Les présidents de conseils généraux, rassurés par la désignation de l’un des leurs au secrétariat d’Etat à la Réforme territoriale, risquent d’en être pour leurs frais. Patron (PS) du département de l’Isère, André Vallini n’a jamais fait dans le corporatisme.
Membre du comité « Balladur » pour la réforme des collectivités locales en 2008-2009, il n’est pas le dernier à vilipender « ces élus qui ont l’idéologie de leur fauteuil ». « Je dis attention aux dérives des potentats locaux », cingle-t-il, confessant un certain tropisme jacobin.
André Vallini se fait, alors, le porte-voix d’une idée portée jadis par le gaulliste Michel Debré. Il prône deux fois moins de départements. « Dans le Sud-Est, on remarque que les départements s’emboîteraient facilement deux par deux : le Rhône avec la Loire, la Savoie avec la Haute- Savoie, l’Isère avec les Hautes-Alpes, les Alpes-de-Haute-Provence avec les Alpes- Maritimes, les Bouches-du-Rhône avec le Var… », illustre-t-il.
Moins de régions – Contrairement au Premier ministre Manuel Valls dans son livre « Pouvoir » de 2010, puis, dans son discours de politique générale du 8 avril 2014, André Vallini ne figure pas parmi les partisans déclarés de la suppression des départements.A l’occasion d’un entretien accordé au Monde le 3 février 2014 (« En finir avec » le jardin à la française » des collectivités »), il affiche son pragmatisme :
Il n’y a pas de règle absolue. On peut très bien redessiner la carte territoriale française en sortant de l’uniformité sans préjudice pour l’unité de la République. En Bretagne, certains élus envisagent de fusionner les départements et la région : bravo !
Au sein du comité « Balladur » en 2009, il vote la proposition destinée à réduire, sur une base volontaire, « le nombre actuel de régions à une quinzaine ». Dans son discours de politique générale, Manuel Valls se montre plus volontariste. Il entend diminuer de moitié le nombre de régions. En clair : il veut atteindre un chiffre de onze.
A l’occasion de son entretien au Monde du 3 février 2014, André Vallini ne semble plus très loin de cet étiage : « La Catalogne, la Lombardie ou la Bavière sont des régions autrement plus puissantes que la plupart des régions françaises. Pas seulement parce qu’elles ont plus de compétences et plus de ressources, mais aussi parce qu’elles ont des superficies et des populations plus importantes. »
Austérité budgétaire – Comme le Premier ministre dans son discours de politique générale, il milite de longue date en faveur de la spécialisation des compétences du département et de la région.
En revanche, André Vallini s’oppose à l’instauration d’un élu commun à ces deux échelons, approuvée par la majorité des membres du comité « Balladur ». Unique patron d’exécutif local au sein de ce cénacle, il ne se sent pourtant pas isolé, loin s’en faut. « J’adore Balladur. C’est un homme exquis. Les débats sont de haute volée », confie, à cette époque, André Vallini.
Il se pose en réformateur, n’hésitant pas à se faire l’apôtre d’une certaine austérité budgétaire. En fin d’année 2013, il ne fait pas de quartier au conseil général de l’Isère. Face à la raréfaction des deniers publics, il annule les cérémonies de vœux ainsi que le repas de Noël des conseillers généraux.
De la commune à la mairie d’arrondissement – Dans son interview au Monde, il pointe du doigt l’absence d’économie d’échelle au sein du bloc commune-intercommunalité. Et André Vallini de préciser ses vues : « Il faut aller plus loin avec des intercommunalités qui absorberont les compétences communales majeures : il n’y aurait donc plus qu’un seul niveau de gestion budgétaire, de planification urbaine et de prélèvement de la fiscalité ».
Dans le même mouvement, il défend une conception maximaliste des métropoles. Pour lui, les nouveaux ensembles intercommunaux nés de la loi du 28 janvier 2014 ont vocation, non seulement, à absorber les compétences départementales mais aussi municipales, « en transformant là aussi les communes en mairies d’arrondissement ».
André Vallini pourra-t-il mener tous ses desseins à bien ? Pas sûr, tant des poches de résistance apparaissent sur tous les bancs du Parlement. Une certitude à ce stade : ce secrétaire d’Etat-là, chargé non d’un secteur, mais d’une réforme, n’entend pas jouer les figurants.
Qu’en pense sa ministre de tutelle Marylise Lebranchu ? La cohabitation entre ces figures du PS, l’une hollandiste, l’autre aubryiste, pourrait faire des étincelles.
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Acte III de la décentralisation : la réforme pas à pas
Sommaire du dossier
- Décentralisation : la liste de courses des élus locaux à Emmanuel Macron
- Acte III de la décentralisation : la réforme pas à pas
- Grandes régions un an après : une réorganisation des services à la carte (1/5)
- Grandes régions un an après : les échelons infrarégionaux prennent de l’étoffe (2/5)
- Projet de loi NOTRe : ce qu’il faut retenir du texte du Sénat
- Projet de loi NOTRe : ce qu’il faut retenir du texte de l’Assemblée
- Réforme territoriale : opération résurrection à l’Assemblée
- Fusion des régions : les nouvelles règles relatives aux élections régionales 2015
- Grandes régions un an après : l’équilibre budgétaire reste lointain (3/5)
- Réforme territoriale : les recettes venues d’ailleurs
- Depuis la loi Notre, la compétence tourisme se divise entre coopération et compétition
- « Acte III » de la décentralisation : les agents territoriaux n’y voient toujours pas clair
- Réforme territoriale : gros plan sur les contre-propositions des départements
- André Vallini : « 14 milliards de transferts des départements aux régions »
- Nouvelle carte des régions : quelles conséquences financières ?
- Réforme territoriale : un projet de loi qui muscle l’interco et « dévitalise » le département – Décryptage
- Réforme territoriale : les départements pointent quatre idées reçues
- Quand le Conseil constitutionnel écrit sa propre réforme territoriale
- Exclusif réforme territoriale : la nouvelle version du projet de loi sur les compétences
- Réforme territoriale : les DG des associations d’élus s’engagent
- Réforme territoriale : la riposte des départements a commencé
- Manuel Valls veut rayer le département de la carte
- Face à la réforme territoriale, l’AMF vend ses « communes nouvelles »
- Décentralisation : ce qu’il faut savoir en 8 points clés sur le deuxième projet de loi Lebranchu
- Décentralisation : vers le retour du conseiller territorial ?
- «Supprimer le département est impossible sans révision constitutionnelle»
- Fusion des régions : des économies accessoires face à l’ampleur des enjeux
- La suppression des départements ne garantit pas des économies
- Aboutissement ou fin de la décentralisation ?
- André Vallini : un secrétaire d’Etat de combat, pour une nouvelle réforme territoriale
- Serge Morvan, homme-orchestre de la réforme territoriale
- Les 9 principales dispositions de la loi « métropoles » dans le détail
- Décentralisation : la loi « métropoles » validée, le prochain texte précisé
- Décentralisation : le Haut conseil des territoires à la trappe, les métropoles consacrées
- Décentralisation : « La grande innovation, c’est l’instauration de métropoles » – Jean-Marc Ayrault
- « Les tenants du big bang territorial vont être déçus » – Béatrice Giblin, géographe
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