« Et pour toi, ça s’est passé comment les gilets jaunes ? » « Tu as vu, il fait un temps à ne pas mettre un gilet jaune dehors ! ». Ces propos, glanés durant le Congrès des maires qui s’est ouvert à Paris ce 20 novembre 2018 au Parc des Expositions, en parallèle de la quatrième journée de mobilisation des gilets jaunes, attestent de l’impact du mouvement auprès des écharpes tricolores. Ici, pas de gilet jaune mais des propos colorés par les revendications portées par ce mouvement, dont les élus redoutent toutefois l’aspect protéiforme.
A défaut d’afficher un gilet jaune géant sur le fronton de sa mairie, comme s’y est employé le 16 novembre 2018 Jérôme Darques, maire divers droite à Morbecque (Nord), sa collègue de Moisenay (Seine-et-Marne) Michèle Badenco (DVG) a elle-même accroché son gilet jaune au pare-brise de sa voiture. L’édile évoque une « saturation » et dénonce la baisse des dotations, car « tout est lié ». « Le mécontentement s’est exprimé, il faut savoir s’arrêter », nuance-t-elle toutefois, appelant à ne pas impacter l’économie et à ne pas empêcher les gens de se déplacer pour aller travailler.
Convergence des luttes à géométrie variable
« A Nantes, nous avons un peu souffert de cette mobilisation, même s’ils ont raison sur le fond », abonde Claude Lumineau, maire PS de Rezé (Loire-Atlantique). « Les populations dans des situations délicates sont encore plus fragilisées par les politiques menées par Emmanuel Macron. » « Nous n’avons pas notre gilet jaune mais ils ont certainement raison », abonde Yves Mosser, adjoint aux sports. « Les gens réclament des alternatives, et notamment celles de pouvoir utiliser des transports moins onéreux ou plus adaptés », poursuit-il.
Pierre-Jean Zannettacci, maire PS de l’Arbresle (Rhône), rejoint cette analyse : « Nous assistons à un réel ressentiment populaire qui s’exprime et a le mérite d’exister. En tant qu’élu, mon rôle n’est pas de porter un gilet jaune », avance-t-il, reconnaissant que « les idées sont bonnes. » « Je m’inscris également dans la défense des territoires : tout le monde ne peut pas vivre dans les grandes villes. Ces revendications rejoignent les problématiques liées aux transports, aux déserts médicaux, que nous rencontrons en tant que maires », analyse-t-il.
« Fracture avérée entre la société et les élus »
« Je suis en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique, mais nous devons avoir une réelle discussion au niveau national sur le coût de l’énergie », pointe pour sa part Emile Roger Lombertie, maire LR de Limoges. « La fracture est avérée entre la société et les élus. Cette réalité pénalise le pays et offre une image d’affrontements alors que nous avons besoin de dialogue », regrette-t-il.
Dénonçant les récupérations du mouvement des gilets jaunes par l’extrême-droite et l’extrême-gauche, l’élu plaide pour une restauration de la confiance. Le dialogue ne semble cependant pas aller de soi pour tous les élus. Sur Twitter, Bernard Carayon, maire LR de Lavaur (Tarn), a ainsi affiché sa solidarité avec les gilets jaunes et prévenu qu’il ne se rendrait pas à la réception organisée à l’Elysée en l’honneur des maires mercredi soir.
Je n’irai pas non plus à l’Élysée, M.#Macron renonçant à sa promesse de venir devant les maires que sa politique désespère. Et puis le champagne et les petits fours quand les #Giletsjaunes restent mobilisés pour la défense du pouvoir d’ achat, très peu pour moi! @lesRepublicains https://t.co/CMMh2tlr1M
— Bernard Carayon (@BernardCarayon) 19 novembre 2018
Sébastien Lecornu en opération déminage
Laurent Saint-Martin, député LREM de la 3ème circonscription du Val-de-Marne, voit dans les velléités de boycott de cet événement « une forme de récupération politicienne à des fins électorales ». « La réponse devra être trouvée ensemble, avec l’État, les collectivités locales et les élus », assure-t-il. Le propos se veut également rassurant de la part du ministre délégué aux Collectivités locales, Sébastien Lecornu. « Les maires vont vouloir venir, j’en suis persuadé, cette rencontre est dans l’intérêt de tout le monde », a-t-il déclaré, interrogé en marge de sa rencontre avec des élus et parlementaires sur le stand du ministère de la Cohésion des territoires.
Au-delà de cette mobilisation citoyenne, Henri Tudela, maire NC de Santenay (Côte-d’Or) plaide pour que les citoyens réinvestissent le politique. « Il faut reconnaître qu’il y a une coupure de la part des élites, qui souffrent d’une méconnaissance du terrain. Mais il y a d’autres manières d’exprimer son mécontentement. On ne sait pas à quoi va mener ce mouvement. J’estime que les urnes restent le meilleur moyen de manifester ! »
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Congrès des maires 2018 : un rendez-vous sous haute tension
Sommaire du dossier
- Des maires inquiets de ne pouvoir tenir leurs promesses de campagne
- Ébauche de dialogue en clôture du congrès des maires
- A l’Elysée, les maires restent sur leur faim
- Contenu partenaire Baromètre RH Randstad : quels objectifs 2020 pour les collectivités locales ?
- Gestion de l’eau : renouveler les réseaux mais aussi préserver la ressource
- Contenu partenaire Comment la Caisse des Dépôts accompagne les élus au quotidien ?
- La mise en œuvre du RGPD dédramatisée au Congrès des maires
- Se représenter ou pas ? Témoignages de maires
- Sécurité : les maires craignent une « tendance à la recentralisation »
- Gilets jaunes : ce qu’en pensent les maires
- Congrès des maires : le trompe l’œil des finances locales
- Aménagement numérique : espoirs mobiles, expectatives sur le fixe
- Fonction publique territoriale : Emmanuel Macron veut donner les pleins pouvoirs aux élus
- Un hashtag lancé par l’AMF pour redorer le blason des maires
- Développement économique : la difficile application de la loi NOTRe
- Congrès des maires 2018 : vers un lifting de la réforme territoriale
- Quand les gilets jaunes s’invitent dans la transition écologique
- Fonds européens : vers une complexification de l’obtention de financements ?
- Congrès des maires 2018 : pour en finir avec une « annus horribilis »
- Au Salon des maires, la majorité joue l’apaisement avec l’AMF
- 16 % de femmes maires « au pays de Marianne » : à quand la parité ?
- Les associations d’élus font bloc face au gouvernement
- L’exécutif démine le terrain à la veille du congrès des maires
- Gouvernance du sport : bientôt des expérimentations en régions
- Des gilets jaunes sous les écharpes tricolores ?
- La moitié des maires veulent raccrocher leur écharpe en 2020
- Aménagement : un recentrage à venir pour les SCoT ?
- Le congrès des maires pour une intercommunalité à la carte
- Emmanuel Macron sèche le congrès des maires
- Commune / intercommunalité : le clash
- La dématérialisation, moteur de la modernisation de l’action publique ou du lien avec les administrés ?
- Maire et préfet, les secrets d’un vieux couple
- « Le dialogue avec les élus est vital pour Macron » – Luc Rouban
- La refonte de la carte intercommunale fait toujours des vagues
- Santé et culture : même combat pour des «services essentiels de proximité»
- Déserts médicaux : « La coercition serait contre-productive »
- Radiographie de la France après la crise
- Maires, forains et responsables de cirques tentent de normaliser leurs relations
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