Le constat est le même de Saint-Brieuc à Carcassonne, de Calais à Avignon : partout, dans le centre des petites et moyennes villes de France, les stores métalliques et vitrines vides gagnent progressivement du terrain sur les commerces ouverts. Le fossé se creuse avec les grandes métropoles dynamiques : 55% de villes de moins de 100 000 habitants possèdent un taux de vacance commerciale supérieur à 10%, contre seulement 27% des grandes villes.
Béziers, Moulins et Vierzon font figure de tristes championnes : plus de 20% des magasins y sont inoccupés! Ce constat est au cœur d’un livre édifiant du journaliste d’Olivier Razemon, « Comment la France a tué ses villes », paru en 2016. Il y explique que, parce qu’on y stationne plus facilement, parce que les loyers y étaient moins chers et les espaces de vente plus grands, les boutiques ont migré en périphérie depuis les années 70.
S’ajoutent les problèmes de la multiplication des logements vides et de la paupérisation de la population des centres-villes, les classes supérieures préférant s’installer dans les banlieues pavillonnaires. « On a construit le territoire en partant du principe que tout le monde se déplace en voiture, dénonçe Olivier Razemon lors du débat débat à la Fondation Jean-Jaurès à Paris. Même les établissements publics ont quitté les villes, comme à Privas ou Saint-Amand-Montrond, où on a installé Pôle Emploi dans une zone industrielle ! »
Quand les communes décident d’agir
Ce déclin n’est toutefois pas une fatalité. Les collectivités territoriales ont des moyens pour agir à leur échelle. Et mettre au pas la grande distribution, réputée toute-puissante. La preuve à Agen : pour préserver la vitalité de son centre-ville, la communauté d’agglomération a proscrit l’installation d’enseignes culturelles et de prêt-à-porter dans la zone commerciale de Lamothe-Magnac. L’enseigne C&A a voulu braver l’interdiction.
Pour conséquence , « un jugement récent de la cour d’appel d’Agen a sommé la direction de la franchise de fermer son magasin, sous peine de payer 2 000 euros d’amende par jour d’ouverture » se félicite le maire et président de la communauté d’agglomération, Jean Dionis du Séjour (UDI). L’édile voudrait mobiliser à tous les étages du millefeuille territorial. « Il faut une refonte législative des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), pour les rendre plus efficaces. Les régions doivent aussi se saisir du problème car elles ont la compétence du développement économique. Enfin, il faut lancer un plan centre-ville au niveau national, à l’échelle de l’effort fait pour les banlieues avec l’Anru » juge-t-il.
Les mesures chocs d’une association d’élus
Aux grands maux les grands remèdes. Le collectif d’élus locaux et de parlementaires, « Centre-ville en mouvement » va plus loin. Le 7 septembre, l’association présidée par le député de l’Hérault Patrick Vignal (LREM) a émis plusieurs propositions de mesures chocs, dont celle de demander un moratoire d’un an sur le développement des zones commerciales en dehors des villes.
Elle réclame aussi que l’État montre l’exemple en arrêtant la délocalisation des administrations dans des zones périphériques. Enfin, elle a appelé Emmanuel Macron à déclarer le centre-ville « grande cause nationale 2018 ». Reste à voir si les solutions apportées par l’Etat seront à la hauteur des enjeux, dans un contexte de rigueur budgétaire. La question est pourtant cruciale. « Les centres constituent la signature et l’identité des villes, insiste Jean Dionis du Séjour. C’est un patrimoine unique que la France doit défendre !»
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Ces territoires qui ne se résignent pas
Sommaire du dossier
- Ces petites villes qui attirent des populations nouvelles
- Recherche ville à taille humaine
- Communication territoriale : la chasse aux Parisiens est ouverte !
- Action Coeur de ville : passer des études aux réalisations
- « Les territoires ne sont pas aussi plastiques que la demande »
- Les centre-villes commerçants les plus dynamiques mis en lumière
- La difficile reconnaissance du phénomène des villes en décroissance
- Les lauréats du plan Action Coeur de ville partagent leurs bonnes recettes
- Les villes moyennes se construisent un avenir
- Action coeur de ville : Les acteurs privés, attendus et dans l’attente
- Les ministres en campagne pour Action Cœur de ville
- Action coeur de ville : un vaste programme à 5 milliards d’euros sur cinq ans
- Le plan Action Cœur de ville met le turbo
- Action coeur de ville : « Le risque est que ce plan produise des projets gadgets »
- Les heureux bénéficiaires du plan « Cœur de ville » dévoilés
- L’extraordinaire histoire de la communauté de communes du val d’Alzette
- Territoires en déclin : un besoin de dispositifs spécifiques pour les villes qui « rétrécissent »
- Revitalisation des centres anciens, l’urgence d’une « cause nationale »
- Réforme de la carte militaire : il y a une vie après la caserne
- Quand le centre-ville redevient un lieu de commerce attractif
- « L’Etat cherche avant tout à créer de grandes métropoles de niveau européen ! »
- A Saulnières, les vestiges de la grande usine se fondent en un jardin paysager et des logements
- Centres-villes en déclin : la malédiction des villes moyennes
- Le développement des villes durables passe par les friches industrielles
- Territoires en déclin : l’art de la reconquête des friches industrielles et agricoles
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