Emmanuel Macron poursuit son opération-déminage. Après son « J’ai besoin de vous » du congrès des maires, le chef de l’Etat a nommé, le 24 novembre 2017, le président de l’Association des petites villes de France, Olivier Dussopt (PS) secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin.
Selon un communiqué gouvernemental publié le lendemain, l’heureux élu sera « particulièrement chargé de suivre les sujets relatifs au dialogue social dans la fonction publique et le partenariat de confiance avec les territoires ».
Pour Olivier Dussopt, il s’agit d’une consécration. Titulaire d’un DESS en conseil en développement économique et ingénierie territoriale, l’édile appartient à une nouvelle catégorie de décideurs, formée au cœur des appareils politico-administratifs des collectivités.
Homme-orchestre de la réforme territoriale
Chargé de mission auprès du président PS du conseil général de l’Ardèche, Michel Teston, puis assistant parlementaire du même élu au Sénat, Olivier Dussopt entre à l’Assemblée à l’âge de 28 ans. Plus réputé pour sa maîtrise des dossiers que pour sa maestria oratoire, le benjamin de l’hémicycle se plonge dans les délices du PLF et de la réforme des collectivités made in Sarkozy.
Dans le même temps, l’ancien cadre du MJS, parrainé par Benoît Hamon, s’immerge dans les arcanes de la rue de Solférino. Vice-président de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains, il occupe le même poste au sein de l’Association des petites villes de France. Un cénacle fondé à l’origine par le PS Martin Malvy pour contrecarrer la toute-puissance de l’Association des maires de France, ancrée à droite.
Conseiller régional, député, maire d’Annonay… : Olivier Dussopt enchaîne les mandats. Derrière son allure juvénile et sa voix fluette, il a de l’ambition à revendre.
Poulain de l’écurie Aubry, le député-maire d’Annonay se met dans le sillage de la grande complice de la maire de Lille, Marilyse Lebranchu, désignée au printemps 2012, ministre de la Réforme de l’Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique. Grand bien lui fait. Olivier Dussopt reçoit dans son escarcelle le poste-clé de rapporteur des deux principales lois portant réforme territoriale : MAPTAM et NOTRe.
Numéro d’équilibriste à l’APVF
Dans le même temps, le premier magistrat d’Annonay succède en 2014, à la tête de l’Association des petites villes de France, au père fondateur Martin Malvy. Avec la future secrétaire d’Etat aux collectivités, Estelle Grelier et la députée-maire de Rennes, Nathalie Appéré, il incarne la prise de pouvoir des professionnels des politiques locales dans le débat parlementaire. Évanouis, les notables traditionnels (Daniel Hoeffel, Jean Puech…) qui faisaient la loi sur les collectivités… La « team décentralisation » du PS, chère à Nathalie Appéré, Estelle Grelier et Olivier Dussopt, abat un travail de titan au Parlement.
Le nom du député-maire d’Annonay circule dès le printemps 2014 pour prendre le maroquin des collectivités. Olivier Dussopt n’est finalement pas appelé. Il doit jongler entre son rôle de porte-voix des petites villes et son poste de rapporteur de la loi NOTRe. Un numéro d’équilibriste quand le texte gouvernemental accorde la primeur aux métropoles.
Tapis rouge à Emmanuel Macron
Mais le président de l’APVF ne manque ni d’habileté, ni d’entregent. Au printemps 2016, le voilà qui convie Emmanuel Macron aux assises des petites villes à la Grande Motte. Les deux trentenaires ont d’abord eu des rapports orageux, le fils d’ouvrier reprochant vertement au ministre de l’Economie ses propos sur les employés « illettrés » de l’abattoir Gad…
Mais le pur produit des collectivités PS et l’énarque social-libéral s’entendent étrangement bien et c’est lors de ces assises de l’APVF qu’Emmanuel Macron fait son baptême du feu devant un congrès d’élus.
Imperceptiblement, Olivier Dussopt, lui-même, dérive vers le centre. Porte-parole de Manuel Valls à la primaire, il fait encore de la résistance contre Emmanuel Macron au cœur de l’été, dénonçant « une forme de trahison » dans les coupes pratiquées au lendemain de la Conférence nationale des territoires. Le député de l’Ardèche publie même, dans nos colonnes à la rentrée, une tribune fort critique sur la diminution des emplois aidés.
Cela ne l’empêche pas d’intégrer la mission Bur-Richard sur le plafonnement de la dépense locale. Olivier Dussopt vote contre le Budget avant de devenir secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des comptes publics, l’ex-bébé Sarkozy, Gérald Darmanin. Sa marraine politique, Marilyse Lebranchu crie à la trahison :
les jeunes ambitieux se pardonnent leurs oppositions passées pourvu qu’on ait l’ivresse d’être « au pouvoir » pic.twitter.com/UmD6f204l4
— Marylise Lebranchu (@mlebranchu) 25 novembre 2017
A contrario, son voisin de la Drôme, le président du groupe PS au Sénat, Didier Guillaume salue son ascension :
Félicitations à @olivierdussopt qui est un élu de terrain de grande qualité. Profondément de gauche il apportera son expérience au @gouvernementFR. C’est un grand défenseur des services publics et de la fonction publique. — Didier GUILLAUME (@dguillaume26) 24 novembre 2017
Une polémique microcosmique, pour les élus, qui, tel Philippe Laurent (UDI), voient avant tout en Olivier Dussopt, un allié des collectivités au cœur de la forteresse de Bercy.
Quid du 1 % métropole ?
Très actif sur Twitter, Olivier Dussopt a dépoussiéré la com’ des petites villes. Pendant la présidentielle, il fait, malin, la promotion d’une mesure en apparence toute simple : le 1 % métropole. Une ponction sur les recettes des grands groupements urbains destinée à abonder les budgets des petites villes. A défaut d’emporter l’adhésion pleine et entière des élus métropolitains, ce prélèvement suscite un écho médiatique certain, au moment même où le duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen met en lumière la fracture territoriale.
Olivier Dussopt, dont la détermination n’est pas la moindre des qualités, remet le 1 % métropole sur l’ouvrage à l’occasion des dernières assises des petites villes, à Hendaye les 21 et 22 septembre. Devenu secrétaire d’Etat, saura-t-il convaincre la direction du Budget ? Cela pourrait être l’un des enjeux de ces prochains mois.
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