La salle était comble pour ce forum consacré au thème de l’eau, le 21 novembre au congrès des maires. Il faut dire que le sujet est d’actualité, avec la tenue des Assises de l’eau et le retour de cette thématique tout en haut de l’agenda politique, comme l’a salué Jean Launay, ancien parlementaire chargé par le gouvernement de la coordination de ces assises. L’occasion de se pencher en premier lieu sur l’un des grands chantiers des collectivités pour les années à venir : le renouvellement des réseaux d’eau.
Trouver un compromis technico-économique
S’il s’agit de lutter contre les pertes en eau de ces réseaux, bien évidemment, atteindre 100 % de rendement est un leurre, comme l’a rappelé à juste titre Régis Taisne, chef du service eau et assainissement de la FNCCR. Cet expert estime en effet qu’il s’agit plutôt d’atteindre un rendement de 80-85 % (comme l’a demandé la loi Grenelle 2), et un peu moins dans les territoires ruraux qui sont moins denses. « Il faut prendre en compte le contexte local, et voir s’il y a une forte tension sur la ressource, ou si l’eau est abondante, comme par exemple dans certains territoires de montagne », explique le représentant de la FNCCR.
Pour les aider, les collectivités pourront s’appuyer sur les agences de l’eau. Mais comme l’a souligné André Flajolet, président de la commission développement durable de l’AMF, ces agences vont devoir se serrer la ceinture car elles consacrent désormais environ un tiers de leurs moyens à des actions sur l’eau (les deux autres tiers correspondant à la biodiversité et aux ponctions de l’Etat dans leur budget). Les agences privilégieront donc les aides aux communes rurales.
Attention cependant, car pour bénéficier de ces aides, les collectivités devront remplir certaines conditions : « dans notre bassin Artois-Picardie, nous avons décidé de ne plus financer les services ayant des réseaux fuyard et qui mettent en avant un prix de l’eau très bas », expliqué André Flajolet, le président de son comité de bassin. C’est là une réalité : l’amélioration des rendements de réseaux d’eau va impliquer de mettre en œuvre une programmation pluriannuelle des investissements (PPI), et inévitablement, une hausse du prix de l’eau.
Lors de ce forum, Olivier Sichel, directeur général adjoint de la Banque des territoires a annoncé le lancement des « aqua-prêts », qui permettront aux collectivités d’emprunter à des taux extrêmement favorables (lire notre présentation de cette offre de prêts) et des durées allant jusqu’à 60 ans, avec une enveloppe de 2 milliards d’euros à la clé.
Trois conditions pour en bénéficier : avoir réalisé une PPI, se référer aux chartes qualité de l’Astee et reverser les données sur leurs réseaux dans le Sispea (système d’information sur les services publics d’eau et d’assainissement). Dernier point : le prêt peut correspondre à 100 % de l’investissement jusqu’à 100 M€ et représenter 50 % au-delà, et il est compatible avec les subventions des agences de l’eau.
Protéger les captages d’eau avec le bio
Au-delà de la gestion quantitative, il va également falloir mener des actions sur le plan qualitatif de la gestion en eau. D’autant que le changement climatique et l’amoindrissement des ressources vont mécaniquement augmenter la pollution des eaux souterraines ou de surface.
Plus que jamais, le travail avec les agriculteurs va être important. En premier lieu pour limiter les pesticides et engrais qu’ils utilisent et qui polluent l’eau, et tout particulièrement sur les captages d’eau. L’exemple de la ville de Lons-le Saunier a sur ce point été éclairant, cette collectivité ayant réussi à protéger 300 des 2 200 hectares cultivés sur son territoire. Dans une logique d’économique circulaire, les produits bio ainsi produits alimentent la restauration scolaire, qui affiche ainsi un taux de bio de 31 %. « Nous avons fait une déclaration d’utilité publique (DUP) pour prescrire des pratiques durables, des expropriations et des indemnisations. C’est comme ça que nous avons réussi à avoir une eau de qualité avec quasiment plus de nitrates et de pesticides, grâce au rapport de confiance que nous avons établi avec les agriculteurs », a témoigné Jacques Pélissard, maire de la ville et ancien président de l’AMF.
« Gagner la confiance des agriculteurs est un travail essentiel et nous avons cherché à ne pas les stigmatiser », explique à son tour Danielle Mametz, maire de Boëseghem (59) vice-présidente de la régie Noréade, qui a également engagé un travail de protection de ses captages sur ce territoire.
Quant à la conclusion de ces débats, c’est sans doute Régis Taisne qui a le mieux résumé les enjeux à venir pour la gestion de l’eau : « Le premier patrimoine d’un service d’eau, c’est la ressource en eau, en quantité et qualité. On pourra mettre tous les tuyaux qu’on veut, si on n’a pas la qualité, ça ne servira à rien ».
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Congrès des maires 2018 : un rendez-vous sous haute tension
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