Le plan de relance va bien. Après son lancement en septembre 2019, le gouvernement a annoncé mardi 18 janvier que 72 milliards d’euros sur les 100 prévus étaient engagés. « Le déploiement soutenu de France Relance se traduit sur le plan économique : les deux objectifs de court terme, fixés à l’été 2020, sont largement atteints » s’empresse de conclure Matignon et Bercy. Décliné selon trois thèmes –écologie, compétitivité et cohésion– le plan a fait feu de tout bois et a poussé les territoires à conclure 843 contrats de relance et de transition écologique dont 620 sont à date, d’ores et déjà signés. Ils regroupent selon l’exécutif 12 500 projets avec le soutien de l’Etat à hauteur de 2,5 milliards. Mais en croisant toutes les aides, transports, rénovation thermique, etc., Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des Comptes publics assurait en septembre dernier que c’était plus de « 10 milliards allaient aux collectivités locales ».
L’objectif de retour à une situation d’avant-crise est bel et bien atteint avec une croissance de 6,7 % en 2021, un taux d’emploi de 67,5 % « identique à celui de 1975 ! » se félicite l’entourage de Bruno Le Maire et le taux de chômage est retombé autour de 8 % avec plus de 500 000 emplois créés, sans que personne ne puisse clairement distinguer ce qui procède de la reprise « naturelle » de l’économie, du plan de relance. Le comité de pilotage de France Relance reconnaissait d’ailleurs dans son rapport intermédiaire d’octobre 2021 qu’il était « difficile d’établir un lien direct entre ce rétablissement rapide de la situation et la mise en œuvre de France Relance ».
Les impôts de production au coeur du plan
Pour l’heure, seuls 40 milliards ont été effectivement décaissés. Dans cette somme, figure la baisse de 10 milliards des impôts de production. En d’autres termes, un quart de ce qui est d’ores et déjà dépensé a pu l’être grâce à la fiscalité économique locale. Ces 10 milliards proviennent en effet de la suppression de 7,25 milliards de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la réduction de moitié de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) (-1,75 milliard d’euros) et de la Cotisation foncière des entreprises (CFE) touchée par le bloc communal et payée par les entreprises industrielles (- 1,54 milliard).
Pour le moment, cette exonération ne grève pas les comptes locaux, l’Etat assurant la compensation quasi intégrale. Il a remplacé la CVAE régionale par une fraction de TVA à partir de 2021 et a aménagé la réforme des valeurs locatives des établissements industriels tout en créant pour le bloc local un nouveau prélèvement sur les recettes de l’Etat qui évoluera chaque année en fonction des bases imposables localement et de leur évolution : « Pour un euro payé par l’entreprise, un euro serait payé par l’Etat », vantait alors l’exécutif. Le dispositif ne prévoit toutefois pas la compensation de la perte de la dynamique de taux.
Taxes à abattre
Cette année, bis-repetita. Sur les 28 milliards du plan France Relance restant à engager, dix milliards proviendront de ces mêmes impôts. Soit plus d’un tiers du reliquat, ce qui fait de ces impôts la clé de voûte du financement du Plan de relance pour 2022. L’édifice de la compensation va encore tenir, mais pour combien de temps ? Bruno Le Maire a bien insisté le 7 janvier dernier sur « la nécessité de poursuivre la baisse » de ces impôts. Le rapporteur du Budget Laurent Saint-Martin a embrayé en suivant et « signe » de suite pour une nouvelle réduction.
Même priorité pour les autres candidats de droite et d’extrême-droite à la prochaine présidentielle. Valérie Pécresse candidate LR veut « supprimer rapidement la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Nous n’avons pas les moyens budgétaires pour le moment d’aller plus loin, même si c’est souhaitable » assure le conseiller de la présidente de la région Ile-de-France, Frédéric Lemoine dans Les Echos. De leur côté Eric Zemmour souhaite suivre les prescriptions du patronat avec une réduction de 30 milliards et Marine Le Pen veut les supprimer totalement pour les entreprises industrielles, les PME et les ETI.
Les jours de ces impôts semblent donc comptés et les collectivités seront cette fois chanceuses si cette prochaine réduction ne concernera que la C3S. Elles seront miraculées si la compensation intégrale accordée sur deux ans sera reconduite. Auquel cas, les dix milliards du plan de relance accordés aux collectivités n’auront été que ceux concédés en baisse d’impôts par elles-mêmes…
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Impôts de production : la baisse de trop
Sommaire du dossier
- CVAE : la suppression étalée sur deux ans ne change pas le combat des collectivités
- La CVAE disparaitra bien à partir de 2023
- Emmanuel Macron sonne l’hallali de la CVAE
- France Relance : un prélude à l’extinction progressive des impôts de production
- Les régions savent toujours séduire les investisseurs étrangers
- La baisse des impôts de production à la loupe
- Baisse des impôts de production : l’industrie pas forcément gagnante
- Impôts de production : la baisse de trop
- Plan de relance : le gouvernement s’attaque aussi à la CFE et à la taxe foncière
- Les limites de la baisse des impôts de production
- Face à la baisse des impôts de production, faible opposition des associations d’élus
- Le retour vers le futur de la gestion financière des collectivités
- Impôts de production : menace sur la cagnotte des collectivités
- Fiscalité locale : (im)puissance 4
- «Est-il sain de faire perdre le lien entre le contribuable et le territoire ?»
- Les impôts de production pour les collectivités, de quoi parle-t-on ?
- Baisse des impôts de production : face à face entre deux économistes
- La fiscalité économique locale elle aussi sous pression
- Impôts de production en France : vraiment sept fois plus importants qu’en Allemagne ?
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