Quel bilan tirez-vous de ces deux lois de finances ?
Sur la forme, je ne serai plus jamais parlementaire de la mĂŞme manière après avoir vĂ©cu la discussion budgĂ©taire du cĂ´tĂ© du ministère. Quand on est dĂ©putĂ©, on est persuadĂ© que le gouvernement peut dĂ©cider de tout – (notamment avec le filtre des amendements au titre de l’article 40) – mais, inversement, quand on est au gouvernement, on sait le poids des arbitrages du Parlement, qui fait la loi. C’est en fait le tĂ©moignage d’un bon Ă©quilibre que l’on ne perçoit qu’après avoir Ă©prouvĂ© les deux perspectives.
Sur le fond, je suis satisfaite du travail de coproduction réalisé avec le Parlement. Nous avons tenu notre feuille de route sur trois points majeurs :
- une répartition plus juste des concours financiers de l’Etat avec la réforme de la DSU, que nous considérons comme la première étape de la réforme de la DGF ;
 - la relance de l’investissement avec un fonds d’aide, le FSIL, qui atteint 1,2 milliard d’euros (et permet notamment de porter la DETR Ă 1 milliard d’euros) qui s’ajoutera aux effets de l’élargissement du FCTVA, votĂ© l’an dernier, dont les effets vont se faire sentir en annĂ©e pleine ;
 - l’accompagnement financier de la réforme territoriale.
 
Qu’est-ce-qui vous a convaincu d’aligner la hausse de la DSR sur celle de la DSU ?
En proportion, la hausse par habitant aurait été identique avec 180 millions d’euros pour la DSU et 117 millions d’euros pour la DSR. Avec cet alignement à 180 millions, les collectivités rurales sont fortement soutenues… même si elles n’ont, paradoxalement, pas ce sentiment. Je rappelle que, depuis 2012, la DSU a progressé de 52 % et la DSR de 60 % tandis que le FPIC est passé de 150 millions à un milliard d’euros. La péréquation est un marqueur de ce quinquennat.
La hausse de la péréquation a compensé la baisse des dotations pour les collectivités les plus fragiles : au global pour les 280 communes les moins favorisées au sens de la DSU cible et les 10 000 communes au sens de la DSR, la baisse de DGF est compensée par la hausse de la péréquation. Par ailleurs, la DSU est désormais mensualisée : c’est un vrai gain en termes de trésorerie pour les bénéficiaires.
Le financement de la péréquation a également été modifié…
L’enveloppe des dotations diminuant à nouveau, il était devenu nécessaire de réformer le mode de financement de cette péréquation. Elle s’opère toujours par un prélèvement sur la dotation forfaitaire des collectivités plus favorisées mais avec un plafonnement fixé à 1 % des recettes réelles de fonctionnement et non plus sur la dotation forfaitaire elle-même. C’est un changement important, voulu par le Parlement, qui rééquilibre selon moi favorablement le financement de la péréquation. Ce n’est pas une petite évolution !
Quelles sont les mesures prévues pour accompagner la réforme territoriale ?
La fraction de TVA transférée aux régions en substitution de leur DGF est une mesure décentralisatrice et progressiste. Je note que les députés de droite sensibles à la cause régionale plaident pour un maintien de cette mesure en cas d’alternance.
Les intercommunalités auront désormais la possibilité d’assouplir les attributions de compensation (AC). Nous sommes allés au maximum des dispositions autorisées par le Conseil d’Etat, que nous avons saisi en amont de la discussion budgétaire. C’était une mesure réclamée depuis longtemps par les intercommunalités. Par ailleurs, nous avons accepté la possibilité d’imputer une partie de l’AC en investissement. C’est une évolution positive.
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Bloc communal : jusqu’où assouplir le montant des AC ?Certains estiment pourtant que cette idée d’AC en section d’investissement est une fausse bonne idée…
Plusieurs remontées de terrain, entre autres de certaines métropoles, ont montré qu’en l’absence d’une telle possibilité, l’intégration intercommunale pouvait être freinée. C’est un sujet très discuté et c’est pourquoi nous avons tenu à ce que cela reste une mesure optionnelle et encadrée.
Nous avons aussi simplifiĂ© les procĂ©dures d’intĂ©gration fiscale lors d’une fusion d’EPCI : les procĂ©dures ne pouvaient ĂŞtre engagĂ©es qu’à la condition qu’un Ă©cart de taux important soit constatĂ©. DĂ©sormais, quel que soit cet Ă©cart, il sera possible de procĂ©der Ă une intĂ©gration progressive sur 12 ans. De mĂŞme, nous avons traitĂ© la question de l’harmonisation des politiques d’abattement en matière de taxe d’habitation et de dĂ©basage du taux de taxe d’habitation, pour Ă©viter les ressauts d’imposition pour les contribuables.
L’encadrement de +/– 10% des versements et prélèvements du FPIC en 2017 a été voté puis finalement supprimé à la demande du gouvernement. Pourquoi ?
Cette disposition contrevenait au principe du FPIC et aurait Ă©tĂ© très difficile Ă appliquer. Le FPIC reste donc Ă 1 milliard d’euros mais deux Ă©volutions ont Ă©tĂ© introduites : la première pĂ©rennise la garantie de sortie en sifflet pour les intercommunalitĂ©s qui perdraient le bĂ©nĂ©fice du FPIC et la seconde assure que les communes riches qui rejoignent des intercommunalitĂ©s pauvres ne pourront pas bĂ©nĂ©ficier du FPIC, mesure « en miroir » de l’exonĂ©ration de contribution au FPIC des communes les moins favorisĂ©es au sens de la DSU et de la DSR.
La question des variables d’ajustement a Ă©tĂ© un enjeu central du dĂ©bat budgĂ©taire. Qu’en est-il au final ?
La minoration des variables d’ajustement est une mécanique habituelle mais il y a eu cette année la conjonction de plusieurs phénomènes dont les conséquences du maintien de l’abattement de taxe d’habitation pour les personnes de conditions modestes, décidé en 2015, sous forme d’une exonération. A l’époque, tous les députés y étaient favorables et il faut donc en assumer collectivement les conséquences.
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PLF 2017 : pourquoi cette bataille sur les variables d’ajustements ?Nous ne sommes pas aveugles sur la situation des collectivités : ce n’est pas un plaisir de prendre 750 millions d’euros sur les variables d’ajustement car on sait que certaines collectivités en ressentiront très vite les effets. L’effort demandé aux départements et aux régions a été réduit tandis que celui des communes, qui sont les premières bénéficiaires des compensations, a été revu légèrement à la hausse.
Au final, le besoin de financement de l’Etat est de 550 millions d’euros au titre de la minoration des variables d’ajustement et non de 747 millions. Cela ramène le taux de réduction des FDPTP à moins de 10 % de baisse par rapport à 2016.
Cet épisode montre bien qu’il faut une loi de financement des collectivités pour donner de la visibilité et de la cohérence à moyen et long terme entre les décisions de Bruxelles, de l’Etat et des transferts aux collectivités.
La répartition de la CVAE entre les sièges sociaux et les unités de production sera aussi revue en 2018, à la demande du Parlement…
Il y a eu une forte volonté du Parlement d’avancer sur ce sujet ancien lié à la réforme de la taxe professionnelle. Jusque-là, nous avions accepté d’étudier cette question tout en considérant que ce n’était pas le bon moment dans un contexte de réforme institutionnelle déjà très chargé. Pour 2017, l’administration aurait rencontré de fortes difficultés techniques pour mettre en œuvre cette réforme d’où le compromis qui en reporte l’application à 2018.
C’est une mesure qui change la donne fiscale car les sociĂ©tĂ©s appartenant Ă  des groupes acquittent une part significative de la CVAE, une imposition qui rapporte près de 16 milliards d’euros aux collectivitĂ©s. Il faut donc prendre le temps d’en vĂ©rifier la soutenabilitĂ© pour les collectivitĂ©s.
En matière de simulations chiffrées, la DGCL est-elle en capacité de répondre aux nombreuses sollicitations du Parlement sur le sujet des finances locales ?
La DGCL a le rĂ©pondant nĂ©cessaire et on ne peut remettre en question sa rĂ©activitĂ©, fondĂ©e sur la grande compĂ©tence de ses collaborateurs. En revanche, un sujet pointe s’agissant du travail parlementaire, qui va ĂŞtre profondĂ©ment modifiĂ© par le non-cumul des mandats. Les parlementaires seront certainement plus impliquĂ©s encore qu’avant et les dĂ©bats davantage approfondis. Il faut crĂ©er les conditions de dĂ©bats sereins sur les finances locales. Je souhaite que le nouvel observatoire de la gestion publique locale et le futur projet de loi de financement des collectivitĂ©s permettent d’amĂ©liorer les conditions de travail du Parlement, notamment en amont des dĂ©bats sur les projets de loi de finances.
Comment jugez-vous le comportement du Sénat qui a refusé d’examiner le budget 2017 qualifié d’insincère ?
Le Sénat a déclaré insincère un budget qu’il n’a même pas examiné et dont il a refusé de débattre. Ce n’est pas sérieux. Certains sénateurs se sont dits frustrés notamment de ne pas pouvoir discuter des mesures qui concernaient les collectivités territoriales, un sujet qui tient particulièrement à cœur de la Haute Assemblée. Ce n’est pas une bonne méthode.
Les collectivités locales auront-elles leur place dans la campagne électorale et dans la primaire de la gauche ?
Oui, bien sĂ»r. C’est prĂ©cisĂ©ment un des objectifs de mon engagement politique : savoir quelle est et quelle sera la place des territoires dans la RĂ©publique pour organiser les politiques publiques au service des habitants… Ce sont des thèmes que j’entends bien porter au dĂ©bat public. Pour la primaire organisĂ©e par ma famille politique, je souscris Ă la position de neutralitĂ© gouvernementale adoptĂ©e par le Premier ministre, Bernard Cazeneuve. Et naturellement, j’irai voter.
La non-candidature de François Hollande vous surprend elle ?
Je suis triste que la gauche ait collectivement empĂŞchĂ© le PrĂ©sident, qu’elle s’est choisi, de dĂ©fendre son bilan. Il est assez effarant de constater qu’il a fallu cette annonce pour que l’ensemble des actions et rĂ©alisations du quinquennat soit Ă©voquĂ©. La comparaison avec le projet de la droite sera finalement très Ă©clairante, particulièrement sur le sujet des collectivitĂ©s.
Avec 100 milliards d’euros d’Ă©conomies, qui auront pour consĂ©quence de rĂ©duire considĂ©rablement les moyens de l’Etat aux collectivitĂ©s, et la proposition de suppression de 30 000 communes, le candidat de la droite porte atteinte, par ses propositions, aux territoires. On s’aperçoit maintenant que la politique menĂ©e depuis 2012 a beaucoup de vertus. Et je me mettrai toutes mes forces dans la bataille pour qu’elle soit reconnue et poursuivie.
Avez-vous des regrets ?
Non, je ne suis pas sujette aux regrets. Un regret c’est un combat qu’on enterre et ce n’est pas ma philosophie! Je tenais beaucoup Ă certaines mesures que je porte depuis longtemps, par exemple celle sur l’assouplissement des AC, et je suis heureuse qu’elles aient Ă©tĂ© adoptĂ©es. Je continuerai Ă mener mes combats quelle que soit ma position future. Je considère que les Ă©volutions de fond vont dans le bon sens.
Franchement, quand j’ai dĂ©butĂ© en politique, en 2001, j’étais intimement persuadĂ©e du rĂ´le important des intercommunalitĂ©s. J’en ai d’ailleurs prĂ©sidĂ© une pendant 13 annĂ©es. Je me souviens de certaines rĂ©unions tendues, oĂą j’ai Ă©tĂ© sifflĂ©e parce qu’accusĂ©e de vouloir la mort de la commune. Alors que ce sont bien les Ă©lus municipaux qui prĂ©sident aux destinĂ©es des intercommunalitĂ©s. Aujourd’hui nos institutions locales reposent plus largement sur le couple rĂ©gions-intercommunalitĂ©s, c’est une belle Ă©volution, qui est saluĂ©e et partagĂ©e par la majoritĂ©s des acteurs locaux.
Cet article fait partie du Dossier
PLF 2017 : un budget d'ajustements
Sommaire du dossier
- Le CFL valide la répartition de la DGF 2017
 - Les lois de finances sont publiĂ©es : ce qu’il faut en retenir !
 - Estelle Grelier : « La pĂ©rĂ©quation est un marqueur de ce quinquennat »
 - PLFR 2016 : Pourquoi la réforme de répartition de la CVAE ne sera (probablement) pas votée
 - PLF 2017 : la dernière lecture Ă l’AssemblĂ©e Ă la loupe
 - PLF 2017 : pourquoi cette bataille sur les variables d’ajustements ?
 - L’AssemblĂ©e nationale adopte le budget 2017
 - PLF 2017 : interco, régions et péréquation revues par les députés
 - PLF 2017 : les députés modifient les crédits alloués aux collectivités
 - PLF 2017 : le relevé des articles intéressant les collectivités locales
 - PLF 2017 : Les maires ruraux dénoncent un texte « ruralicide »
 - PLF 2017 : les dĂ©partements et rĂ©gions crient au « hold up » !
 - PLF 2017 : entre baisse des dotations et retouches techniques
 - Budget 2017 : un objectif de +2 % pour la dépense locale
 - Estelle Grelier : « Un PLF 2017 plus solidaire et plus juste »
 - Ce qui vous attend dans le PLF 2017
 - Politique de la ville : l’exonĂ©ration de taxe foncière passe mal
 
Thèmes abordés
			
		
				
		
			
						
						
						
						

