Pourquoi la commission de déontologie a-t-elle été créée ?
La loi « Sapin » de 1993 qui a créé la commission résulte des scandales politico-financiers du début des années 1990 concernant notamment le financement des partis et les problèmes rencontrés par certains élus en matière de marchés publics. Il y avait alors une volonté de moraliser la vie politique et administrative. Il existait déjà des dispositions du Code pénal relatives à la prise illégale d’intérêt pour les fonctionnaires, mais elles n’étaient presque jamais appliquées.
La loi « Sapin » ajoute un article 87 au statut de la fonction publique qui fixe les règles de passage du secteur public au privé.
Quelles étaient alors les compétences de la commission ?
A l’origine, la saisine de la commission était obligatoire, mais son champ de compétence n’était pas complètement défini. Il n’y avait donc pas d’application stricte de la règle et la commission faisait face à de nombreux cas inutiles ou qui ne posaient pas de difficultés. Une infirmière travaillant à l’hôpital qui crée un cabinet d’infirmière libérale, par exemple.
Comment a évolué ce rôle ?
En 1995, une réforme est intervenue, avant l’élection présidentielle, qui a remplacé le système de la saisine obligatoire par une obligation plus limitée, mais avec un champ plus large de saisine facultative. Les cas obligatoires correspondaient alors aux cas susceptibles d’entrer dans le champ des infractions pénales.
En 2007, une nouvelle réforme, la loi de modernisation de la fonction publique, et le décret du 2 mai 2007 a élargi le dispositif de cumul d’activités publique et privée pour la création d’entreprises, dispositif qui a rencontré un grand succès.
Quels sont les changements intervenus en 2009 ?
Deux événements ont provoqué de nouvelles modifications : l’affaire «Pérol» (du nom de l’ancien secrétaire général adjoint à l’Elysée, nommé président du directoire de BPCE, groupe né de la fusion des Caisses d’épargne et des Banques populaires, NDLR) et la création du statut d’autoentrepreneur, qui a conduit à une explosion des demandes de cumul.
Ces deux événements ont entraîné deux réformes. La première concerne l’élargissement de la saisine obligatoire pour tous les membres des cabinets ministériels. Pour les membres des cabinets d’élus locaux, une obligation d’information a été mise en place avec une possibilité d’autosaisine du président de la commission. De plus, il a été ouvert la possibilité pour ce dernier de régler les cas les plus simples par ordonnance.
Les fonctionnaires ont créé beaucoup d’entreprises qui ne leur permettront pas, au terme de leur période de cumul (maximum de trois ans, NDLR), de conserver leur niveau de revenu. Que feront-ils au terme de cette période ?
Quelle différence entre ces cas de cumul et les activités accessoires ?
Dans le statut de la fonction publique, il existe des dispositions sur la pratique d’activités accessoires, exercées avec autorisation de l’administration. Les cumuls sont en forte augmentation, mais beaucoup de situations correspondent en fait à des activités accessoires qui n’ ont pas à arriver devant la commission. Beaucoup de fonctionnaires ont créé des entreprises pour vendre par Internet des objets et des produits de leur fabrication… Doivent-elles être traitées comme des activités accessoires ?
Les décrets d’application de la réforme de 2009 détermineront comment les collaborateurs d’élus locaux, en particulier, devront informer la commission de leur départ de leur poste. Ils fixeront aussi les activités considérées comme accessoires pour tenir compte de la réalité et élargir une liste déjà assez large.
La commission rend peu d’avis négatifs, comment expliquez-vous cette situation ? Ces avis sont-ils suivis ?
Les avis négatifs sont rares car les agents qui sont dans des situations problématiques sont souvent découragés avant la saisine de la commission. Quand une personne a un doute, elle appelle généralement le secrétariat de la commission pour connaitre les orientations jurisprudentielles. De plus, notre jurisprudence est sur Internet. Les agents qui risquent l’incompatibilité abandonnent avant la saisine.
Sur l’autre volet de votre question, à ma connaissance, nos avis négatifs ont toujours été suivis car le risque pénal est considérable. La personne peut être renvoyée de son entreprise, sans possibilité de revenir dans l’administration, en plus de son procès pénal.
La déontologie des fonctionnaires concerne des domaines qui ne sont pas dans les compétences de la commission. Souhaiteriez-vous une extension de ces compétences ?
Nous assistons, dans l’administration d’Etat, et surtout dans les ministères, à la création de commissions de déontologie pour surveiller le comportement des agents. Il y a des pratiques très différentes selon les métiers, entre les policiers et les diplomates par exemple. Il est donc préférable d’avoir des commissions de déontologie propres à chaque administration. Dans l’état actuel de sa composition et de son fonctionnement, la commission de déontologie n’a pas la capacité d’en faire plus. Et Le travail considérable que nous accomplissons est en augmentation avec les possibilités de cumul.
Cet article fait partie du Dossier
Déontologie des fonctionnaires : droits et obligations
Sommaire du dossier
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- Déontologie et transparence : « Pour les directeurs généraux, l’absence de statut pose problème dans le cas de l’alerte éthique »
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- Devoir de réserve, devoir de prudence ? Avis d’experts
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- L’obligation de réserve des agents territoriaux en 10 questions
- Principes de déontologie financière
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- Se former à la déontologie : interview de Mary Claudine, conseillère de formation au CNFPT
- Interview d’Olivier Fouquet, président de la commission de déontologie
- La commission de déontologie des agents publics en 10 questions
- Des outils pour une Commission européenne exemplaire
- Documents et ressources
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