Le projet de loi de finances pour 2021 présenté le 28 septembre se veut la réponse du gouvernement à la crise économique provoquée par le coronavirus. Il affectera les collectivités dans au moins quatre domaines : baisse des impôts de production, plan de relance, compensation des pertes de ressources, financement des transports publics (lire l’article de « La Gazette » : « Projet de loi de finances pour 2021 : quatre dossiers à haut risque pour les collectivités »). Mais il est plus que ça. Il fait aussi preuve d’une détermination têtue, en faisant franchir un palier de plus à la déterritorialisation de la fiscalité locale.
Allégement pour « aider à la relocalisation »
Après la réforme de la fiscalité locale dans la loi de finances pour 2020 et la suppression progressive de la taxe d’habitation, le gouvernement engage donc la suppression d’une partie des impôts locaux payés par les entreprises : taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), cotisation foncière des entreprises (CFE), cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE). Rebaptisés « impôts de production » (et tant pis si, par définition, la CVAE se situe après la production), leur allégement de 10 milliards doit servir, assure le gouvernement, à « aider à la relocalisation des industries ». Une annonce qui n’aura pas ému la direction de Bridgestone au moment d’annoncer la fermeture de son usine de Béthune, mais ne nous égarons pas…
Absence d’un mécanisme donnant de la visibilité
Un temps courroucées par cette nouvelle atteinte à leurs ressources, les associations d’élus se montrent plus accommodantes (à l’exception de l’AMF), après une promesse de « neutralisation fiscale », c’est-à-dire de compensation totale en valeur et en volume, encore jamais vue en pratique. Elles semblent ainsi entériner un changement de modèle, de l’autonomie fiscale à l’autonomie financière.
Un pari risqué, en l’absence de mécanisme — par exemple une loi de finances dédiée — qui contraindrait l’Etat à donner aux élus de la visibilité, sur plusieurs années, sur leurs dotations (voir notre webinaire, « Finances locales et Covid : comment reconstruire une stratégie de mandat »). Mais l’Etat ne serait plus l’Etat, et Bercy ne serait plus Bercy, si les règles du jeu étaient connues, transparentes, et marquées du sceau de la confiance. A ce titre, confier la territorialisation du plan de relance aux préfets confirme qu’entre déconcentration et décentralisation, le gouvernement a choisi.
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Impôts de production : la baisse de trop
Sommaire du dossier
- CVAE : la suppression étalée sur deux ans ne change pas le combat des collectivités
- La CVAE disparaitra bien à partir de 2023
- Emmanuel Macron sonne l’hallali de la CVAE
- France Relance : un prélude à l’extinction progressive des impôts de production
- Les régions savent toujours séduire les investisseurs étrangers
- La baisse des impôts de production à la loupe
- Baisse des impôts de production : l’industrie pas forcément gagnante
- Impôts de production : la baisse de trop
- Plan de relance : le gouvernement s’attaque aussi à la CFE et à la taxe foncière
- Les limites de la baisse des impôts de production
- Face à la baisse des impôts de production, faible opposition des associations d’élus
- Le retour vers le futur de la gestion financière des collectivités
- Impôts de production : menace sur la cagnotte des collectivités
- Fiscalité locale : (im)puissance 4
- «Est-il sain de faire perdre le lien entre le contribuable et le territoire ?»
- Les impôts de production pour les collectivités, de quoi parle-t-on ?
- Baisse des impôts de production : face à face entre deux économistes
- La fiscalité économique locale elle aussi sous pression
- Impôts de production en France : vraiment sept fois plus importants qu’en Allemagne ?
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