La municipalité sézannaise n’a pas fait les choses à moitié en organisant pas moins de quatre réunions publiques au bien nommé Prétoire, un bâtiment historique transformé en équipement culturel polyvalent.
Sacha Hewak, le maire sans étiquette de Sézanne, qui avait recueilli dès le mois de décembre les doléances des Gilets jaunes, considère en effet que « l’hôtel de ville est la maison du peuple » et qu’il convient de « laisser la parole ouverte ».
Lui-même campant dans une stricte neutralité en s’abstenant d’intervenir dans les débats, dont les règles ont par ailleurs été fixées de manière à éviter qu’un petit nombre de personnes monopolisent la parole ou que d’autres hésitent à s’exprimer en public : les participants discutent par tablées de dix personnes maximum, et leurs réflexions font l’objet d’une restitution publique, devant l’ensemble des tables, après une heure et demie environ d’échanges.
Toute manifestation d’approbation ou de désaccord — sifflets, huées, applaudissements — est prohibée.
Des citoyens au service des citoyens
Le débat relatif à l’organisation de l’Etat et des services publics a attiré une quarantaine de personnes. C’est moins que lors des précédentes réunions : 80 personnes sur le thème de la fiscalité, 60 sur celui de la démocratie. La moyenne d’âge est assez élevée, et l’on note la présence de nombreux cheveux gris. Aucun « gilet jaune » en revanche, du moins aucun revêtu de sa chasuble, même si le maire en a identifié quelques-uns. L’ambiance est studieuse, les conversations restent feutrées, et chaque table s’applique à répondre collectivement au questionnaire remis à tous les participants de façon à en présenter la synthèse en fin de séance.
Il en ressort le sentiment qu’un fossé s’est creusé entre l’administration et la population. Une table estime que le service public doit « redevenir un service de proximité », une autre que le service public doit être composé « de citoyens au service des citoyens » et que « les décisions doivent être prises au plus près du terrain ». La multiplicité des échelons administratifs, unanimement dénoncée, et en particulier l’éloignement provoqué par les nouvelles régions, semble avoir créé de la distance entre le citoyen de base et l’administration. « La multiplicité des niveaux de décision a généré de la complexité. On a du mal à identifier les différentes strates et on ne sait plus à qui s’adresser. » Certains dénoncent « les redondances et les chevauchements de compétences ».
Plébiscite pour la commune
Sans surprise, dans la hiérarchie des collectivités territoriales, la commune est plébiscitée par l’ensemble des participants, l’interco ou le département étant cité en deuxième.
Les Sézannais n’étant du reste pas les plus mal lotis sur le plan de leur environnement immédiat, car ce gros bourg de 5 000 habitants a, comme l’explique son premier magistrat, « la “chance” d’être éloigné de tous les grands centres urbains » (Troyes, Epernay, Châlons-en-Champagne et Reims sont à une heure de route en moyenne), et d’être pourvu des équipements dignes « d’une ville de 50 000 habitants », qui lui permettent de vivre en quasi-autarcie.
Les principaux services publics y sont encore présents, même si l’édile déplore une « désertification médicale » rampante, avec des généralistes débordés et des spécialistes qui se font rares, dans un contexte de vieillissement de la population.
Former des agents polyvalents
Paradoxalement, c’est peut-être Internet et le téléphone qui ont le plus contribué ici à l’éloignement de l’administration. « Internet a été imposé à marche forcée et a laissé beaucoup de personnes au bord de la route », regrette une table, même si l’on admet que le Net a aussi parfois des avantages. On propose que les naufragés du Web soient être pris en charge gratuitement par un agent du service public.
La multiplication de répondeurs téléphoniques désincarnés remplaçant les fonctionnaires en chair et en os fait également partie des griefs des administrés. « On veut un agent présent physiquement ou une personne au bout du fil, pas un répondeur. » A la fermeture de certains services publics, beaucoup souhaitent que l’Etat réponde par « la formation d’agents polyvalents » aptes à pallier les manques et à renouer le contact avec le réel.
Des agents également « mieux payés, mieux considérés par leur employeur et donc davantage respectés par les citoyens », notamment quand ils se trouvent au bas de l’échelle. Une table déplore « que le poids du pouvoir politique sur l’administration soit trop faible ». Une autre souhaite que « l’administration fonctionne réellement en réseau ».
Rééquilibrer les territoires
Parmi les services publics à réformer en priorité, ou auxquels il faut donner davantage de moyens, les participants citent notamment l’hôpital, l’enseignement, la justice et la sécurité. Les transports sont un thème récurrent, certains demandant la mise en place d’une navette entre leur commune et la gare la plus proche, d’autres prônant l’instauration d’un système de covoiturage.
D’aucuns enfin réclament une plus grande solidarité entre les territoires les plus riches et les territoires les plus pauvres, dans la perspective d’un « rééquilibrage », en particulier en termes de logements sociaux.
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