L’article 23 octies va probablement être supprimé ce 20 décembre lors du vote du PLFR 2016. C’était pourtant un article plein de justice économique, portant sur une meilleure répartition territoriale de la CVAE entre activités de siège et unités de production.
Début décembre, la députée du Puy-de-Dôme Christine Pires-Beaune (PS), l’avait proposé en première lecture du PLFR 2016 avec un autre similaire des Radicaux de gauche. Ce texte permettait de rendre une part de la CVAE aux territoires où est effectivement produite la valeur quand celle-ci est souvent, par de pervers prix de cession – qui s’apparentent en fait à une sorte d’évasion fiscale infranationale – rapatriée vers les sièges sociaux.
Cette répartition actuelle tend à favoriser les grandes agglomérations où sont implantés les sièges sociaux (par exemple, l’Ile-de-France concentre 33 % des produits de CVAE pour seulement 29 % du PIB).
La députée a donc, contre l’avis du gouvernement, proposé de consolider les cotisations des entités d’un même groupe avant de procéder à la répartition du produit global entre l’ensemble des établissements des entités d’un même groupe.
Ma cassette ! ma cassette !
Mais dès la discussion au Sénat, vendredi 16 décembre, le sort de cet amendement paraissait scellé. A l’heure où les parlementaires des régions étaient déjà rentrés dans leurs circonscriptions, les Parisiens ont laminé le texte. Le sénateur de Paris David Assouline (PS) a ouvert le feu :
Les effets de la révision proposée pourraient s’avérer massifs, plus de la moitié du produit de la CVAE résultant de groupes. Cet article pourrait donc [ …] particulièrement défavoriser les collectivités de la région d’Île-de-France. N’agissons pas sans évaluation ; reprenons les choses calmement. Les collectivités ont besoin de stabilité et de lisibilité.
Le sénateur Albéric de Montgolfier (LR), rapporteur général de la commission des finances du Sénat a emboîté le pas de son collègue socialiste en demandant un report à 2018 de cette mesure qui concernerait selon lui « 8 milliards d’euros » de produit de CVAE.
Le gouvernement s’est rangé à cette demande de procrastination répétée sur ce sujet et va demander cet après-midi de supprimer cet amendement au motif que « l’impact de ce dispositif pour les collectivités ne pourrait être mesuré ».
Impact déjà connu
« Faux » ! avait pourtant rétorqué dès le 16 décembre au Sénat, Charles Guené (LR), vice-président de la commission des finances du Sénat, à ceux qui exigeaient des simulations avant de se prononcer. Le sénateur de la Haute-Marne, qui dépose un amendement similaire depuis 5 ans, argumente :
J’entends toujours la même chanson : nous n’avons pas fait d’études, c’est impossible ! Mais nous savons très bien que cette mesure entraînera un écart de l’ordre de 3 %. Je ne pense pas que cela provoquera un séisme en Île-de-France.
« On ne peut faire attendre les gens éternellement en leur promettant des études ou des simulations qui n’arrivent jamais. Dans certains cas, il faut adopter de telles mesures pour débloquer les situations », embraye Michel Bouvard, sénateur (LR) de Savoie.
« Tous les élus locaux ont eu le temps de s’apercevoir qu’ils souffraient d’une déperdition de la CVAE des groupes. Nous le savons très bien. L’amendement (visant à supprimer celui de Christine Pires-Beaune, ndlr) est un amendement de protection de la rente ! »
Arguments fallacieux
Si l’absence d’étude ne suffit pas à convaincre, le gouvernement a d’autres arguments pour aboutir à la suppression de l’article 23 octies : les villes qui accueillent les sièges sociaux ont aussi des charges de centralité. Il serait donc « injuste de les priver de cette contribution » (sic). De plus, rappelle-t-il « les fonds de péréquation existent déjà afin d’équilibrer la répartition de la CVAE entre territoires ».
Or, les nouveaux modes de répartition de ces fonds prévus dans le dernier PLF pourraient enfoncer un coin à cet argument : les territoires où sont implantés les plus importants sièges sociaux comme les Hauts-de-Seine sont aussi ceux qui échappent en partie aux nouveaux dispositifs de péréquation prévus par l’exécutif.
En effet, ils n’ont pas de DCRTP, une dotation incluse pour la première fois dans ce PLF dans les variables d’ajustement, destinée justement à abonder le renforcement de la péréquation voulue par le gouvernement.
L’article 23 octies aura donc bien du mal à trouver une majorité à l’Assemblée nationale pour la lecture finale du texte. A moins d’un réveil des députés provinciaux…
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