Initialement, la création d’une compétence « gestion des milieux aquatiques » apparaissait comme une avancée majeure : une des premières moutures de l’avant-projet de loi, dévoilée fin 2012, donnait enfin au « grand cycle de l’eau » (1) un maître d’ouvrage. Appelés à couvrir l’Hexagone en 2017, les Etablissements publics territoriaux de bassin (EPTB) devenaient, sur le « grand cycle », le pendant des communes et intercommunalités, en charge du « petit cycle » (2) depuis 1970.
Responsabilité éclatée – Mais la version présentée au Sénat, mi-avril 2013, raconte une toute autre histoire : les EPTB sont désormais hors champ et la responsabilité des milieux aquatiques – incluant notamment la prévention des inondations – incombe à deux types d’acteurs :
- les métropoles (également en charge de l’eau potable et de l’assainissement, appelées donc à cumuler grand et petit cycle), aux termes du premier texte engageant un nouvel acte de décentralisation, en cours d’examen à la Haute Assemblée,
- et les communes et leurs groupements, selon le troisième volet de la réforme, qui ne sera inscrit à l’ordre du jour parlementaire qu’après les municipales de mars 2014.
Au passage, la « taxe pour l’entretien des cours d’eau non domaniaux », qu’auraient acquittée les propriétaires riverains, a disparu des textes.
« On a du mal à s’y retrouver », résume Marie-France Beaufils, sénatrice (CRC) d’Indre-et-Loire, qui souhaite une clarification des responsabilités incombant aux métropoles et aux communes et intercommunalité. Pour l’élue, le projet aujourd’hui sur la table ne reflète nullement la consultation menée au Sénat début octobre 2012, lors des Etats généraux de la démocratie territoriale.
« Pas gêné », l’Etat – « L’Etat ne serait pas gêné de transférer aux collectivités la responsabilité de l’entretien d’ouvrages de prévention des inondations et ceci, sans discussion ni étude d’impact préalable !, s’indigne la sénatrice-maire de Saint-Pierre-des-Corps (15 300 hab.). Le long de la Loire, les digues appartiennent à l’Etat et, sur le seul tronçon de l’Indre-et-Loire, ses services évaluent à 30 millions d’euros les travaux de confortement à engager rapidement. Dans notre département, le financement est réparti entre les conseils régional et général – qui assument la majorité de la facture – et l’Etat – dont la dépense sur les digues est notoirement insuffisante –, les communes, qui n’en ont évidemment pas les moyens, n’étant pas partie prenante. »
Autre argument plaidant en faveur d’un maintien de l’entretien des digues dans le giron de l’Etat : « Les inondations ne relèvent pas que du périmètre de l’eau mais aussi de la sécurité publique, souligne Marie-France Beaufils, également présidente du Centre européen de prévention du risque d’inondation (Cepri). Les conséquences d’une crue exceptionnelle de la Loire dépasseront largement les communes riveraines du fleuve. En particulier si l’événement coupe les relations entre le Nord et le Sud du territoire. C’est notamment en cela que la responsabilité de l’Etat me semble pertinente. »
Faut-il le préciser ? Marie-France Beaufils ne souscrira pas à aux dispositions, en l’état, des premier et troisième textes réformant le paysage territorial.
Cet article fait partie du Dossier
Acte III de la décentralisation : la réforme pas à pas
Sommaire du dossier
- Acte III de la décentralisation : la réforme pas à pas
- Grandes régions un an après : une réorganisation des services à la carte (1/5)
- Grandes régions un an après : les échelons infrarégionaux prennent de l’étoffe (2/5)
- Projet de loi NOTRe : ce qu’il faut retenir du texte du Sénat
- Projet de loi NOTRe : ce qu’il faut retenir du texte de l’Assemblée
- Réforme territoriale : opération résurrection à l’Assemblée
- Fusion des régions : les nouvelles règles relatives aux élections régionales 2015
- Grandes régions un an après : l’équilibre budgétaire reste lointain (3/5)
- Réforme territoriale : les recettes venues d’ailleurs
- Depuis la loi Notre, la compétence tourisme se divise entre coopération et compétition
- « Acte III » de la décentralisation : les agents territoriaux n’y voient toujours pas clair
- Réforme territoriale : gros plan sur les contre-propositions des départements
- André Vallini : « 14 milliards de transferts des départements aux régions »
- Nouvelle carte des régions : quelles conséquences financières ?
- Réforme territoriale : un projet de loi qui muscle l’interco et « dévitalise » le département – Décryptage
- Réforme territoriale : les départements pointent quatre idées reçues
- Quand le Conseil constitutionnel écrit sa propre réforme territoriale
- Exclusif réforme territoriale : la nouvelle version du projet de loi sur les compétences
- Réforme territoriale : les DG des associations d’élus s’engagent
- Réforme territoriale : la riposte des départements a commencé
- Manuel Valls veut rayer le département de la carte
- Face à la réforme territoriale, l’AMF vend ses « communes nouvelles »
- Décentralisation : ce qu’il faut savoir en 8 points clés sur le deuxième projet de loi Lebranchu
- Décentralisation : vers le retour du conseiller territorial ?
- «Supprimer le département est impossible sans révision constitutionnelle»
- Fusion des régions : des économies accessoires face à l’ampleur des enjeux
- La suppression des départements ne garantit pas des économies
- Aboutissement ou fin de la décentralisation ?
- André Vallini : un secrétaire d’Etat de combat, pour une nouvelle réforme territoriale
- Serge Morvan, homme-orchestre de la réforme territoriale
- Les 9 principales dispositions de la loi « métropoles » dans le détail
- Décentralisation : la loi « métropoles » validée, le prochain texte précisé
- Décentralisation : le Haut conseil des territoires à la trappe, les métropoles consacrées
- Décentralisation : « La grande innovation, c’est l’instauration de métropoles » – Jean-Marc Ayrault
- « Les tenants du big bang territorial vont être déçus » – Béatrice Giblin, géographe
- Énergie et climat : les régions en chefs de file
- Le pays trouve un avenir avec les pôles territoriaux d’équilibre
- Mutualisation des services : « Il y a un travail pédagogique à mener auprès des agents », selon Anne-Marie Escoffier
- Le projet de loi de décentralisation n°2 veut simplifier la gouvernance de l’emploi, de la formation et de l’orientation
- Décentralisation : les professionnels de la culture se préparent à travailler selon des repères territoriaux différenciés d’un territoire à l’autre
- Décentralisation : pourquoi l’acte III bloque sur l’interco
- Action sociale : l’articulation entre départements et communes pose question
- “Le chef de file n’a absolument aucun pouvoir de contrainte” – Géraldine Chavrier, professeur de droit public
- Mutualisation des services : tout le monde descend !
- Le tourisme à nouveau ballotté entre tous les niveaux de collectivités
- L’encadrement des collectivités au cœur des dispositions financières
- Projets de loi de décentralisation : le département futur « ingénieur en chef »
- Gestion des milieux aquatiques : un pilotage en eaux troubles
- Démocratie participative dans le projet de loi décentralisation : « la réforme manque d’ambition » – Marion Paoletti, Maître de conférences
- Les maisons de services au public : un « objectif de présence territoriale »
- 30 ans de décentralisation en 1 infographie
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Terme désignant le mouvement perpétuel de l’eau dans tous ses états : évaporation de l’eau de mer formant les nuages, transportés par les vents vers les continents, lesquels recueillent des précipitations, dont une partie repart vers l’atmosphère et l’autre ruisselle sur le sol. Celui-ci va en en partie stocker dans les nappes l’eau de pluie, le reste rejoignant les fleuves puis la mer. Retour au texte
Note 02 Prélèvement des eaux brutes, traitement pour potabilisation, distribution, collecte et assainissement des eaux usées, restitution au milieu naturel des eaux traitées. Retour au texte