« Excellence opĂ©rationnelle » ou « lean management » : termes qui dĂ©signent, dans les entreprises, l’optimisation des pratiques en s’appuyant sur la participation de tous les acteurs pour trouver des solutions Ă des problèmes identifiĂ©s.
C’Ă©tait le thème choisi par les dĂ©putĂ©s de la RĂ©publique en Marche, Sonia Krimi (Manche) et Jacques Savatier (Vienne), pour leur confĂ©rence sur le secteur public, mardi 5 fĂ©vrier dans la soirĂ©e Ă l’AssemblĂ©e nationale. « Il n’y aura pas de meilleurs services publics sans meilleure efficience publique, ce qui ne veut pas dire qu’il faut plus de suppression d’emplois », recadre la dĂ©putĂ©e LREM.
Selon elle, comme dans le secteur privĂ©, « l’excellence opĂ©rationnelle doit venir du terrain. De plus en plus d’acteurs du secteur public ont recours Ă ces principes pour maintenir un service de qualitĂ© dans un contexte de rĂ©duction budgĂ©taire et d’exigence croissante envers les administrations ».
La dĂ©putĂ©e souhaitait mettre en lumière ces initiatives, Ă l’approche de la prĂ©sentation du projet de loi rĂ©formant la fonction publique, prĂ©vue pour le 27 mars prochain au Conseil des ministres.
L’exemple de NĂ®mes mĂ©tropole
Parmi les principes qui rĂ©gissent « l’excellence opĂ©rationnelle » : adopter la pensĂ©e scientifique (expĂ©rimentation, phases pilotes et apprentissage constants), communiquer constamment avec le personnel, accepter les suggestions de chacun…
Laurent Cotteret, directeur gĂ©nĂ©ral des services de la communautĂ© d’agglomĂ©ration de NĂ®mes mĂ©tropole explique avoir voulu se rapprocher le plus possible de ces prĂ©ceptes.
A son arrivĂ©e en 2014, il a dĂ©couvert « une collectivitĂ© dont l’Ă©tat des finances conduisait droit dans le mur » : baisse de la dotation globale de fonctionnement de 4,5 millions d’euros par an, emprunt toxique de dix millions d’euros…
« Nous n’avions pas beaucoup de leviers d’action : le Gard est dĂ©jĂ l’un des trois dĂ©partements les plus pauvres de France, impossible donc d’augmenter la fiscalitĂ© dĂ©jĂ en au haut du podium. Il n’Ă©tait pas envisageable non plus de lever le pied sur les investissements, nous Ă©tions dĂ©jĂ en retard en la matière. »
« Constituer des Ă©quipes mixtes public/privĂ© pour obtenir des rĂ©sultats »
Unique option : agir sur la gestion de l’administration. « Ma première obsession a Ă©tĂ© de recruter deux contrĂ´leurs de gestion issus de l’industrie. Il n’y en avait pas malgrĂ© la recommandation de la Cour des comptes. » Première observation des deux contrĂ´leurs, « qui ne connaissaient rien initialement Ă la FPT » : un dĂ©lĂ©gataire des services publics (DSP) coĂ»tait 10 millions d’euros chaque annĂ©e sur un budget de 50 millions. « Une clause permettait de le sortir Ă mi-parcours et de relancer une DSP sur la base d’un cahier des charges moins coĂ»teux et prĂ©voyant une amĂ©lioration des services. On l’a fait sur d’autres DSP. »
Ce processus a permis de faire passer l’Ă©pargne brute de NĂ®mes mĂ©tropole (tous budgets consolidĂ©s) de 19,84 millions en 2014 Ă 41,3 millions en 2018 (prĂ©vision de 51,7 millions en 2019 et 59,8 millions en 2020) ; les investissements de 50,79 millions d’euros en 2014 Ă 144 millions en 2019. Et ce, tout en baissant les prix et la fiscalitĂ© : -25% sur les taux d’enlèvement des ordures mĂ©nagères, – 64% pour le raccordement Ă la fibre optique, pas d’introduction de la taxe Gemapi, baisse de plus de 20% des abonnements transport…
Laurent Cotteret livre sa « moralitĂ© de l’histoire » : « Si on veut obtenir des rĂ©sultats, il faut constituer des Ă©quipes mixtes issues de la territoriale et du privĂ©, et arriver Ă les faire travailler ensemble. Les rĂ©sultats seront exceptionnels. » Et pour lui, il ne fait aucun doute que les meilleurs dans le domaine des finances se trouvent dans le secteur privĂ©, « c’est lĂ -bas qu’il faut aller les chercher les experts ».
Gare aux mots employés
Si le terme « d’excellence opĂ©rationnelle » peut faire rĂŞver des dirigeants d’administration publique, il peut ĂŞtre violemment reçus par les agents de terrain, a prĂ©venu en fin de sĂ©ance Françoise Waintrop, chargĂ©e de mission innovation et modernisation de l’État Ă l’ENA.
Rappelant que les rĂ©alitĂ©s du service public n’Ă©taient pas celles du secteur privĂ©, le terme « d’excellence » est Ă proscrire. « La fonction publique est rĂ©ceptive pour le changement, mais 50 % de sa rĂ©ussite est due Ă la forme qu’il prend », acquiesce Laurent Cotteret.
Qui plus est, une dĂ©marche « d’excellence opĂ©rationnelle » créée des attentes. Si elle n’est pas suivie d’effets rapides, les frustrations peuvent ĂŞtre importantes. Plusieurs personnes dans l’assistance en veulent pour preuve les « Ă©valuations Ă 360 degrĂ©s » qui se dĂ©veloppent Ă l’initiative de services RH, mais dont les apports effectifs ne sont pas perçus.
Pour Jacques Savatier, une telle conduite du changement dans la fonction publique doit se faire sur une longue durĂ©e. Or, « comment conduire des transformations publiques avec une telle volatilitĂ© de ministres censĂ©s les porter en une quinzaine d’annĂ©es ? ».
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