La réforme de l’administration territoriale de l’Etat, intulée Reate, lancée en 2008, est jugée inefficace à 70,3% par les 4513 élus locaux qui ont répondu à la consultation lancée par le Sénat, et non pertinente à 58,8%.
Un jugement sans appel de la part des élus, chez qui on ressent « un fort sentiment d’exaspération. Les méthodes de réorganisation peu participatives ont engendré des situations instables ou confuses du côté de l’Etat, avec souvent un manque de moyens », résume le sénateur (LR) du Loiret Eric Doligé.
Celui-ci relève trois points de blocage majeurs dans son rapport : « la complexité de la nouvelle organisation des services, les doublons de compétences de l’Etat avec celles transférées aux collectivités locales, et l’éloignement et le désengagement de l’Etat sur certains territoires ».
« Si l’État, garant légitime de l’intérêt public national, doit rester présent sur le territoire en tant que stratège, il est de moins en moins acceptable qu’il continue d’aligner des troupes plus ou moins clairsemées dans des domaines tels que la partie du champ social transférée aux départements, la culture ou le sport », a commenté Jean-Marie Bockel (UDI), le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, lors du débat organisé en séance le 10 janvier.
Pour un Etat facilitateur
Le rapport a donc identifié 5 axes de progression pour améliorer les relations entre l’Etat et les collectivités locales. « Les élus aspirent à une relation adulte avec leurs interlocuteurs représentants de l’Etat. Ils veulent être aidés a priori, en amont des prises de décision, avoir un Etat facilitateur », résume Marie-Françoise Pérol Dumont (PS).
Il s’agit tout d’abord d’assurer l’unicité de l’administration territoriale de l’Etat, en consolidant l’autorité du préfet sur l’ensemble des directions régionales, et notamment sur les agences, dans une logique de coordination de l’ensemble des moyens. Le rapport propose par ailleurs une durée minimum d’affectation pour les préfets de trois ans, pour assurer une certaine permanence de la gouvernance.
Par ailleurs l’administration déconcentrée doit être maintenue en proximité avec les collectivités, notamment dans les grandes régions fusionnées, avec un niveau départemental renforcé.
L’organisation multi-sites des services déconcentrés doit être pérennisée, mais en veillant à éviter les complexités administratives qui en découleraient. L’autorité des préfets sur les directions départementales interministérielles doit être renforcée, et leur mission de coordination à l’égard des agences également réaffirmée.
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Chacun ses compétences
L’administration déconcentrée doit d’autre part se concentrer sur ses missions régaliennes, et engager l’extinction des doublons. La décentralisation de certaines compétences doit être achevée en opérant le transfert des personnels correspondant – par exemple pour les personnels TOS des collèges et lycées, transférés aux départements et régions, les personnels de gestion.
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Enfin la dimension facilitatrice de l’administration déconcentrée doit être renforcée – il faut par exemple orienter le contrôle de légalité en amont de la prise de décision des collectivités, vers l’offre d’avis et de conseil sur les procédures et droit applicables, et renforcer l’efficacité des ressources humaines affectées à ce contrôle et au conseil.
Le ministre de l’Intérieur Bruno Le Roux, présent lors du débat en séance, a répondu à ces critiques et propositions :
Depuis 2013 et le Comité interministériel de modernisation de l’action publique, le Gouvernement s’est engagé dans la stabilisation des organisations existantes. L’objectif a été atteint, dans la concertation avec les collectivités. La MAP, en 2013, puis les chantiers de l’administration territoriale menés en 2014-2015, ont redessiné les lignes de force d’un État territorial plus cohérent, mieux armé et plus proche des citoyens. L’État territorial sait désormais où il va… Après une phase de régionalisation assumée, visant à permettre à nos régions de rivaliser avec leurs homologues européennes et de dynamiser le développement économique, il sort de l’actuelle mandature à la fois unitaire et décentralisé. C’est ce qui fait sa force.
Reste à voir si les réformes en cours – Plan préfecture nouvelle génération, réorganisation des services déconcentrés après la fusion des régions – qui vont pleinement se déployer en 2017, répondent aux différents objectifs proposés par le rapport.
Références
- Où va l'État territorial ? Le point de vue des collectivités, rapport du Sénat, janvier 2012