Votre secteur, comme d’autres, a connu de profondes mutations ces dernières annĂ©es, comment les analyser ?
Oui, le monde de l’amĂ©nagement change. La transition Ă©cologique, numĂ©rique, va modifier complètement dans les annĂ©es Ă venir nos modes de faire. Nos Ă©quipes sont confrontĂ©es Ă des dĂ©fis techniques plus pointus, et les modèles de financement se sont complexifiĂ©s. Or il est important d’apprĂ©hender tous ces champs pour savoir coconstruire nos projets avec les diffĂ©rents acteurs de la fabrique urbaine.
Des opĂ©rateurs privĂ©s se positionnent sur notre marchĂ©, la promotion privĂ©e est aussi en mutation. Par ailleurs, nous sommes face Ă Â d’autres manières d’aborder la programmation urbaine, avec « rĂ©inventer Paris », « rĂ©inventer la mĂ©tropole »… C’est très intĂ©ressant, mais pour le moment, peu de chantiers de l’appel Ă projet parisien sont sur les rails. Une chose ne change pas : pour faire un projet urbain, il faut d’abord un projet politique, et aujourd’hui, nous, amĂ©nageurs, avons peut-ĂŞtre perdu le fil du dialogue avec les Ă©lus locaux sur la question de la maitrise d’ouvrage urbaine.
Les grands élus bâtisseurs sont derrière nous ?
Hors Ile-de-France, il y a moins de grands projets qu’il y a dix ans. Y a-t-il moins d’élus qui souhaiteraient porter des projets territoriaux, c’est Ă voir ? A Strasbourg, le projet de la ZAC des Deux Rives se construit autour d’une vraie vision politique : le fait de relier notre territoire avec l’Allemagne avec un tramway qui prĂ©cède l’urbanisation.
Autour de ce lien, nous construisons un lieu oĂą les gens vont vivre et renouons avec une histoire centenaire. Cette vision prĂ©alable, portĂ©e par Roland Ries, a Ă©tĂ© essentielle. Ce retrait des Ă©lus de l’amĂ©nagement est-il  dĂ» en parti Ă la baisse des ressources publiques ? Ce que nous pressentons, c’est que la valorisation du travail de l’amĂ©nageur public dans la mise en Ĺ“uvre du projet urbain est peut-ĂŞtre moindre. De plus, les opĂ©rateurs privĂ©s arrivent avec des offres mieux « packagĂ©es », mais au final sont-elles plus pertinentes ? Il nous faut donc rĂ©flĂ©chir Ă cette question du renforcement du lien entre Ă©lus et amĂ©nageurs au sein de la maitrise d’ouvrage urbaine. Au sein du club, Laurent ThĂ©ry, grand prix de l’urbanisme 2010, et Christophe Perez, directeur de la Serm, la SEM d’amĂ©nagement de Montpellier, vont s’y atteler.
Quels sont les autres sujets que vous voulez travailler au sein du Club ?
Au-delà des thématiques portées par quatre groupes de travail en vue des prochains entretiens de l’aménagement en 2019, la transmission intergénérationnelle au sein de nos structures est une préoccupation. Nous nous demandons comment ouvrir davantage le club à nos collaborateurs les plus jeunes.
Leur formation pose question : quand on recrute sur les sujets d’urbanisme et d’amĂ©nagement, on est souvent face Ă des gĂ©ographes. On gagnerait Ă avoir des profils plus diversifiĂ©s, ou des doubles cursus, des personnes qui comprennent les problĂ©matiques financières, pour comprendre l’ensemble de la chaĂ®ne de construction du projet. Notre lien avec le monde de la recherche doit aussi ĂŞtre approfondi.
Avez-vous fait des propositions dans le cadre de la concertation sur le projet de loi Elan ?
Oui, nous voulons ĂŞtre Ă©galement plus influenceurs en matière de production lĂ©gislative. Comme d’autres, nous avions proposĂ© la crĂ©ation d’un mĂ©canisme de type « grand projet d’amĂ©nagement », ou « grande opĂ©ration d’urbanisme », qui ont Ă©tĂ© introduits dans le projet de loi. Il s’agit de crĂ©er des opĂ©rations d’intĂ©rĂŞt mĂ©tropolitain, pour des contextes urbains particuliers, qui permettront de mettre autour de la table les communes et intercos concernĂ©es, la rĂ©gion, l’Etat, d’autres structures parapubliques, voir des privĂ©s.
L’objectif est de rĂ©flĂ©chir de façon plus transversale Ă la fabrique de la ville. Nous avons aussi proposĂ© des simplifications administratives, notamment autour des zones d’amĂ©nagement concertĂ©, et rĂ©flĂ©chi Ă un mode de financement propre de ces grandes opĂ©rations, proche du système des participations dans les ZAC, mais d’autres options existent et pour le moment cela ne figure pas dans le projet de loi.
Cet article fait partie du Dossier
Aménagement urbain : Quand la ville se livre au privé
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Sommaire du dossier
- Urbanisme commercial : la fin de la folie des grandeurs
- AmĂ©nagement : quel bilan pour les appels Ă projet « rĂ©inventer » ?
- Entretiens de l’amĂ©nagement : « Ville pas chiante » et tiers lieux au menu
- Fabrique de la ville : rester pilotes
- Quand vĂ©los, voitures et mĂŞme commerces investissent l’espace public
- Bon coup de pioche sur l’urbanisme pour fabriquer la ville
- L’amĂ©nagement partenarial vu par Paris Sud AmĂ©nagement : un modèle pour le Grand Paris ?
- Aménagement : comment faire mieux avec moins ?
- Urbanisme commercial : « Le numérique, une chance pour le commerce de proximité »
- Urbanisme commercial : le grand recyclage des zones commerciales de périphérie
- Intercos et schĂ©mas de cohĂ©rence en première ligne pour gĂ©rer la crise de l’urbanisme commercial
- Aménagements urbains : circulez, il va bien falloir réguler !
- Cachez cette pub que l’on ne saurait voir…
- Europacity, aussi grandiose que controversé
- « Le terme privatisation ne montre que la partie Ă©mergĂ©e de l’iceberg » – Isabelle Baraud-Serfaty
- « La vision politique est indispensable au projet urbain »
Thèmes abordés