Le coût de la pollution due à l’azote en Europe s’élève entre 70 et 320 milliards d’euros, selon l’étude. Pourquoi une si large fourchette ?
L’ENA est une évaluation sur l’ensemble du cycle de l’azote en termes de pollutions et d’impacts sur la santé et l’environnement. Il comprend donc toutes les formes :
- ammoniac,
- nitrates,
- oxyde d’azote, etc.
et toutes les sources :
- l’agriculture est la principale,
- mais il y a aussi l’utilisation de combustibles fossiles (gaz, essence, gazole, etc.) pour les transports, la production d’énergie, le chauffage, etc.
L’une des grandes sorties de l’étude, c’est cette estimation des coûts : entre 70 et 320 milliards d’euros en Europe. Il a fallu évaluer les différents impacts de l’azote sur la santé et l’environnement à partir d’une base commune. Pour ce faire, ENA s’est basée sur des coûts : les plus faciles à cerner ont été qualifiés d’objectifs, les autres sont subjectifs.
L’étude se penche aussi sur le problème des nitrates
Oui, mais les nitrates, dans cette étude, ne sont qu’un des aspects. Le problème des algues vertes a pour partie un coût objectif qui correspond au coût du nettoyage des plages.
En revanche, le coût de la pollution des eaux est moins facile à cerner. Comme l’’impact porte principalement sur les écosystèmes, son coût dépend de l’importance que chaque société accorde à la protection de la biodiversité ou la restauration d’un écosystème.
Pour les pays de l’Europe du nord, par exemple, la restauration de la mer Baltique est un enjeu majeur pour lequel ils sont prêts à dépenser beaucoup.
L’étude (chapitre 22, page 553) a ainsi pu sortir des estimations hautes et basses des dommages liés à l’azote.
L’impact le plus élevé porterait donc sur la santé humaine via l’atmosphère : 170 milliards d’euros/an. Et pour l’eau ?
Pour la qualité des eaux, la fourchette haute est aux alentours des 20 milliards d’euros par an.
Combien de personnes sont exposées à de l’eau dont la teneur en nitrates dépasse les 50mg/l ?
« Exposées », cela signifie que la ressource locale peut dépasser le seuil fixé par la directive nitrate (50mg/par litre) et non pas que les personnes consomment effectivement de l’eau dont la teneur en nitrate est supérieure à ce seuil.
L’eau qui coule du robinet a souvent une teneur inférieure car elle est mélangée à d’autres sources ou retraitée. D’après une étude sur l’eau potable du ministère de la Santé, le dépassement de cette norme concernait, en 2006, moins de 1% des volumes d’eau potable distribués. En revanche, pour 6% des volumes d’eau potable distribués, les teneurs en nitrates sont comprises entre 40 et 50 mg/l et sont donc susceptibles d’être en excès rapidement si aucune mesure n’est prise.
Selon l’étude (chapitre 17), 10 millions de personnes sont exposées en Europe. En France, cela représente 7% de la population soit environ 4 millions de personnes.
Ces estimations sont à relativiser car elles reposent sur l’analyse des eaux issues de nappes de surface.
Les chercheurs ont étudié les déperditions d’azote dans l’environnement. Quel est ce phénomène ?
Il existe deux sources majeures de déperdition d’azote vers l’environnement :
- l’une est constituée par les oxydes d’azote gazeux venant de la combustion des énergies fossiles. Il s’agit de polluants atmosphériques dangereux pour la santé et pour les écosystèmes.
- L’autre, beaucoup plus importante et diverse, est liée à l’utilisation d’engrais azotés par l’agriculture.
L’azote étant essentiel à la vie, et peu disponible à l’état naturel, son apport sur les cultures a permis d’accroître les rendements et de nourrir une population sans cesse croissante. Mais à chaque étape de la production agricole (croissance des cultures et élevage des animaux), seul 30% de l’azote apporté est réellement utilisé pour fabriquer des aliments consommables. Le reste part :
- soit dans des déchets mal valorisés,
- soit dans l’environnement : vers l’atmosphère ou vers l’eau (nitrate, azote organique).
Il est possible de diminuer ces pertes en adaptant les systèmes agricoles, mais c’est souvent difficile, coûteux, et parfois contraire aux intérêts des agriculteurs et des filières agro-alimentaires, ce qui rend nécessaire la mise en place de politiques volontaristes. Certains agriculteurs ont commencé à faire évoluer leurs pratiques : ils fractionnent leurs apports pour limiter les déperditions.
Quelles propositions formule l’étude qui devraient inspirer les politiques publiques ?
Les propositions rejoignent en partie celles que l’on connait déjà pour les économies d’énergie, et la lutte contre le changement climatique :
- D’abord, il faut diminuer la consommation de combustibles fossiles pour limiter les émissions d’oxydes d’azote,
- Ensuite, il faut améliorer l’efficacité d’utilisation de l’azote en agriculture. Il faudrait que les effluents d’élevage ne soient plus considérés comme des déchets qu’il faut éliminer, mais comme une ressources à mieux valoriser.
C’est déjà ce que font nombre d’agriculteurs, en particulier dans le domaine de l’agriculture biologique. Mais c’est loin d’être simple car cette démarche a des conséquences fortes en termes de gestion technique : c’est plus difficile de piloter la fertilisation organique que les apports d’engrais minéraux. Ces aspects demanderont à être approfondis dans les formations en agriculture.
Chacun peut-il, à son niveau, réduire son « empreinte azote » ?
Dans notre empreinte azote, c’est le poste de l’alimentation qui pèse le plus lourd. Presque les 3/4. Viennent ensuite les transports. Et dans l’alimentation, c’est la consommation de produits animaux. Donc modérer sa consommation de viande serait un moyen efficace.
La déclaration de Barsac (en Gironde), par exemple, est une illustration de la volonté d’une communauté de scientifiques à proposer une alternative avec des repas contenant moins de viande.
Références
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Pourquoi et comment les collectivités doivent lutter contre les nitrates ?
Sommaire du dossier
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