Avec 22 000 collectivitĂ©s et 700 000 agents qui leur sont attachĂ©s, Dexia Sofcap dispose d’un bel Ă©chantillon pour Ă©valuer l’impact des conditions de travail sur la santĂ© des agents. Une question d’autant plus prĂ©gnante que la durĂ©e de la vie professionnelle va en s’allongeant. L’organisme a menĂ© plusieurs enquĂŞtes, entre 2008 et 2010, avec le concours des centres de gestion (CDG) de la Charente-Maritime, de la Haute-Savoie et de l’Isère.
OriginalitĂ© de la dĂ©marche : l’attention portĂ©e Ă la perception qu’ont les agents de leurs conditions de travail et de leur santĂ©.
Une question de ressenti
L’accent est mis sur la subjectivitĂ©. Les statistiques sur l’absentĂ©isme sont Ă©loquentes. « Plus les agents sont âgĂ©s, plus les arrĂŞts de maladie sont longs », explique Pierre Souchon, directeur de l’ingĂ©nierie « santĂ© et travail » chez Dexia. Toutefois, « elles ne permettent pas d’expliquer pourquoi ». Les troubles musculosquelettiques, le stress et la fatigue, donc les absences et les arrĂŞts de maladie, rĂ©sulteraient directement de la façon dont l’agent se sent – physiquement et psychiquement – dans son travail. Ces enquĂŞtes confirment ce postulat.
Ainsi, en Haute-Savoie et en Charente-Maritime, où les agents ont répondu massivement aux questionnaires (1), le CDG de l’Isère a enquêté auprès des 50 ans et plus. Mais il a complété son étude par une autre, visant les agents exerçant 10 métiers ciblés, sans distinction d’âge. Les résultats des quatre études sont quasi similaires : « C’est comme s’il y avait une culture territoriale dépassant largement les enjeux régionaux », pointe Pierre Souchon.
En Isère, plus de 7 territoriaux sur 10 en mal de reconnaissance éprouvent des douleurs (62 % parmi ceux s’estimant reconnus).
Ceux qui souffrent de troubles du sommeil se sentent insuffisamment soutenus par leur équipe.
CDG de l’Isère
13 000 agents – Agir de façon prĂ©ventive afin de minimiser les coĂ»ts
Le centre de gestion (CDG) de l’Isère insiste sur la nĂ©cessitĂ© de faire de la prĂ©vention pour que les collectivitĂ©s ne voient pas leur coĂ»t d’assurance augmenter Ă outrance. Afin que le spectre des maladies professionnelles, de l’absentĂ©isme et de l’usure recule, il faut agir avant qu’il ne soit trop tard. En outre, « le prolongement de la vie active n’est pas accompagnĂ© de mesures qui permettent de bien vieillir dans son poste », s’indigne Edith Martin, directrice du centre de gestion. Un management de qualitĂ©, une attention portĂ©e Ă la personne et, surtout, un reclassement anticipĂ© sont les solutions Ă©voquĂ©es, plus ou moins faciles Ă envisager en fonction de la taille des collectivitĂ©s : « Le reclassement est plus difficile dans les petites collectivitĂ©s. Comme les agents y sont souvent polyvalents, ils sont assignĂ©s Ă des tâches variĂ©es. Au sein des structures plus importantes, leur trouver une autre occupation dans leur filière semble plus facile. » Cet accompagnement individuel et collectif est d’autant plus nĂ©cessaire que les agents interrogĂ©s dans le cadre de l’enquĂŞte du CDG dĂ©clarent ĂŞtre fiers de leur travail. Un constat qui ravit Edith Martin : « Alors que l’on essaie de torpiller la fonction publique, cette enquĂŞte montre que 88 % des agents interrogĂ©s s’estiment satisfaits du travail qu’ils rĂ©alisent. » Le CDG de l’Isère gère environ 13 000 agents.
En Charente-Maritime, 64 % des agents considèrent leur travail comme usant.
CDG de Charente-Maritime
2 907 agents – RĂ©duire la pĂ©nibilitĂ© du travail des agents des collèges
Pour enrayer l’absentĂ©isme croissant du personnel des collèges, le conseil gĂ©nĂ©ral de la Charente-Maritime a Ă©tabli une dizaine de fiches pratiques afin d’ Ă©laborer des plans d’action visant Ă rĂ©duire les facteurs de pĂ©nibilitĂ© au travail.
« Parmi les actions envisagées : associer les agents à l’achat du mobilier scolaire ou privilégier un matériel d’entretien facilitant le nettoyage des surfaces », explique Jérôme Briend, directeur des ressources humaines (DRH). De plus, le département tend à favoriser la polyvalence au sein des équipes afin qu’un agent ne soit pas, par exemple, affecté seulement à la plonge, mais puisse aussi servir les repas ou accueillir les enfants. Des postes supplémentaires ont en outre été ouverts pour reclasser les anciens TOS sur les postes d’accueil.
Enfin, dans les établissements où le nombre de services est le plus important, un avancement de grade de technicien territorial a été proposé aux chefs de cuisine remplissant les conditions statutaires. « Auparavant, ils étaient bloqués dans le système de l’Education nationale. Cet avancement est une reconnaissance de leur travail », estime le DRH.
Quand il s’agit d’identifier les causes de la pénibilité, les facteurs psychosociaux sont évoqués en premier par le personnel travaillant dans la restauration collective ou les services à la personne.
« Un travail pĂ©nible n’est pas forcĂ©ment physique. Et un manque de soutien peut avoir des effets nĂ©gatifs beaucoup plus importants que les facteurs biomĂ©caniques, explique FrĂ©dĂ©ric Feille, ingĂ©nieur en prĂ©vention des risques professionnels au CDG de la Charente-Maritime. Les employĂ©s des espaces verts ressentent plus fortement les contraintes physiques, mais la pĂ©nibilitĂ© de leur activitĂ© n’est pas aussi prĂ©gnante que dans les mĂ©tiers en tension: services Ă la personne, restauration collective… »
Le facteur valorisation
Comment expliquer ces différences ?
« Le travail des employés des espaces verts est souvent mis en avant par les élus. Le résultat est visible. Dans la restauration collective ou le nettoyage des locaux, c’est ce qui ne va pas qui est repéré. Lorsque le travail est satisfaisant, on n’en parle pas », note Frédéric Feille. Un avis partagé par Françoise Descamps-Crosnier, maire de Rosny-sur-Seine et auteure de La précarité dans la FPT, rapport publié par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, mars 2011. « Avec le concours des villes fleuries, notamment, les agents participent à la valorisation de l’image de leur commune. Leur travail est reconnu par les élus et la population. » Une attention portée à la personne pour un collectif qui se porte mieux : la clé d’un management d’avenir ?
Des modes d’organisation sur la sellette
D’après Anne-Marie Gallet, chargée de mission à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, « il y a une dizaine d’années, le regard était plus porté sur les comportements individuels, en raison, notamment, des ouvrages de Marie-France Hirigoyen, qui dénonçait le harcèlement au travail. A cause des événements dramatiques à France Télécom, on s’est intéressés à l’organisation du travail en tant que telle et à l’influence du collectif sur les individus. »
« Les directions sont attentives à la souffrance individuelle, mais ne savent pas comment l’appréhender », précise toutefois sa collègue Marie-Benoîte Sanglerat. La gazette, 20/06/2011
Cet article fait partie du Dossier
L'absentéisme des agents publics : un symptôme, des remèdes
Sommaire du dossier
- Ce qui se cache derrière l’absentéisme
- Absentéisme : prévenir les maux et combattre les mots
- Quand la prévention des arrêts de travail transforme l’organisation
- Comment les CCAS peuvent endiguer l’absentéisme
- Le « surprésentéisme », une fausse bonne idée qui fragilise le collectif
- Gregor Bouville – « Les polĂ©miques autour de l’absentĂ©isme ressurgissent rĂ©gulièrement »
- Identifier les facteurs de risques d’absence des agents territoriaux
- [En vidéo] Mieux organiser la prévention pour lutter contre l’absentéisme
- Lutte contre l’absentéisme, des solutions existent
- Formation : les solutions des collectivités contre l’absentéisme
- Une organisation du travail soignée réduit les absences
- Absentéisme : « L’externalisation des missions n’est pas toujours un bon calcul »
- Absentéisme : repenser le travail à travers le sport
- Absentéisme : les données examinées à la loupe pour maîtriser les coûts d’assurance
- Absentéisme pour raisons médicales : quelles idées évacuer, quelles solutions mettre en place ?
- Idées vraies, idées fausses sur l’absentéisme dans les collectivités locales
- Lutte contre l’absentĂ©isme : miser d’abord sur la prĂ©vention
- Absentéisme : le recours aux médecins de contrôle, un bon remède?
- Un service pour vérifier l’aptitude à l’embauche et les arrêts de maladie des agents
- « L’absence est presque toujours une coproduction »
- Rogner les primes, la méthode choisie pour réduire l’absentéisme
- AbsentĂ©isme : 3 fois plus d’arrĂŞts dans les grandes collectivitĂ©s que dans les petites
- Le coût élastique de l’absentéisme dans la fonction publique territoriale
- Fonction publique territoriale : le jour de carence a réduit l’absentéisme de courte durée
- Le lien entre absentéisme et jour de carence est-il établi ?
- Combattre l’absentéisme et ses conséquences
- Vers une gĂ©nĂ©ralisation du contrĂ´le par l’assurance maladie des arrĂŞts de travail en 2016
- Prévenir le mal-être au travail : le rôle central des DRH
- Psychologues du travail : une présence à asseoir
Thèmes abordés
Notes
Note 01 61 % de ceux de 50 ans et plus interrogés en Charente-Maritime, 58 % en Haute-Savoie. Retour au texte








