirs aux élus
- Un hashtag lancé par l’AMF pour redorer le blason des maires
- Développement économique : la difficile application de la loi NOTRe
- Congrès des maires 2018 : vers un lifting de la réforme territoriale
- Quand les gilets jaunes s’invitent dans la transition écologique
- Fonds européens : vers une complexification de l’obtention de financements ?
- Congrès des maires 2018 : pour en finir avec une « annus horribilis »
- Au Salon des maires, la majorité joue l’apaisement avec l’AMF
- 16 % de femmes maires « au pays de Marianne » : à quand la parité ?
- Les associations d’élus font bloc face au gouvernement
- L’exécutif démine le terrain à la veille du congrès des maires
- Gouvernance du sport : bientôt des expérimentations en régions
- Des gilets jaunes sous les écharpes tricolores ?
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- Aménagement : un recentrage à venir pour les SCoT ?
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