Lors d’une conférence de presse organisée à Paris le 13 octobre, Maud Lelièvre, directrice générale des Eco Maires, et François Darsy, président de la commission Eclairage Intérieur du Syndicat de l’éclairage, ont présenté leur dernière publication : un guide qui déconstruit huit fausses idées sur l’éclairage, fruit d’un récent « tour de France » des collectivités. L’objectif ? Atteindre toutes les collectivités qui ne sont pas encore convaincues de la nécessité absolue de rénover leur parc d’éclairage public, avec des LED pilotables et non des LED « on/off ».
François Darsy est formel : « En allumant ces LED uniquement quand on en a besoin, on est capable de faire des économies très très substantielles. Pour avoir un ordre de grandeur, nous avons évalué, avec l’Ademe, que le potentiel de la rénovation de l’éclairage, en France, est de 25 terawatt heure. Cela représente l’équivalent de la consommation d’énergie de deux villes telles que Bordeaux et Marseille ; c’est les deux tiers du parc éolien français ».
Maud Lelièvre explique que « sur la question de l’éclairage, même si la prise de conscience était là, un certain nombre d’idées reçues persistaient ». Par ce guide, l’association a voulu démontrer point par point la réalité de ces fausses idées, et donner des solutions et informations concrètes.
Rénover le parc de luminaires n’est pas une priorité
Et si, il s’agit bien d’une priorité. La question de l’éclairage se trouve au carrefour de plusieurs enjeux pour les collectivités : énergie, finances, mais aussi lutte contre la pollution lumineuse, sécurité publique, santé… Et donc un fort enjeu sociétal : le guide souligne que « le deuxième poste de consommation d’énergie des communes (…), vecteur de la transition énergétique et de l’aménagement des futurs territoires intelligents, est au cœur des attentes ».
Rénover l’éclairage plombe le budget municipal
François Darsy souligne que la rénovation de son éclairage public est un investissement extrêmement rentable pour une collectivité, avec des temps de retour sur investissements très courts, entre 4 et 6 ans.
Inutile de remplacer des lampes qui fonctionnent
Le maître mot est l’anticipation. Beaucoup d’installations encore en service ne sont plus adaptées et sont beaucoup trop énergivores : 40% des luminaires en service ont plus de 25 ans, et moins de 20% de l’éclairage public a été rénové en technologie LED.
Eteindre les lumières la nuit suffit
A ce sujet, le guide admet qu’éteindre la lumière artificielle la nuit a des bénéfices énergétiques et économiques, et un impact positif sur la biodiversité. Mais la directrice générale des Eco Maires souligne qu’ « aujourd’hui, éteindre son parc d’éclairage ne suffit pas ». François Darsy abonde dans ce sens : « Quand on a besoin de lumière pour accompagner les activités et les usagers, l’extinction est une très mauvaise solution car cela va créer un sentiment d’anxiété qui va finalement éteindre aussi l’activité. Cette planification urbaine doit être faite au cas par cas, dans chaque commune et en concertation avec les citoyens ».
Maud Lelièvre insiste : « On l’a observé dans les communes qui ont choisi la solution de l’extinction totale, les gens partent des restaurants, des théâtres, avant l’extinction, parfois certaines personnes ne se sentent pas à l’aise pour conduire, et les urbains ont moins l’habitude de la nuit noire ».
Le guide écrit donc que « pour concilier au mieux les enjeux de biodiversité et les besoins humains, une gestion différenciée de l’éclairage est nécessaire ». Pour cela, il suffit « d’adapter l’orientation, la fréquence, la durée et l’intensité de l’éclairage ».
Un éclairage intelligent consomme plus qu’un éclairage classique
Le guide cite la FNCCR, selon laquelle l’éclairage public capable de s’allumer à la demande permet à lui seul de générer 30% d’économie. Donc « si l’éclairage intelligent représente un investissement plus important que se contenter de remplacer les luminaires, les gains économiques générés par une consommation maîtrisée de l’énergie permettent un rapide retour sur investissement ».
Et de rappeler également que l’éclairage intelligent peut aussi supporter d’autres usages : mesure du trafic et du stationnement, pollution sonore, mesure des particules fines ou support de capteurs d’air.
La rénovation de l’éclairage public ne concerne que l’éclairage extérieur
« C’est un volet qui est souvent oublié par les politiques publiques », selon le président de la commission Eclairage Intérieur du Syndicat de l’éclairage. Et pourtant, on compte 280 millions de mètres carrés de bâtiments tertiaires publics, et leurs installations d’éclairage sont pour 80% obsolètes et majoritairement composées de tubes fluorescents dont la fabrication s’arrêtera en 2023. Le guide souligne aussi que « les écoles sont en tête des bâtiments les plus consommateurs, suivies des équipements sportifs et des infrastructures socio-culturelles ».
Un exemple concret : à Pau, la démarche 100% LED initiée dans ses locaux d’enseignement lui permet une économie d’énergie de 95%.
Réduire l’éclairage affecte la sécurité des habitants
« La vraie première question », selon Maud Lelièvre, et la priorité numéro un des élus. Le guide cherche à démontrer que « la mise en place de systèmes d’éclairage intelligent permet de pallier le sentiment d’insécurité que pourrait procurer la solution d’éteindre l’éclairage public pendant la nuit, tout en conservant les atouts économiques, énergétiques et écologiques ».
On sait que ce sentiment d’insécurité existe, mais force est d’admettre qu’il est en fait multifactoriel, notamment en lien avec l’aménagement : il n’est donc pas évident d’isoler la part du facteur « éclairage ».
Mais en tout cas, pour François Darsy, alors qu’aujourd’hui, elle fige la décision, la question de la sécurité ne doit pas être un frein au renouvellement du parc d’éclairage des collectivités : la rénovation n’implique pas une extinction, mais une modulation de la luminosité sur des temps longs, en fonction de la saison, du lieux, etc.
Réduire l’éclairage intérieur est sans conséquence sur la santé des usagers.
L’éclairage est essentiel pour le bien-être et le confort visuels. Une donnée à ne pas oublier dans les bâtiments scolaires ou médico-sociaux pour ne pas entrainer de fatigue visuelle et des maux de tête. Le guide insiste sur le cas des écoles : « l’éclairage scolaire doit répondre à trois principes, qui sont de favoriser le développement biologique de l’œil des enfants, de leur fournir une bonne visibilité ainsi qu’un cadre non anxiogène ».
Question agenda, des débats sont prévus au Salon des Maires, sur toutes ces questions, avec des témoignages d’élus locaux, le 22 novembre.
Références
Cet article fait partie du Dossier
L’éclairage public fait sa transition
Sommaire du dossier
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- 8 idées reçues sur l’éclairage public
- A Lyon, l’extinction de l’éclairage met en lumière des limites techniques
- Sobriété énergétique : faut-il vraiment éteindre les lumières des rues la nuit ?
- « Se poser la question des vrais besoins en éclairage »
- Dix conseils pour adapter l’éclairage nocturne
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- L’éclairage public, un reflet de notre société
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