Quelle analyse faites-vous de la situation en matière de gouvernance des politiques d’emploi ?
Les rĂ©gions ont gagnĂ© une capacitĂ© d’action, mais il n’y a pas de rupture forte car les compĂ©tences sont toujours partagĂ©es avec l’Etat, les filières industrielles et les entreprises. Davantage que la loi « Notre », c’est le plan « 500 000 formations » pour les chĂ´meurs qui permet aux rĂ©gions de mettre un pied dans la compĂ©tence « emploi », en devenant chefs de file pour des dispositifs de formation habituellement traitĂ©s par PĂ´le emploi.
Mais cela reste une expĂ©rimentation relativement marginale au regard des dĂ©fis posĂ©s par le chĂ´mage de longue durĂ©e. La formation professionnelle reprĂ©sente entre 30 et 35 milliards d’euros en France chaque annĂ©e, sans qu’il y ait vĂ©ritablement de chef de filat. Nous sommes dans un système d’action très fragmentĂ©, et ce ne sont pas les dernières lois qui vont vĂ©ritablement changer la donne. Encore une fois, on reste au milieu du guĂ©.
Que faudrait-il faire pour que le système soit plus efficace ?
Il faudrait vraiment relier la formation professionnelle aux filières Ă©conomiques, pouvoir fermer certaines formations sans dĂ©bouchĂ©s. Les rĂ©gions cherchent bien entendu Ă le faire, mais doivent toujours obtenir l’accord du rectorat, ou de tel ou tel service de l’Etat. Quelle idĂ©e d’avoir sĂ©parĂ© emploi et formation ! On ne peut pas imaginer une Ă©conomie de la connaissance sans un accompagnement par la formation professionnelle extrĂŞmement puissant. Il y aurait besoin d’un opĂ©rateur unique, d’une autoritĂ© organisatrice de l’emploi et de la formation sur le territoire. Les rĂ©gions la rĂ©clament depuis vingt ans ! Mais on n’en voit pas la couleur car les ministères de l’Emploi et des Affaires sociales y perdraient du pouvoir.
Quels seraient les avantages de rĂ©gions politiquement responsables de l’emploi ?
On pourrait comparer les taux de chĂ´mage et d’employabilitĂ© d’une rĂ©gion Ă l’autre. Il y aurait une Ă©mulation saine entre les prĂ©sidents de rĂ©gion qui seraient en mesure de rendre des comptes sur le chĂ´mage. Quand on est un Ă©lu, Ă l’Ă©chelle d’une grande rĂ©gion, on a la capacitĂ© de rĂ©unir les agences de PĂ´le emploi, les grandes filières industrielles et du service, les responsables de la formation professionnelle et continue, de l’apprentissage. On a besoin d’une responsabilitĂ© politique forte pour faire bouger les lignes. Si les prĂ©sidents de rĂ©gion veulent exister, il faut qu’ils se positionnent sur ce terrain-lĂ . Nous en prenons le chemin, mais trop lentement. J’espère qu’il ne sera pas trop tard dans vingt ou vingt-cinq ans…
Une nouvelle sociologie du fait régional
Romain Pasquier propose dans cet ouvrage une nouvelle sociologie du fait rĂ©gional. Il y analyse les mutations de la gouvernance publique Ă l’Ă©chelle des territoires, auxquels la mondialisation et l’intĂ©gration europĂ©enne fournissent de nouvelles ressources politiques. Il offre enfin une perspective inĂ©dite sur la France contemporaine, oĂą les acteurs territoriaux jouent un rĂ´le grandissant dans la rĂ©gulation publique.
« Le Pouvoir régional. Mobilisations, décentralisation et gouvernance en France », Paris, Presses de Sciences-po, 2012
Cet article fait partie du Dossier
Emploi : collectivités et entreprises font cause commune
Sommaire du dossier
- Pour l’emploi, collectivitĂ©s et entreprises font cause commune
- Contre le chĂ´mage, un dĂ©fi collectif pour l’Etat et les collectivitĂ©s
- Pour l’emploi, une Ă©quipe dĂ©diĂ©e orchestre l’accompagnement des entreprises
- Les comités régionaux de l’emploi font peau neuve
- « Les Ă©changes entre PĂ´le emploi et les collectivitĂ©s sont constructifs »
- « Chacun doit pouvoir participer au processus de dĂ©cision » – Stessy Marcelin
- Le plan « 500 000 formations », une aubaine pour les régions
- Politiques pour l’emploi : la formation, une compĂ©tence chamboulĂ©e
- Des plans d’action pour l’emploi qui s’adaptent Ă la rĂ©alitĂ© des territoires
- Les régions mobilisées pour booster l’apprentissage
- Emploi : la lente montée en puissance des régions
- La bataille des maires contre le chĂ´mage
- Politiques pour l’emploi : les collectivitĂ©s, incontournables sur l’insertion et l’accompagnement
- Politique pour l’emploi : travailler sur le terrain, au plus près des entreprises
- Les contrats d’avenir : adoptés, mais pas pérennisés
- Emploi : « On a besoin d’une responsabilitĂ© politique forte pour faire bouger les lignes »
- Pour lier développement économique, emploi et formation, les régions ont des idées
- Un service « emploi » municipal qui met en contact entreprises et chômeurs
- DĂ©sindustrialisation : ces collectivitĂ©s qui tentent d’Ă©teindre l’incendie…
- Emploi : communes et intercommunalités misent sur la proximité