Lebreton, Flaubert, même combat ! Lors de sa conférence de presse du 7 octobre, le président de l’Assemblée des départements de France a ajouté au dictionnaire des idées reçues un chapitre consacré à la réforme territoriale. L’occasion, pour le leader (PS) des conseils généraux, de contester les fondements du projet de loi portant « Nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRE) qui sera débattu en première lecture au Sénat à partir du 3 novembre prochain.
La fin de la compétence générale change tout
Jadis très hostiles à la suppression de la clause de compétence générale des départements inscrite dans le projet de loi NOTRE, les présidents de conseils généraux s’en accommodent désormais. A cela, une raison très simple : selon eux, cette disposition ne change rien, ou presque.
C’est ce qui ressort de leurs multiples consultations juridiques. « La suppression de la clause de compétence générale n’emporte pas de conséquence sur les textes existants qui nous autorisent à intervenir dans de nombreux domaines », résume Claudy Lebreton. Et le président de l’ADF de citer la coopération décentralisée, le soutien aux universités et le financement des crèches.
Un diagnostic qui vient confirmer une étude récente du conseil régional d’Ile-de-France. La collectivité présidée par Jean-Paul Huchon (PS) évalue à 20 millions d’euros les économies que générerait la fin de la clause de compétence générale. Soit à peine plus de 1 % sur un budget d’investissement de l’ordre d’1,7 milliard.
Les transferts aux régions, gage d’économie
Pour les présidents de conseils généraux, point de doute : les transferts de compétences départementales (routes, collèges, transports scolaires et transports interurbains) aux régions vont peser lourdement sur les finances publiques. Le statut et le régime indemnitaire des techniciens et ouvriers de services (TOS) des lycées, gérés par les régions, est, par exemple, plus avantageux que celui des collèges. Résultat, d’après l’ADF : l’alignement par le haut, qui correspond aux usages lors de transferts de personnels, génèrera un surcoût annuel de 120 millions d’euros.
L’association a aussi évalué la note de l’harmonisation des transports scolaires dans une région-test. Bilan : 8,35 millions d’euros en plus. Les conseils généraux rappellent au passage la « douloureuse » de la fusion département-région en Martinique : 70 millions d’euros de dépenses supplémentaires.
Les départements, maillon faible du millefeuille
Poussé dans ses retranchements, Claudy Lebreton finit par confesser, « à titre personnel », que le maillon faible de l’organisation territoriale n’est pas « selon lui », le département, mais la commune. Pour le président (PS) des Côtes-d’Armor, « la communauté de communes préfigure la commune du XXIème siècle ». Un canevas qui vaut, à ses yeux, si les intercommunalités gardent une taille raisonnable.
Or, selon Claudy Lebreton, les EPCI d’au moins 20 000 habitants dessinés dans le projet de loi « Notre », sont beaucoup trop gros pour devenir « la commune du XXIème siècle ». « On considère, maintenant, qu’ils vont, avant tout, servir à remplacer les départements. Moi, je constate qu’il n’y a aucun empressement de leur part pour assumer nos 38 milliards d’euros de dépenses sociales », relève Claudy Lebreton.
La fin annoncée des départements
Suppression du département sur le territoire des métropoles, transformation en fédération d’intercommunalité ailleurs, maintien du conseil départemental là où les EPCI n’ont pas encore atteint la maturité : l’ADF refuse de s’engager sur les trois configurations chères à Manuel Valls. « Moi, je retiens qu’il y aura bien des élections départementales en mars 2015 et une nouvelle mandature. Pour l’après-2020, qui peut dire ce qu’il se passera ? Qui sera Président de la République ? Qui sera Premier ministre ? Si Manuel Valls est encore là, il ira jusqu’au bout. Mais, moi, je ne sais pas s’il sera encore là », glisse Claudy Lebreton, un brin madré.
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Acte III de la décentralisation : la réforme pas à pas
Sommaire du dossier
- Décentralisation : la liste de courses des élus locaux à Emmanuel Macron
- Acte III de la décentralisation : la réforme pas à pas
- Grandes régions un an après : une réorganisation des services à la carte (1/5)
- Grandes régions un an après : les échelons infrarégionaux prennent de l’étoffe (2/5)
- Projet de loi NOTRe : ce qu’il faut retenir du texte du Sénat
- Projet de loi NOTRe : ce qu’il faut retenir du texte de l’Assemblée
- Réforme territoriale : opération résurrection à l’Assemblée
- Fusion des régions : les nouvelles règles relatives aux élections régionales 2015
- Grandes régions un an après : l’équilibre budgétaire reste lointain (3/5)
- Réforme territoriale : les recettes venues d’ailleurs
- Depuis la loi Notre, la compétence tourisme se divise entre coopération et compétition
- « Acte III » de la décentralisation : les agents territoriaux n’y voient toujours pas clair
- Réforme territoriale : gros plan sur les contre-propositions des départements
- André Vallini : « 14 milliards de transferts des départements aux régions »
- Nouvelle carte des régions : quelles conséquences financières ?
- Réforme territoriale : un projet de loi qui muscle l’interco et « dévitalise » le département – Décryptage
- Réforme territoriale : les départements pointent quatre idées reçues
- Quand le Conseil constitutionnel écrit sa propre réforme territoriale
- Exclusif réforme territoriale : la nouvelle version du projet de loi sur les compétences
- Réforme territoriale : les DG des associations d’élus s’engagent
- Réforme territoriale : la riposte des départements a commencé
- Manuel Valls veut rayer le département de la carte
- Face à la réforme territoriale, l’AMF vend ses « communes nouvelles »
- Décentralisation : ce qu’il faut savoir en 8 points clés sur le deuxième projet de loi Lebranchu
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- «Supprimer le département est impossible sans révision constitutionnelle»
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- La suppression des départements ne garantit pas des économies
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