Comment continuer à fabriquer et régénérer la ville, en ayant un objectif global de maîtrise des coûts, quels leviers de gouvernance, de méthode mettre en oeuvre pour y arriver : autant de questions qui ont sous-tendu les débats de la journée organisée par le Réseau national des aménageurs. Des interrogations qui se posent également à chaque nouveau projet urbain.
« Une opération d’aménagement ne prend son sens que par rapport à un projet urbain préalable, dans lequel la sobriété est une référence. Il s’inscrit dans un territoire et son histoire », a rappelé le grand prix de l’urbanisme 2010 Laurent Théry, non présent mais représenté.
Dominique Lorrain, directeur de recherche émérite au CNRS, a ajouté que « pour faire des villes de qualité, moins consommatrices, il ne faut pas seulement se placer du point de vue de l’hôtel de ville. Il faut aussi regarder les périphéries », et travailler sur les liaisons sur les réseaux, et ce dès les phases préliminaires.
Laurent Théry a mis en garde face au risque pour les élus de penser que ce qui est cher est forcément beau. Plusieurs exemples ont ainsi été présentés de projets dans lesquels le parti pris d’intervention a minima avait été décidé, comme par exemple à la manufacture d’armes de Saint Etienne. Avec le risque parfois de désarçonner les services chargés ultérieurement de la gestion des lieux, déçus que le bâtiment en question ne soit pas assez « flamboyant ».
Des leviers d’optimisation
Très concrètement, les leviers pour une plus grande sobriété économique peuvent passer déjà par la structuration interne de l’aménageur. Il s’agit aussi d’optimiser le bilan des opérations. Delphine Négrier, directrice associée du cabinet d’urbanistes Alphaville, a expliqué la stratégie de son agence.
« Nous essayons de travailler sur une approche systémique des recettes et des dépenses du projet, notamment sur la programmation résidentielle, et les charges qu’elle va induire. La typologie des logements prévus sur le programme a un impact sur le dimensionnement des équipements publics à prévoir, par exemple les écoles. Or, cette typologie est souvent décidée tardivement » estime-t-elle.
Un autre levier d’économie peut également être la diversification des usages d’un même équipement pour en optimiser son utilisation. Mais ce type d’organisation amène la nécessité de créer un poste de gestionnaire de mutualisation des usages- ce qui a forcément un coût.
Le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la cohésion des territoires Julien Denormandie, a évoqué d’autres axes d’action, prévus notamment dans le projet de loi Elan, actuellement en cours d’examen au Parlement. A commencer par le chantier des normes.
« Le vrai problème c’est le code de la construction, trop prescriptif. Nous sommes en train de le réécrire intégralement, en fixant des objectifs à atteindre, mais en laissant la liberté aux acteurs pour les atteindre » a ainsi expliqué le bras droit de Jacques Mézard.
Un Etat vraiment facilitateur
Les recours abusifs qui retardent les chantiers sont aussi traités dans le projet de loi, avec la fixation d’un délai de dix mois maximum pour que les magistrats examinent ce type de contentieux. Julien Denormandie a également reconnu que des mesures récentes dites de simplification, comme l’autorisation environnementale unique, ne fonctionnent pas. Et pour cause. Le service instructeur de l’autorisation d’urbanisme est différent de celui qui instruit l’autorisation environnementale.
« Nous sommes en train de changer de méthode de travail, a-t-il conclu. L’Etat ne doit pas être uniquement un fournisseur d’outils réglementaires. C’est pourquoi nous allons nommer deux chefs de projet, l’un sur la libération des terrains, l’autre sur les grands projets d’aménagement. J’ai une demande à vous faire : saisissez-vous de tout ce qu’on essaie de faire, et dites-nous ce qui ne marche pas » a tenu à insister Julien Denormandie.
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Aménagement urbain : Quand la ville se livre au privé
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