Sébastien Lecornu a rassemblé une vingtaine de maires de différents bords politiques, ce vendredi 25 janvier, afin d’entendre les premières remontées du terrain sur la tenue des débats à l’échelon communal. L’occasion pour les élus de partager les bonnes pratiques, mais aussi les difficultés rencontrées.
« Dans le cadre de cet exercice nouveau, singulier et inédit, il n’y a pas d’obligation pour les maires. Tout repose sur du volontariat », a rappelé en préambule Sébastien Lecornu. La plateforme du grand débat offre des premiers chiffres encourageants, qui ont soulignés par le ministre : « 1646 événements y sont recensés, dont 400 déjà passés, et beaucoup qui auront lieu en février. L’ouverture de la partie « contributions » du site a déjà engrangé 258 000 contributions depuis mardi », s’est-il félicité.
Les préoccupations des élus
Sur le terrain, pour les élus qui se sont déjà lancés dans l’organisation d’un débat ou qui comptent le faire, plusieurs questions se posent et ont été évoquées durant ce tour de table :
- Comment publiciser l’événement ? Frédérique Calendra, maire (PS) du 20ème arrondissement de Paris, a indiqué avoir diffusé le questionnaire du grand débat via le journal municipal édité à 95 000 exemplaires. Un autre élu a expliqué que rien qu’après deux jours de publicité, son débat avait attiré 250 personnes. Les premiers magistrats peuvent aussi envisager de compter sur le soutien d’autres maires voisins, peu désireux d’organiser eux-mêmes un événement, mais qui peuvent accepter de relayer la tenue d’un débat dans une commune voisine.
- Comment assurer la sécurité ? Un édile a rapporté que des anarchistes avaient envahi sa salle et avaient dû être rapidement évacués, même si dans l’ensemble les différents débats semblent s’être déroulés sans encombre.
- Qui anime ? Cette question renvoie au rôle du maire, qui fait l’objet ces dernières semaines de divers qualificatifs : « facilitateurs », « animateurs », etc. Bertrand Pecot, maire (sans étiquette) de Flancourt-Crescy-en-Roumois dans l’Eure, a évoqué l’hypothèse d’aller animer un débat dans une commune voisine et que le maire lui rende la pareille pour sa commune. D’autres choisissent d’avoir recours à des animateurs professionnels ou de faire appel à la bonne volonté des uns et des autres.
- Qui se charge du compte-rendu ? Cette question est centrale quant à la qualité des contenus qui seront remontés au gouvernement, et certains élus ont recruté des greffiers pour l’occasion. De plus, un « compte rendu mal rédigé serait une perte terrible pour le citoyen qui a pris le temps de contribuer », comme l’a fait remarquer Sébastien Lecornu.
Ces différents questionnements amènent au nerf de la guerre : qui va financer l’opération ? Le maire (PS) de Clichy-sous-Bois, Olivier Klein, a indiqué faire appel à une boîte privée pour animer le débat qui se tiendra dans sa commune, sans savoir si la préfecture participera financièrement à l’opération…
Autre question : quelles formes la consultation peut-elle prendre ? Elle est a priori très variable : mise à disposition de cahiers de doléances, d’une salle, organisation d’un débat, voire son animation… A Saint Germain-en-Laye, dans les Yvelines, c’est le format « agora » qui est expérimenté, et qui consiste à « aller à la rencontre des citoyens dans la rue, et notamment le dimanche à l’occasion du marché », comme l’a expliqué le maire (LR), Arnaud Péricard.
Le besoin d’obtenir des garanties
Les élus ont pour la plupart souligné le besoin exprimé par les habitants d’avoir des garanties sur la manière dont leurs contributions sont recueillies et sur ce qu’il en adviendra ensuite. Le collège de garants, qui a présenté ses missions un peu plus tôt dans la semaine, aura la lourde tâche de restaurer la confiance sur les modalités du dispositif et notamment sur la collecte.
La fidélité par rapport aux propos recueillis se pose également quand les citoyens s’écartent des thèmes retenus par le gouvernement : « mon intuition me souffle que l’on va assez vite s’éloigner des trente questions et aborder la question de l’école, du logement, de la sécurité, de l’emploi. Je ne veux pas que ces remontées-là soient oubliées », a ainsi déclaré le maire de Clichy-sous-Bois.
La représentativité des participants en question
Se pose enfin la question de la représentativité des participants : une grande majorité d’élus ont regretté l’absence de jeunes lors des débats qu’ils ont organisés. D’autant qu’il est jugé délicat d’amener le grand débat à l’intérieur des établissements scolaires.
La question des banlieues a également été évoquée, avec les modalités à mettre en place pour que les quartiers populaires puissent se faire entendre et trouvent leur place. « Il est évident qu’il y aura aussi un temps dédié à la banlieue dans ce grand débat », a répondu Sébastien Lecornu.
Une maire a indiqué que ses administrés estimaient pour leur part que les problématiques soulevées dans le cadre du grand débat étaient des « problèmes de blancs de soixante ans qui n’arrivent pas à payer leur essence ». Une autre a souligné l’explosion du nombre de familles monoparentales, avec des mères cheffes de famille qui finissent le mois à découvert en raison de la hausse de leurs dépenses contraintes, et dont on peut d’ailleurs se demander comment elles vont bien pouvoir réussir à trouver le temps de participer au grand débat…
Parmi les points positifs qu’ont pointé les élus, on peut retenir que les salles, en général, s’auto-régulent bien, et recadrent d’elles-mêmes les interventions de participants qui auraient tendance à trop basculer dans l’idéologie ou à partir sur du hors sujet. Mais reste à voir si l’engouement suscité pour l’instant par le grand débat tiendra bon jusqu’en mars, et ce qu’il adviendra ensuite des contributions recueillies.
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