En 2018, la personne qui occupe la fonction de maire est à 84 % un homme, s’appelle Michel Martin, a 63 ans en moyenne, est retraité dans 42 % des cas et a occupé deux mandats en moyenne, selon le portrait robot que la Gazette a établi dans son édition du 19 novembre. Face à ce constat, les législateurs sont-ils prêts à accélérer l’égalité femmes-hommes sur ces questions ?
Le Congrès des maires a été une nouvelle fois l’occasion de mettre l’accent sur cette inégalité. La présence des femmes dans les exécutifs locaux a ainsi donné lieu à une deuxième conférence-forum, au public nombreux et animé par la volonté de s’emparer de ce sujet. Cécile Gallien, maire centriste de Vorey (43), membre du bureau exécutif de La République en Marche et vice-présidente de l’AMF, en a ainsi résumé les enjeux : « 16 % de maires femmes, au pays de Marianne, n’est-ce pas choquant ? ».
Un projet de loi issu de 8 000 contributions
L’an passé, la nécessité de formuler des propositions concrètes avait été soulignée, et un groupe de travail « la place des femmes au sein des exécutifs locaux » de l’Association des maires de France (AMF) s’y est attelé. Il a rendu sa copie cette année, en se basant sur pas moins de 8 000 contributions – dont 880 de maires !
Le groupe, composé notamment d’une quinzaine d’élus, a appelé de ses vœux une évolution législative et a notamment plaidé pour une mesure emblématique : que les communes de moins de 1 000 habitants aient elles aussi l’obligation de constituer des listes paritaires, idéalement dès les prochaines élections municipales qui se tiendront en 2020. Le groupe de travail a également proposé qu’il y ait un alternat dans ces communes au niveau des adjoints : si le maire est un homme, que son premier adjoint soit une première ajointe, et vice-versa.
Au niveau des intercommunalités – seules 8 % des présidents d’intercommunalités sont des présidentes, le groupe appelle à la mise en place de listes alternées et paritaires. Dans l’EPCI serait également instaurée une règle de parité dans l’exécutif.
La contrainte fonctionne
La question de la contrainte a bien évidemment été soulevée lors d’échanges avec la salle. N’est-ce pas trop difficile de demander une liste paritaire dans les communes de petite taille ?
« Nous avons déjà entendu cette crainte pour les autres strates, et maintenant il y a des femmes élues à ces fonctions, la loi sur la parité a fonctionné » a répondu au micro Nadine Bellurot, maire LR de Reuilly (Indre), vice-présidente du département, qui a souligné qu’elle occupait ces fonctions non seulement car elle était compétente mais aussi grâce à la loi sur la parité. Et nombre d’élus se sont accordées là-dessus : la loi sur la parité leur a, pour une partie non négligeable d’entre elles, permis de pouvoir investir leurs fonctions actuelles.
En l’absence d’obligations, quid des bonnes pratiques ?
Epinglé mardi soir par l’émission Quotidien pour le manque de parité dans son cabinet en cours de constitution, l’un des arguments utilisés par le ministre délégué aux Collectivités locales, Sébastien Lecornu, a d’ailleurs consisté à dire que la parité n’était pas obligatoire au sein des cabinets ministériels. Ce qui semble confirmer qu’en l’absence d’obligations, les bonnes pratiques ont plus de mal à émerger.
Une fenêtre d’opportunité pour le renouvellement
Le défi est de taille, à seize mois des prochaines élections municipales. Alors qu’un maire sur deux envisage de ne pas se représenter, selon le dernier sondage du Cevipof sur le sujet, le contexte pourrait s’avérer crucial pour la parité. « Alors que beaucoup de maires s’interrogent, c’est le moment pour nous de porter ce renouvellement, et pour cela, légiférer est une nécessité », a déclaré Marie Paule Gay, maire sans étiquette d’Aubure (Haut-Rhin). A l’issue de cette matinée riche en échanges, le groupe de travail de l’AMF remettra ses conclusions à son président, qui se chargera de plaider auprès du gouvernement en faveur d’une proposition de loi. Le groupe de travail compte également miser sur des parlementaires sensibilisés à cette cause afin de le faire inscrire dans le calendrier législatif et que le projet de loi puisse passer avant les prochaines municipales.
Le modèle tunisien
Comme l’a rappelée au micro l’une des intervenantes, le gouvernement tunisien a instauré la parité aux dernières élections municipales qui se sont tenues en mai 2018, à la fois avec une approche verticale et horizontale : les partis ont désormais l’obligation de présenter autant d’hommes que de femmes têtes de listes. Et les résultats ont suivi. Grâce à cette mesure, 20 % des maires sont des femmes en Tunisie, bien mieux que les résultats de 16 % comptabilisés dans l’Hexagone.
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Congrès des maires 2018 : un rendez-vous sous haute tension
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