Pourquoi la Haute Assemblée, au-delà de son mode d’élection, est-elle si attachée aux élus locaux ?
Le Sénat vit dans le mythe que les élus locaux l’ont sauvé quand le général de Gaulle menaçait son existence lors du référendum de 1969 qui s’est soldé par un échec. Aujourd’hui, son opposition aux projets territoriaux d’Emmanuel Macron lui permet d’asseoir sa légitimité auprès de son alliée naturelle : l’Association des maires de France.
Le Sénat est-il toujours l’assemblée de la France rurale ?
Oui. Mais contrairement à la légende, il n’est pas l’émanation de la France du seigle et de la châtaigne, mais plutôt de la vigne et du blé, c’est-à-dire des départements riches de l’Ouest. La Haute Assemblée n’est d’ailleurs pas structurellement de droite, mais de centre droit, ce qui est tout à fait différent.
Pourquoi Gérard Larcher fait-il du maintien d’un sénateur par département l’une de ses lignes rouges dans le cadre de la réforme des institutions ?
Le Sénat représente les hectares plus que la démographie. C’est d’ailleurs reconnu par le Conseil constitutionnel qui accepte des distorsions de représentation de la population plus fortes qu’à l’Assemblée nationale. Le maintien d’un sénateur au minimum par département sera favorable aux territoires ultraruraux comme la Lozère. Les départements très urbains d’Ile-de-France, du Sud-Est ou de la vallée du Rhône sont, eux, déjà sous-représentés. Ils ne vont donc pas perdre de sénateurs. Ce sont les départements intermédiaires, comme le Puy-de-Dôme, qui compte une ville moyenne, Clermont-Ferrand, mais aussi de nombreux territoires ruraux, qui vont payer les pots cassés.
Le Sénat assure-t-il pleinement sa mission de représentation des collectivités territoriales de la République, inscrite à l’article 24 de la Constitution ?
Il représente plus des élus que des collectivités en tant que telles. Cela tient à son mode de désignation. L’élection sénatoriale repose sur la relation personnelle que les candidats ont su nouer avec les maires. Les sujets tournent autour du clocher du village qui a du mal à être entretenu ou de la route départementale qui part à vau-l’eau. Le jeune loup de La République en marche qui se lancerait dans de telles missions d’exploration se ferait manger tout cru par le vieil homme politique local. On dit d’ailleurs qu’au Sénat, les tapis sont épais pour ne pas voir les corps tomber et rouges pour maquiller les tâches de sang…
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Le Sénat, grand protecteur des territoires
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