Au revoir la figure du sénateur-maire. En vertu de la loi sur le non-cumul, aucun sénateur ne peut désormais cumuler son mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale (maire, adjoint au maire, président ou vice-président de région, de département…).
Le non-cumul devient effectif à partir du 2 novembre
Initialement fixé au 2 octobre, la date à laquelle les sénateurs doivent se mettre en conformité avec la loi a été repoussée au 2 novembre.
Si le texte était clair pour les sénateurs nouvellement élus qui avaient 30 jours à compter de la date de leur élection pour se mettre en conformité avec la loi, les sénateurs non renouvelables ont tenté de pousser leur avantage pour n’avoir à trancher que lorsque le mandat serait remis en jeu en 2020 explique Donatien de Bailliencourt, avocat en droit électoral pour le cabinet Granrut.
Le Conseil constitutionnel l’a entendu d’une autre oreille. « Les dispositions de la loi organique seront applicables à l’ouverture de la session ordinaire qui suit cette élection tant aux sénateurs faisant l’objet d’une nouvelle élection qu’aux sénateurs élus lors du renouvellement de septembre 2014 » ont précisé les sages dans une décision prise il y a 3 ans.
La loi s’applique donc finalement 30 jours après l’ouverture de la session parlementaire, soit le 2 novembre.
L’exécutif local, un choix minoritaire
Parmi les 138 sénateurs concernés par la loi sur le cumul des mandats, 93 ont choisi de garder leur mandat de sénateur (71%) et d’abandonner leurs fonctions exécutives locales. Seuls 41 sénateurs ont décidé de quitter le Sénat.
François Baroin (LR), le maire de Troyes a ainsi privilégié son implantation locale pour garder la main sur la présidence de l’Association des maires de France. David Rachline (FN) préfère, lui aussi , la mairie de Fréjus aux ors du Sénat tout comme Jean-Claude Boulard au Mans (LREM) ou encore Caroline Cayeux, l’édile de Beauvais (LR) et présidente de Villes de France.
Même constat pour Jean-Claude Gaudin (LR), l’inoxydable maire de Marseille, Michel Mercier, ancien garde des Sceaux (Modem) qui privilégie son village de Thizy-les-Bourgs ou encore Jean-Léonce Dupont, président du département du Calvados (Union centriste).
71% des cumulards préfèrent le Sénat
Ce choix reste toutefois minoritaire. Contrairement aux législatives, qui ont vu bon nombre de députés préférer leur exécutif local comme pour Alain Rousset (PS), désormais « seulement » président de Nouvelle-Aquitaine ou Xavier Bertrand (LR) des Hauts-de-France, la plupart des sénateurs privilégient leur mandat parlementaire.
A commencer par les 67 vainqueurs des dernières élections sénatoriales qui ont tous préféré les ors du Sénat à leur ancrage local. Rémi Féraud (PS), renonce ainsi à la mairie du 10ème arrondissement tout comme Laurent Lafon (LR) qui quitte son poste de maire de Vincennes, Samia Ghali (PS) désormais ex-maire du 8e arrondissement de Marseille , Olivier Léonhardt (PS) à Sainte-Geneviève-des-Bois ou encore Marc-Philippe Daubresse (LR), ancien ministre délégué au Logement et à la ville, qui ne sera plus l’édile de Lambersart.
Plus largement, parmi les 138 sénateurs élus en 2014 et concernés par le non-cumul des mandats, 71% ont décidé d’abandonner leurs fonctions exécutives locales. Parmi les sénateurs-maires déjà en place, Alain Richard (LREM) a démissionné de son mandat de maire de Saint-Ouen-l’Aumône tout comme François Grosdidier (LR) qui a quitté la mairie de Woippy.
Les présidents de conseils départementaux ne sont pas en reste. Patrice Joly (PS) est désormais ex-président du conseil départemental de la Nièvre, tout comme Albéric de Montgolfier (LR) qui a quitté la tête de l’Eure-et-Loir ou encore Bernard Bonne (LR) qui a renoncé à la présidence du département de la Loire.
Les mandats locaux restent possibles pour les sénateurs
Bon à savoir : un sénateur peut toutefois conserver un mandat local s’il ne correspond à pas des fonctions exécutives. C’est par exemple le cas du sénateur Bruno Retailleau (LR) qui a renoncé à la présidence du conseil départemental de Vendée tout en restant conseiller régional des Pays de la Loire.
Seule sénatrice dont l’avenir reste en suspens, Nassimah Dindar (UDI). A la fois parlementaire et présidente du conseil départemental de la Réunion, elle est actuellement sous le coup d’un recours déposé devant le Conseil constitutionnel. Cette procédure met entre parenthèses le non-cumul, le temps pour les sages de statuer sur son cas. Une technique parfois utilisée pour retarder l’heure des choix comme l’explique Marianne.
Des femmes de plus en plus nombreuses dans l’hémicycle
Enfin, le non-cumul change (un peu) le visage du Sénat. Par la mécanique de la parité, les suppléants doivent être du sexe opposé à celui du candidat principal dans le cas des scrutins majoritaires. Pour les scrutins à la proportionnelle, les listes doivent alterner hommes et femmes. Les deux modes de scrutin cohabitant au Sénat, Michèle Vullien (LR) succède à Michel Mercier, Claudine Kauffman (FN) récupère dans une ambiance tendue le siège de David Rachline et Nadine Grelet-Certenais (PS) prend la suite de de Jean-Claude Boulard.
Le Sénat compte désormais 32% de femmes contre 25% en 2014. Une petite révolution dans un hémicycle qui reste donc très largement masculin.
La chambre haute reste le bastion des départements
La fin du cumul des mandats ne change finalement rien à l’affaire. Les sénateurs, issus des conseils départementaux continuent de se tailler la part du lion au Palais du Luxembourg. Les statistiques du cru 2017 sont impressionnantes.
Parmi les heureux élus du renouvellement par moitié, figurent onze patrons de départements : le président LR de la commission des lois Philippe Bas (Manche), l’ancien secrétaire d’Etat LR Edouard Courtial (Oise), l’ex-secrétaire général LR de l’Assemblée des départements de France (ADF) Bruno Sido (Haute-Marne)….
Quatre autres de leurs collègues sénateurs-présidents, élus à la chambre haute en 2014, préfèrent aussi les ors du Sénat. Parmi eux, Benoit Huré des Ardennes, président du groupe de la Droite du centre et des indépendant (DCI) à l’ADF jusqu’au dernier congrès de l’association à Marseille. A côté de ces 15 présidents en exercice au moment du scrutin de septembre 2017, figurent également 23 vice-présidents.
La chambre haute accueille aussi de nombreux anciens patrons de département. Dans cette catégorie, figurent le divers gauche Jean-Noël Guérini (Bouches-du-Rhône), le nouveau président PS de la commission des finances Vincent Eblé (Seine-et-Marne) ou l’ex-ministre PS Patrick Kanner (Nord) et l’ancien secrétaire d’Etat socialiste à la Réforme territoriale, André Vallini. Au total, le nombre d’élus départementaux culmine à la chambre haute à 77.
A contrario, les conseillers régionaux ne sont pas légion : 39. Les patrons de région en fonction au moment de l’interdiction du cumul des mandats sont encore bien moins nombreux. Seul Bruno Retailleau occupait un tel fauteuil dans les Pays-de-la Loire. Un grand élu qui présente la caractéristique d’être un ancien président de département. Dans ces conditions, la messe paraît dite.
Au moment d’examiner les textes ayant trait à la réforme territoriale ou à la fiscalité locale, les départements devraient continuer à peser de tout leur poids à la chambre haute. Un appui précieux pour l’Assemblée des départements de France qui a perdu l’essentiel de ses relais au Palais-Bourbon, où les députés de La République en Marche s’avèrent souvent assez éloignés des préoccupations des collectivités.
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Le Sénat, grand protecteur des territoires
Sommaire du dossier
- « Le Sénat vit dans le mythe que les élus locaux l’ont sauvé en 1969 »
- Le Sénat, une machine de guerre contre « l’ultra-centralisation »
- Le Sénat contre la noblesse d’Etat
- La commune, pilier du palais du Luxembourg
- Non-cumul au Sénat : certains partent, beaucoup restent
- Hervé Maurey : « Le non-cumul coupe les sénateurs des citoyens »
- « L’intercommunalité est en train de devenir un machin, comme l’Europe »
- Gérard Larcher : « On ne touche à la Constitution que d’une main tremblante »
- Le Sénat vole au secours des petites communes
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