On a tous appris la difficulté d’actualiser les bases des impôts ménages. Une réforme pour les mettre à jour reste un challenge si difficile qu’il est tantôt repoussé, tantôt avorté. Avec la réforme de 2017, nouveau karma, l’inventivité au rendez-vous, une vraie méthodologie et une refonte des assiettes des locaux professionnels qui se passe sans trop de difficulté.
Il ne faut jamais désespérer du pire. Cette belle réforme se heurte déjà à sa révision erratique, mal programmée voire complètement impensée.
La réussite de la précédente réforme reposait sur un triptyque : test, correction, généralisation. Cette approche prudente a permis d’aboutir à des résultats équilibrés avec des bases plus cohérentes, des collectivités rassurés et des contribuables à qui l’évolution était explicable.
Pour la révision, il a logiquement été décidé de ne pas utiliser la recette qui avait si bien fonctionné. Quelques éléments techniques et procéduraux ont été repris ce qui est notoirement insuffisant pour réussir.
S’assurer d’une concertation inepte
La méthode de création et de convocation des instances est similaire à la précédente. L’Etat s’appuie intelligemment sur les associations d’élus municipaux. Là où la réforme était attendue et la méthode déjà présente dans les esprits, le pouvoir règlementaire produit un décret explicatif le 5 février à quelques semaines des premières réunions. Bien sûr, nul n’est censé ignoré la loi. Alors pour les vacances, inutile de s’encombrer avec des prix littéraires pour les soirées, l’analyse des quatre pages cryptiques du décret permet d’atteindre le sommeil rapidement.
Ainsi armés, nos élus désignés comme la loi l’indique dans les deux à trois suivants le renouvellement général des assemblées c’est-à-dire en janvier 2022 découvrent le monde de la révision des valeurs locatives. Pour tout bien comprendre un guide de trois pages édités ce même mois explique sommairement de quoi il en retourne. Inutile de faire plus, nos élus locaux baignent tous dans les concepts de sectorisation tarifaire, de coefficient de localisation appliqué à l’échelle parcellaire. Heureusement parce qu’ils ont trois mois pour donner un avis motivé sur un dossier qu’ils vont découvrir en commission.
Ne pas estimer les impacts, les risques et les corriger
La grande réussite de la réforme tient dans l’expérimentation sur un échantillon puis l’adoption en loi de finances d’un corpus de mesure qui rendait la réforme soutenable. Pourquoi se priver de ce qui marche bien ? Autant ne pas reproduire.
Dans la réforme, les effets pour les collectivités ont été neutralisés : pas de gagnant, pas de perdant. Pour les contribuables, ils ont été rendus acceptable. A l’issue de la réforme, trois solutions : je payais un impôt à peu près juste : il s’ajuste de suite, je payais trop : je vais payer un peu moins tous les ans pendant dix ans, je ne payais pas assez : je vais payer un peu plus tous les ans pendant dix ans. Chacun dans son train, une allure presqu’identique qui nous amène à 2026.
Dans la révision, les prix sont recalculés. Normal. Les bases sont calculées en fonction de zones définies au niveau départemental par regroupement de territoire : communes ou parties de communes. Les secteurs tarifaires sont refondus. Logique aussi mais potentiellement couteux, très couteux. Le saut de deux secteurs de 3 à 5, 6 à 4 peut couter très cher. On est dans des mailles qui sont parfois de 25 à 50 % de variation de l’impôt acquitté. Et, là, plus rien : pas de mécanisme correcteur, sauf probablement un : le lissage. Comme il s’achève en 2026, il sera recalculé… mais un lissage sur trois ans n’amortira pas beaucoup le choc.
Réviser la révision pour la sauver ?
Il n’est pas trop tard. Cette concertation insuffisante peut être sauvée si on la repousse quelques peu. Il est nécessaire de revenir aux fondamentaux qui avait présidé à la réforme précédente : s’assurer que le système fonctionne, prendre les mesures correctives en loi de finances et généraliser ensuite les processus. Compte tenu de l’avancement des services de l’Etat, il est encore possible de préparer des mécanismes correcteurs pour le prochain collectif budgétaire.
A minima, il conviendrait de s’assurer que la philosophie de la réforme soit maintenue. Les mécanismes visaient à lisser les effets sur 10 ans avec des variations annuelles limitées entre 1 et 4 %. Est-il vraiment envisageable que les entreprises se trouvent moins protégées par une révision que par une réforme ? Cette protection des contribuables aurait sans doute les vertus similaires indispensables pour les collectivités. Sans de telles mesures préalables, aucun dialogue serein ne semble possible entre les services de l’Etat et les élus locaux.
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Valeurs locatives : une réforme au long cours
Sommaire du dossier
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- Réactualisation des valeurs locatives professionnelles : l’insatisfaction se confirme
- La DGFiP n’exclut pas « d’adapter les mécanismes de neutralisation » de la réforme des valeurs locatives
- Une réactualisation à l’aveugle des valeurs locatives
- Réforme des valeurs locatives : méthode pour rater sa révision
- Valeurs locatives des entreprises : la réforme sera appliquée à la rentrée
- Révision des valeurs locatives : « il serait dommage d’en rester là »
- Valeurs locatives : une réforme « impérieuse », mais explosive
- Ce qu’il faut savoir sur la révision des valeurs locatives des logements
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- Impossible réforme des valeurs locatives
- Nouvelle tentative de réforme des valeurs locatives, 20 ans plus tard
- Les nouvelles bases des locaux professionnels opérationnelles en 2016
- Révision des valeurs locatives : proposition d’expérimentation sur les logements en 2015
- Bases locatives, la révision s’impose
- Valeurs locatives commerciales : après le rapport, décryptage de la réforme
- Réforme des valeurs locatives, la mise en oeuvre décryptée
Thèmes abordés