La prĂ©sidence de la FĂ©dĂ©ration des EPL se renouvelle tous les trois ans, avec une alternance politique. Jacques Chiron, sĂ©nateur (PS) de l’Isère devrait donc cĂ©der son fauteuil, lors du prochain Congrès de la FĂ©dĂ©ration des EPL, Ă Bordeaux, à un parlementaire (PC, UDi, Vert, LREM ou… LR ?) investi dans la fĂ©dĂ©ration.
Quel bilan tirez-vous de votre mandat ?
Ce furent trois années passionnantes ! Nous avons vécu le choc de la réforme territoriale, à laquelle nos outils ont dû s’adapter. L’outil Société publique locale (SPL) a été créé en 2010 et l’on en dénombre environ 280 aujourd’hui. Nous avons aussi construit de nouveaux outils, comme la société d’économie mixte à opération unique (Semop).
Par ailleurs, nous avons adapté nos structures internes aux fusions de régions, ce qui nous donne une vision des territoires plus globale et plus adaptée.
Vos objectifs de début de mandat ont-ils été atteints ?
Nous souhaitions être « plus offensifs ». Nous nous sommes adressés directement aux chambres régionales des comptes, avec lesquelles nous souhaitions apprendre à travailler, sans attendre un contrôle. Un groupe de présidents de CRC a été désigné à cette fin par Didier Migaud, Premier président de la Cour des Comptes. Les magistrats financiers ont pu exprimer leurs attentes et nous avons, de notre côté, expliqué comment une société anonyme fonctionne. Nous avons travaillé de la même façon avec le juge administratif, avec les ministères et certains services de l’Etat.
Pourquoi cette nécessité d’expliquer le modèle EPL ?
Le modèle des entreprises publiques locales est transverse. Il perturbe les grilles d’analyse classiques. Il y a donc tout un travail d’explication, qui est encore à mener, pour que les EPL, leur structure et leur fonctionnement particuliers, n’alimentent plus les a priori… Nous devons encore montrer toute la pertinence de ces outils (Sociétés d’économie mixte, sociétés publiques locales, sociétés d’économie mixte à opération unique…).
Il y a encore peu, par exemple, certains ont reprochĂ© aux EPL de « capter » les marchĂ©s publics au dĂ©triment des entreprises privĂ©es. Notre dernier rapport a dĂ©montĂ© cet a priori : nos activitĂ©s bĂ©nĂ©ficient aux entreprises locales ; nous nous sommes d’ailleurs rapprochĂ©s des reprĂ©sentants des PME.
Le modèle des entreprises publiques locales est transverse : il perturbe les grilles d’analyse classiques.
Les récentes observations de la Cour des comptes sont plutôt à charge…
Il faut toujours savoir prendre du recul par rapport aux intitulĂ©s des rapports de la Cour des comptes : il s’agit pour elle d’attirer l’attention ! C’est dans ses missions. Pour tout vous dire, bien que le rapport titre sur des « insuffisances », je n’ai rien Ă dire sur son contenu ! Je m’explique : la fĂ©dĂ©ration des EPL dialogue depuis plusieurs annĂ©es avec les magistrats financiers, comme nous l’évoquions Ă l’instant, et  sur tous les sujets soulevĂ©s rĂ©cemment par la Cour des comptes (Lire encadrĂ©). Ce sont des domaines sur lesquels nous prĂ©conisons des bonnes pratiques. La gestion de certaines EPL peut parfois soulever des questions. Il peut y avoir des dĂ©rives, par mĂ©connaissance ou une forme d’enthousiasme. Mais tout est perfectible. Il y a peut-ĂŞtre des ajustements juridiques Ă effectuer. Mais ce n’est pas condamner les EPL. La FĂ©dĂ©ration a proposĂ© que soit rĂ©digĂ© un livre blanc qui recenserait les bonnes pratiques et signalerait les situations plus « limites ». Et La Cour des comptes recommande que nous soyons chargĂ©s sa rĂ©daction ! Nous sommes donc reconnus dans nos travaux.
Que vous inspire la réponse du Premier ministre à ce rapport ?
Nous nous y retrouvons pleinement : elle est mesurée et précise. Nous partageons l’analyse qu’elle porte : la cinquantaine d’EPL examinées sont restées dans le cadre législatif… tout en le faisant jouer pleinement.
Comment se portent les EPLÂ ?
Les EPL se dĂ©veloppent dans des secteurs auxquels nous n’avions pas initialement songé : des SPL en matière de petite d’enfance ou d’aide aux personnes âgĂ©es ; des Semop pour la gestion de ports… Le plus gros dĂ©veloppement s’observe en matière de transition Ă©nergĂ©tique (Sem ou SPL). Bien d’autres champs sont encore Ă prospecter. Ce dĂ©veloppement est Ă mettre sur le compte, d’une part, de nos capacitĂ©s d’écoute et d’accompagnement des territoires et, d’autre part, de notre proximitĂ© avec le tissu Ă©conomique et financier. C’est l’effet bĂ©nĂ©fique de la mixitĂ© de nos conseils d’administration !
« Les insuffisances du cadre juridique et comptable des EPL » : le  rĂ©fĂ©rĂ© de la Cour des comptes et la rĂ©ponse du Premier ministre
La Cour des comptes vient de publier une étude sur « la maîtrise des risques des entreprises publiques locales » (Sem, SPL, Semop et autres SPLA) : ses observations, rendues publiques le 27 septembre sont particulièrement cinglantes. En résumé, ces instruments, devenus essentiels pour les collectivités, ne sont pas maîtrisés et leurs mécanismes de contrôle, de transparence et d’évaluation doivent, vite, être repensés. La faute aux EPL, selon la Cour des comptes : elles ont pleinement utilisé « au-delà des intentions initiales, toutes leur potentialités » (multi-activités, création de filiales, maîtrise parfaite du «In house »)…
Dans sa réponse, datée du 21 septembre, Edouard Philippe partage les constats de la Cour et reconnaît que le contrôle des EPL doit être renforcé. Mais, il rappelle, d’une part, que les collectivités territoriales participent, en pleine responsabilité, au capital de ces EPL, et ce dans un cadre législatif bien précis et respecté. D’autre part, les six propositions d’encadrement des EPL suggérées par les magistrats financiers devraient « nécessairement être précédées d’un travail approfondi » et supposeraient de nouvelles mesures législatives.
Repères
- EPL : les entreprises publiques locales (EPL) sont des entreprises  à capital public détenu en moyenne à 65 % par les collectivités locales.
- Secteurs d’activités : logement, urbanisme, mobilité, développement économique, environnement, eau, énergie, tri des déchets, numérique, tourisme, culture, loisirs, services à la personne…
- 1 254 : c’est le nombre d’EPL recensées par la fédération des EPL, en métropole comme en outre-mer, réparties en 3 modèles : les Sociétés d’économie mixte (Sem), les Sociétés publiques locales (Spl) et les Sem à opération unique (SemOp).
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