Ni vote au congrès, ni référendum : conscient de l’étroitesse de sa majorité et de son impopularité, François Hollande ne révisera pas la Constitution pour en finir avec les conseils généraux. Le secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement, Jean-Marie le Guen et le porte-parole du Gouvernement Stéphane Le Foll l’ont confirmé ce 14 mai.
François Hollande ne peut donc rayer d’un trait de plume la collectivité départementale inscrite à l’article 72 de la loi fondamentale. Dans ces conditions, l’Elysée planche sur des scénarii d’« évaporation » du conseil général. Revue de ses principales pistes.
Fusionner les élus – Moqué, abrogé, puis oublié, le conseiller territorial fait un improbable retour sur le devant de la scène. Selon plusieurs sources convergentes, l’exécutif n’exclut pas de faire siéger les conseillers régionaux dans les assemblées départementales.
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D’après ce scénario, l’actuel conseil général conserve une représentation politique. Il demeure, de cette façon, une collectivité. Et reste, ainsi, dans les clous de la Constitution. La plupart de ses compétences sont, dans le même temps, redistribuées. Par exemple, les régions héritent des routes et des collèges, les intercommunalités, les communes et, plus sûrement, les caisses d’allocation familiale et l’Etat, de l’action sociale. Le conseil départemental conserve seulement des prérogatives subalternes.
« Ce scénario n’est pas facile à vendre aux parlementaires socialistes », glisse, dans un euphémisme, un député PS engagé sur les questions locales. Durant la mandature précédente, l’actuelle majorité n’a pas eu de mots assez durs contre le conseiller territorial appelé à siéger au département et à la région.
Quasi-unanimes, les parlementaires de gauche vilipendaient un « édile schizophrène ». Un « monstre à deux têtes », symbole à leurs yeux, de la reprise en main du pouvoir central sur les collectivités locales. Le président de l’Association des régions de France, Alain Rousset (PS) dénonçait un retour en arrière insupportable. Une « cantonalisation » de la région rappelant les pires heures de l’avant-décentralisation.
Le mode de scrutin des conseillers territoriaux était, alors, aligné sur celui des conseillers régionaux. La précision revêt la plus haute importance, car le pouvoir actuel penche naturellement pour l’option contraire. Les conseillers territoriaux « new look » ont, chez lui, vocation à être élus à l’occasion des régionales au scrutin de liste. En clair, ils deviennent les agents d’une « régionalisation » du département, et non les séides d’une « cantonalisation » de la région.
Fédérer les intercommunalités – Le président du groupe socialiste au Sénat Didier Guillaume préconise le maintien, dans les zones rurales, d’une instance départementale regroupant non seulement les conseillers régionaux du cru mais aussi les présidents des intercommunalités.
D’autres évoquent des collectivités départementales uniquement formées de délégués communautaires. Ces petits sénats servent, alors, d’espaces de coordination entre le bloc local et les onze mégas-régions chères à Manuel Valls et François Hollande.
Les intercommunalités, dans le même mouvement, exercent le gros des compétences sociales des départements. Une piste qui ne tient pas le choc, pour les défenseurs des conseils généraux. Trop petites, mal taillées, encore fort vertes, les « intercos », font-ils valoir, sont incapables d’assumer une tâche d’une telle ampleur. Par ailleurs, leurs représentants ont été élus en 2014 pour gérer les affaires communautaires et non départementales, ce qui pourrait poser quelque difficulté constitutionnelle…
Supprimer un maximum de conseils généraux – Selon le troisième scénario, les conseils généraux sont purement et simplement supprimés en milieu urbain. Il en est de même là où les élus en manifestent la volonté comme en Bretagne, et peut-être à nouveau en Alsace. Partout, les fusions avec les régions sont encouragées.
L’objectif final ? Conserver uniquement une poignée de conseils généraux afin de justifier leur existence. Une piste hasardeuse, selon notre député PS spécialiste des questions locales : « Cette différenciation se heurte à l’article 1er de la Constitution selon lequel la République est une et indivisible ».
Au final, ces trois scenarii n’ont rien d’antinomique. François Hollande peut puiser dans chacun d’entre eux au moment de rendre ses arbitrages. Le chef de l’Etat devrait trancher la semaine prochaine après avoir reçu jusqu’à la fin de la semaine les représentants des partis.
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Acte III de la décentralisation : la réforme pas à pas
Sommaire du dossier
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- Acte III de la décentralisation : la réforme pas à pas
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- Projet de loi NOTRe : ce qu’il faut retenir du texte de l’Assemblée
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- Grandes régions un an après : l’équilibre budgétaire reste lointain (3/5)
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