Logorrhée
Depuis longtemps, chacun y est allé de son bon mot : « logorrhée », voire « incontinence normative ». Un leitmotiv consensuel dont le gouvernement, qui a fait du choc de simplification l’un de ses chevaux de bataille, a su s’emparer. Rapports parlementaires, commissions diverses – dont l’une devait présenter régulièrement son « tableau de chasse » des normes absurdes ! -, circulaires et édiction de principes « plein de bon sens » (une norme créée égale une norme supprimée)…
On ne compte plus les nombreux rapports, recommandations, projets ou propositions de loi (si bien que l’une pouvait être intégrée par voie d’amendement dans l’autre !). « On se demandait qui avait la main sur le gouvernail ! », lance Samuel Dyens, président de l’Association nationale des juristes territoriaux, lors de la table ronde organisée par « La Gazette ».
Admettons, avec Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la Décentralisation, qu’une voie nouvelle est ouverte, avec un dispositif clair et « simplifié ». Vraiment ?
L’adaptabilité à la rescousse
Le doute subsiste. Les moyens du nouveau conseil d’évaluation des normes, aux missions étendues, et ceux du médiateur, seront-ils en mesure de traiter les remontées du terrain ? Plus encore, pourquoi créer en parallèle, comme l’a annoncé Cécile Duflot, alors ministre du Logement, un conseil supérieur de la construction, chargé peu ou prou des mêmes missions sur son champ ministériel ? Faudra-il autant de commissions de simplification que de champs normatifs ?
Attention de ne pas rajouter de la complexité à la simplification ! Un autre enseignement de notre table ronde, c’est qu’à côté des administrations centrales, productrices de normes « hors des réalités du terrain », les collectivités, atteintes de « schizophrénie normative » et à la recherche de sécurité juridique, ajoutent de la complexité à la complexité.
Elles pourraient ainsi ne pas s’emparer de nouvelles marges de manœuvre et jouer le statu quo. Enfin, prévue dans le second projet de loi de décentralisation, l’« adaptabilité locale de la norme » reste suspendue à une validation constitutionnelle. Une notion absconse qu’un appel au « bon sens » ne semble pas suffire à éclaircir.