Comment s’articulera la réforme territoriale ?
Les deux projets de loi qui constituent la réforme de notre organisation territoriale seront présentés au conseil des ministres du 18 juin. Le premier texte portera sur la carte des 14 régions (au lieu de 22) et le nouveau tableau des effectifs des conseils régionaux, le report des cantonales et des régionales à l’automne 2015. Il sera discuté en première lecture au mois de juillet dans les deux chambres. Le deuxième texte portera, notamment, sur les transferts de compétences des départements vers les régions, et le renforcement des intercommunalités. Il devrait être examiné au Parlement à partir de l’automne.
Pourquoi voulez-vous réduire le nombre de régions ?
Comme l’a écrit François Hollande dans sa tribune dans la presse régionale, les régions sont des acteurs majeurs de l’aménagement du territoire, mais elles sont à l’étroit dans des découpages remontant aux années 60. Leurs ressources ne correspondent plus à leurs compétences, qui, elles-mêmes, ne sont plus adaptées au développement de l’économie locale. Il nous faut donc de plus grandes régions, attractives et capables de bâtir des stratégies économiques.
Êtes-vous ouvert à des évolutions en cours de débat parlementaire sur la nouvelle carte des régions ?
Cette carte est le fruit de consultations de toutes les forces politiques, de toutes les associations d’élus et de nombreux parlementaires. Certains la contestent, mais aucun découpage n’est idéal et en 1972, le découpage des régions actuelles n’avait pas plus fait l’unanimité. Rhône-Alpes, par exemple, était jugée artificielle entre Annemasse, aux portes de la Suisse, et le sud de la Drôme, qui se trouve aux confins de la Provence. Je constate que ce découpage s’est finalement imposé, sans remettre en cause les identités locales. Alors, le Parlement jouera bien sûr son rôle et le gouvernement sera évidemment respectueux de ses prérogatives.
Quelle sera la nouvelle répartition des conseillers régionaux ?
La population doit être représentée pour les circonscriptions départementales par au moins un conseiller, c’est un objectif démocratique. Mais il faut aussi que l’effectif des conseils régionaux reste raisonnable pour pouvoir conduire efficacement les politiques régionales.
Comment, avec les grandes régions, la proximité de l’action publique sera-t-elle assurée ?
Il faut être très attentif à cette préoccupation et je pense même que l’on peut gagner en proximité par rapport à la situation actuelle. D’abord, les régions peuvent s’organiser pour exercer des compétences de proximité au plus près des citoyens, comme elles le font parfois aujourd’hui, soit directement, soit en déléguant des compétences aux intercommunalités. Elles savent le faire, et les textes le permettent.
Quel sera le rôle précis des futures intercommunalités ?
Les futures intercommunalités ont naturellement vocation à assumer les missions de proximité. Mais, si l’ensemble du territoire national est aujourd’hui couvert par des intercommunalités, elles sont de taille différente et ont des moyens trop faibles pour porter des projets. Le processus d’intégration doit donc se poursuivre et s’amplifier et c’est le sens de la réforme proposée : les intercommunalités changeront d’échelle, chacune d’entre elles devra regrouper au moins 20 000 habitants à partir du 1er janvier 2017, contre 5 000 aujourd’hui. Des adaptations seront prévues pour les zones de montagne et les territoires faiblement peuplés. Ainsi, dans le respect de l’identité communale, l’intercommunalité s’affirmera comme la structure de proximité pour une action locale efficace.
Par quel mode de scrutin ce changement passera-t-il ?
L’élection des intercommunalités au suffrage universel direct sans fléchage est parfois proposée. Il faut y réfléchir. La seule façon de préserver les communes est, en tout cas, de renforcer les intercommunalités. Il ne s’agit pas de toucher à l’existence de la commune en tant que collectivité de base de la démocratie, mais des maires de petite commune dans les montagnes reculées de mon département de l’Isère me le disent de plus en plus souvent : pour assurer l’avenir des communes les plus petites, il faut accélérer l’intégration intercommunale.
Qu’adviendra-t-il des départements après l’échéance de 2020 ?
Rien n’interdit d’imaginer d’autres organisations à l’échelle départementale, comme une assemblée, ou une fédération, des communautés, option qui est proposée par des élus, notamment en milieu rural. Ceux qui avancent cette proposition pensent à la péréquation entre les territoires favorisés et ceux qui le sont moins, et donc à la solidarité territoriale. On peut aussi penser aux politiques dans le domaine de l’enfance en danger. Le débat est ouvert et nous avons quelques années pour le mener à bien.
Lire Réforme territoriale : la riposte des départements a commencé
Et sur le territoire des métropoles ?
Les conseils départementaux ont vocation, lorsque c’est possible, à être absorbés par les métropoles.
Quelles compétences seront transférées des départements vers les régions ?
Les régions, qui ont un budget, aujourd’hui, d’un peu plus de 28 milliards d’euros, vont bénéficier de transferts estimés à près de 14 milliards d’euros. Il s’agira principalement des collèges, des routes, des transports, scolaires notamment, et des ports départementaux, et bien sûr, du développement économique local. Ces transferts prendront de trois à quatre ans, comme cela s’est passé lors de la décentralisation de 2004.
Que deviendront les compétences sociales des départements ?
Là encore, nous avons le temps de la réflexion d’ici à 2020. Peut-être faudra-t-il transférer le RSA aux grandes métropoles, quand il y en a, ou à l’Etat, par le biais des caisses d’allocations familiales. Pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH), des intercommunalités assez grandes seront sans doute à même d’assumer ces compétences. En revanche, je suis plutôt partisan que l’on approfondisse la possibilité, à terme, d’une « ré-étatisation » des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis).
Comment comptez-vous rassurer toutes les catégories de personnels des conseils généraux ?
D’abord, en leur disant qu’il ne s’agit en aucune manière de supprimer des services publics ou des missions. Ensuite, que le projet de loi précisera les garanties apportées aux fonctionnaires et aux agents non titulaires transférés en vue de stabiliser leur situation statutaire personnelle. Les agents des départements qui participent à l’exercice de compétences transférées aux régions connaîtront une substitution d’employeur sans changer de fonction publique ni de cadre statutaire. Leurs primes et régimes indemnitaires seront maintenus.
Par ailleurs, la situation des ouvriers des parcs et ateliers, qui sont soumis à un régime statutaire spécifique, est prise en compte afin de garantir le maintien de leurs droits, qu’ils soient mis à disposition ou intégrés. Enfin, ce transfert permettra à l’ensemble de ces agents, s’ils le souhaitent, de bénéficier d’un bassin élargi de mobilité.
Allez-vous vous attaquer au millefeuille des syndicats mixtes et intercommunaux ?
Aujourd’hui, on en compte 13 400. Parmi eux, 5 800 sont intégralement compris dans le périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). L’idée est donc de les fondre dans les intercommunalités. L’enjeu est de taille car ces syndicats représentent 17 milliards d’euros dont plus de 9 milliards en fonctionnement.
Quelles seront les conséquences de la nouvelle architecture des collectivités sur l’organisation de l’Etat ?
L’Etat doit lui aussi se réformer et la nomination, le 3 juin, de Thierry Mandon comme secrétaire d’Etat chargé de la Réforme de l’Etat et de la simplification est le signe de la volonté réformatrice du gouvernement pour que l’organisation territoriale de la France, qu’il s’agisse de celle de l’Etat ou de celle des collectivités, devenue trop complexe et souvent illisible pour nos concitoyens, soit plus claire et plus efficace. C’est une réforme qui s’inscrit dans la volonté de moderniser notre pays et de le rendre plus fort. Elle transformera pour plusieurs décennies l’architecture territoriale de la République.
Cet article fait partie du Dossier
Acte III de la décentralisation : la réforme pas à pas
Sommaire du dossier
- Décentralisation : la liste de courses des élus locaux à Emmanuel Macron
- Acte III de la décentralisation : la réforme pas à pas
- Grandes régions un an après : une réorganisation des services à la carte (1/5)
- Grandes régions un an après : les échelons infrarégionaux prennent de l’étoffe (2/5)
- Projet de loi NOTRe : ce qu’il faut retenir du texte du Sénat
- Projet de loi NOTRe : ce qu’il faut retenir du texte de l’Assemblée
- Réforme territoriale : opération résurrection à l’Assemblée
- Fusion des régions : les nouvelles règles relatives aux élections régionales 2015
- Grandes régions un an après : l’équilibre budgétaire reste lointain (3/5)
- Réforme territoriale : les recettes venues d’ailleurs
- Depuis la loi Notre, la compétence tourisme se divise entre coopération et compétition
- « Acte III » de la décentralisation : les agents territoriaux n’y voient toujours pas clair
- Réforme territoriale : gros plan sur les contre-propositions des départements
- André Vallini : « 14 milliards de transferts des départements aux régions »
- Nouvelle carte des régions : quelles conséquences financières ?
- Réforme territoriale : un projet de loi qui muscle l’interco et « dévitalise » le département – Décryptage
- Réforme territoriale : les départements pointent quatre idées reçues
- Quand le Conseil constitutionnel écrit sa propre réforme territoriale
- Exclusif réforme territoriale : la nouvelle version du projet de loi sur les compétences
- Réforme territoriale : les DG des associations d’élus s’engagent
- Réforme territoriale : la riposte des départements a commencé
- Manuel Valls veut rayer le département de la carte
- Face à la réforme territoriale, l’AMF vend ses « communes nouvelles »
- Décentralisation : ce qu’il faut savoir en 8 points clés sur le deuxième projet de loi Lebranchu
- Décentralisation : vers le retour du conseiller territorial ?
- «Supprimer le département est impossible sans révision constitutionnelle»
- Fusion des régions : des économies accessoires face à l’ampleur des enjeux
- La suppression des départements ne garantit pas des économies
- Aboutissement ou fin de la décentralisation ?
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- Serge Morvan, homme-orchestre de la réforme territoriale
- Les 9 principales dispositions de la loi « métropoles » dans le détail
- Décentralisation : la loi « métropoles » validée, le prochain texte précisé
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- Décentralisation : « La grande innovation, c’est l’instauration de métropoles » – Jean-Marc Ayrault
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