S. Gautier
Le débat sur l’inflation normative et le coût insupportable des normes, parfois absurdes, imposées aux collectivités territoriales, n’a cessé de prendre de l’ampleur. Avec la mise en place imminente du Conseil national d’évaluation des normes et la création du médiateur des normes applicables aux collectivités territoriales, le nouveau dispositif est évalué. Est-ce la fin d’une calamité dénoncée par tous ? La Gazette a organisé une table ronde avec Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée à la Décentralisation, Alain Lambert, nouveau médiateur des normes, Jean-Pierre Auger, président de l'AITF, et Samuel Dyens, président de l'association nationale des juristes territoriaux.
Ma Gazette
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Inflation des normes : peut-on dégonfler le mammouth ?
- De nouveaux outils contre l’inflation des normes
- La place des collectivités dans l’élaboration des normes
- Une responsabilité partagée
- La piste de l’adaptabilité
1 – De nouveaux outils contre l’inflation des normes
Avec l’institution d’un médiateur des normes, le dispositif de lutte contre l’inflation normative est-il achevé ?
Anne-Marie Escoffier (A.-M. E.), ministre déléguée chargée de la Décentralisation : Le poids des normes est devenu insupportable. Nous sommes tous parvenus à un point de conscience. Les acteurs du terrain, les élus locaux, mais aussi les citoyens, nous y ont poussés. La loi du 17 octobre 2103 a donc créé le nouveau conseil national d’évaluation des normes (CNEV). Le décret d’application est en cours de signature. Le tout récent médiateur des normes , créé par le décret du 7 mars 2014, sera un facilitateur, dont la mise en place avait été annoncée par le Premier ministre lors du Congrès des maires de novembre 2013. Cela a donc été rapide. Alain Lambert, depuis des mois et des mois, n’a eu de cesse d’essayer d’améliorer le dispositif. Une porte nouvelle s’ouvre. Demain, les élus locaux et les citoyens pourront faire remonter leurs attentes.
Alain Lambert (A.L.), médiateur des normes, Président du Conseil général de l’Orne : Alors même que certaines administrations prescriptrices de normes n’étaient pas spécialement demandeuses de l’instauration d’un médiateur des normes, les outils sont désormais en place. C’est un dispositif « top/ down » et « bottom/up » bien conçu.
Le conseil national d’évaluation des normes (CNEN) remplacera très prochainement la commission consultative d’évaluation des normes (CCEN), avec des pouvoirs élargis. Le dispositif est complémentaire. Le CNEN examinera, dans le prolongement de la CCEN, les normes produites par les administrations centrales. Le médiateur aura, lui, à connaître des difficultés d’application des normes qui remonteront du terrain. Avec les pouvoirs qui lui sont conférés, le médiateur s’adressera aux administrations centrales pour trouver des solutions concrètes et pratiques. Certes, on peut toujours concevoir un dispositif plus étoffé encore, mais il ne faudrait pas non plus aboutir à un dispositif de rationalisation des normes trop complexe.
A.-M. E. – Le médiateur, en l’occurrence M. Lambert, est aussi un expert. Cette expertise va encore améliorer sa mission. Le conseil national d‘évaluation des normes est un organe nécessaire et autonome.
Samuel Dyens (S. D.), DGA du Gard, président de l’Association nationale des juristes territoriaux (ANJT) : Jusqu’à présent, on pouvait se demander, s’agissant de la lutte contre l’inflation normative, qui avait la main sur le gouvernail. La question globale du pilotage de la simplification avait de quoi inquiéter, avec un nombre considérable d’intervenants, qu’il s’agisse des deux assemblées parlementaires, avec des propositions de lois et des rapports multiples, ou d’autres instances administratives. Nous pouvions avoir, de l’extérieur, l’impression que tout le monde partait à la bataille, mais en ordre dispersé et sans cohérence.
La désignation d’un médiateur qui, par ailleurs, préside aussi le conseil national d’évaluation des normes, est de nature à assurer cette nécessaire cohérence. Et à rassurer sur le diagnostic et les solutions qui pourront être trouvées. La faculté qui est désormais ouverte aux collectivités territoriales de saisir le médiateur, par l’intermédiaire du préfet, de façon ouverte, sans filtre et sans délai, est de bon augure. Cela répond à un besoin d’un vrai interlocuteur. Mais le nombre de saisines devrait être considérable, ce qui pose la question des moyens pour y répondre.
Comment jugez vous les moyens du médiateur ?
Jean-Pierre Auger (J.-P. A.), DGS de Reims, président de l’Association des ingénieurs territoriaux de France (AITF) : C’est la vraie question. Ces nouveaux outils sont intéressants et il était indispensable que le médiateur ne soit en effet pas issu des administrations centrales. Mais pourquoi sa mission est-elle limitée à un an ? Comment rentrera-t-il dans le vif du sujet ? Comment ne serait-il pas très rapidement submergé ? En quoi un médiateur pourra –t-il se révéler efficace face à l’importance de sa mission ?
A.L.– C’est la classique vision d’un verre à moitié plein ou à moitié vide ! Personnellement, je suis très optimiste. S’agissant des moyens, lorsque nous avons créé la CCEN, il y avait aussi beaucoup de doutes. Mais elle a trouvé toute sa place et plus personne ne considère qu’elle est inutile. Car justement, nous avons essayé de concilier un niveau d’expertise élevé et une capacité à recueillir les expériences concrètes de terrain.
S’agissant du travail du médiateur, je considère que les administrations prescriptrices seront son meilleur interlocuteur, ces administrations qui, en toute bonne foi, ont cru que leurs règles pouvaient s’appliquer de manière uniforme sur tous les points du territoire. Il sera très précieux pour elles de découvrir les difficultés et elles libéreront du temps et des agents pour examiner et trouver les adaptations nécessaires. Elles pourront y trouver satisfaction d’avoir un retour sur leur travail.
S’agissant de la durée de la mission de la médiation, fixée à un an, c’est un principe auquel nous tenons : on ne peut pas à la fois se plaindre qu’il y a trop de normes inutiles dans notre pays et, en même temps, créer un outil ad vitam aeternam et le laisser perdurer, quand bien même il ne servirait à rien ! Nous avons voulu nous soumettre au jugement des collectivités territoriales : si au bout d’un an, cette organisation n’a pas porté ses fruits, il n’y aura pas de raison de la maintenir
2 – La place des collectivités
Les collectivités seront-elles plus associées dans l’élaboration des normes ?
Jean-Pierre Auger (J.-P. A.) – Nous souffrons, localement, des réponses des préfectures et des sous-préfectures. Certains courriers sont perturbants. Et certaines interprétations locales sont confuses voire erronées. Notre association, avec ses 5000 adhérents, remonte déjà aux ministères concernés de nombreuses difficultés. Mais sans succès. Avec qui le médiateur, concrètement, travaillera-t-il pour dénouer les problèmes ? Il faut être au cœur de la vie de la norme pour la comprendre et trouver des solutions ! Et ceux qui créent les normes sont bien éloignés du terrain !
Anne-Marie Escoffier (A.-M. E.) – J’entends vos observations sur le manque d’interlocuteurs dont pâtissent les collectivités territoriales. Il est vrai qu’ aujourd’hui, nous rencontrons parfois des difficultés à favoriser ces échanges. C’est pourquoi nous voyons d’abord dans le médiateur une instance d’écoute. Il n’est pas là, contrairement à ce qui vient d’être dit, pour résoudre les problèmes, mais pour entendre, solliciter et trouver des voies de solutions. Cela prendra du temps. Mais nous disposons enfin d’un réseau d’alertes que les collectivités n’hésiteront pas à solliciter.
Et je vous confirme qu’effectivement, le préfet ne sera en rien un obstacle à la remontée de ces alertes, bien au contraire. Il est un point de convergence : plus qu’un intermédiaire, il est un appui.
Comment renforcer la participation des collectivités territoriales ?
Alain Lambert (A.L.) – La CCEN continue d’observer que dans de nombreux cas, si les collectivités territoriales avaient été saisies, le dialogue aurait pu s’engager de façon plus constructive entre les administrations centrales, qui ont une approche théorique, et les administrations territoriales, qui ont, elles, parfois une approche plus pratique et parfois trop centrée sur des problèmes particuliers. Il faut trouver le bon emboitement entre les deux. Il serait souhaitable qu’au plan local un réseau informel s’organise pour formuler des propositions et les faire remonter. Une coproduction normative qui aurait toutes les chances d’être la plus appropriée aux besoins. La norme moderne sera celle qui sera produite conjointement entre les administrations centrales et les collectivités territoriales.
Un des rêves de la CCEN, et demain du CNEN, serait que les collectivités territoriales proposent des normes auxquelles elles ont songé, sous forme de guides pratiques et de les faire valider. L’idée, c’est ensuite d’obtenir des administrations spécialisées une sorte de « label ». Ce serait le début d’une réglementation issue du terrain, alternative efficace à une production exclusivement issue de l’Etat.
J.-P. A. – Il est difficile et coûteux pour une association bénévole, même aussi importante que l’AITF, de participer à des instances « normatives », type AFNOR. Nous avons demandé, sans succès jusqu’à présent, à l’AMF de nous y aider, pour assurer une présence politique et technique dans l’élaboration des normes. L’Afnor souhaite notre présence. Elle subit des lobbyings, ce qui en soi est normal, mais il n’existe pas de contrepoids ou de « répondant ». Or l’expérience des collectivités est essentielle. Je m’étonne, par exemple, que la nouvelle réglementation des DT – DICT soit sortie sans que les retours d’expériences des collectivités aient été mis à profit ! Chacun doit devenir acteur de la norme et de la réglementation.
Anne-Marie Escoffier (A.-M. E.)– Les administrations ont quand même des relais ! C’est aussi le rôle des parlementaires d’exprimer les besoins. Toutes les associations d’élus sont des relais. Nous nous appuyons aussi sur les associations d’ingénieurs et des directeurs généraux ! Nous ne partons pas de rien et il existe de nombreux lieux de réflexion. Que des erreurs et des maladresses soient commises, et que l’on ne soit pas allé au bout des expérimentations, je veux bien le reconnaître et le regrette. Je fais mon mea culpa au nom du gouvernement !
Pour demain, le nouveau CNEV dispose de pouvoirs bien accrus. Il sera saisi par les parlementaires, les groupes politiques, eux-mêmes saisis par « le terrain » et les citoyens. Nous sommes en mesure de faire remonter les besoins, de signaler les problèmes. Dès lors, je ne vois pas pourquoi on ne parviendrait pas à ouvrir un dialogue cohérent et profitable. Le médiateur des normes nous y aidera. Il y a une volonté absolue, et les nombreux textes et engagements pris, en témoignent, de prendre à bras le corps le problème de l’inflation normative.
3 – La responsabilité des collectivités
Les collectivités ont-elles une part de responsabilité dans l’édiction des normes abusives et/ ou coûteuses ?
Anne-Marie Escoffier (A.-M. E.) – En matière de simplification, il faut cesser d’opposer Etat et collectivités. Nous ne sommes qu’un. Il s’agit de l’Administration publique, qui doit répondre aux besoins et attentes des citoyens. Quant à ce paradoxe de la norme, contraignante mais protectrice, nous sommes en effet tous à la recherche de responsabilités nouvelles, mais avec la constante préoccupation de se protéger. Ce principe de précaution se retrouve dans tous les textes.
Jean-Pierre Auger (J.-P. A.) – La difficulté majeure, en amont et au-delà des outils, c’est que bien souvent, lorsque des possibilités et des procédures souples sont offertes, et je pense notamment au code des marchés publics, des règles internes sont créent pour rendre les choses encore plus complexes, pour « se protéger » ! Pour simplifier, il faut que tout le monde se sente concerné et responsable. Et là, il ne s’agit plus des administrations centrales, mais des administrations locales ! La simplification, cela passe d’abord par la responsabilisation de tous les services !
Samuel Dyens (S. D.) – Je partage en partie ce constat d’une frilosité, au niveau local, à faire jouer toutes les souplesses que propose déjà la réglementation. L’association nationale des juristes territoriaux (ANJT) constate, de façon générale pour toute la politique de simplification, une approche quelque peu schizophrénique de la norme chez certains élus. D’un côté, la normé étouffe et empêche d’agir ; d’un autre côté, lorsque que l’on propose des solutions plus souples, moins normées, c’est la peur du risque et du juge qui prend le pas. Il faut de la pédagogie de la responsabilité à inculquer sur le long terme aux fonctionnaires et aux élus, pour éviter que la chaîne hiérarchique ne devienne une chaîne de déresponsabilisation. Il va falloir bien expliquer comment utiliser les marges de manœuvre nouvelles issues de la simplification.
Alain Lambert (A.L.) – Le progrès sur la simplification ne peut pas dépendre exclusivement des administrations centrales, quand bien même elles doivent donner l’exemple. Elus et administrations locales doivent impérativement prendre la mesure de leurs responsabilités. Les administrations territoriales ne doivent pas en rajouter en se croyant toujours sous la tutelle de l’Etat et menacées de tous les contentieux. Je n’évalue, sur une échelle de 100, qu’à 60 %, la part de responsabilité des administrations centrales dans les excès normatifs. Le reste provient de l’excès de résignation des collectivités territoriales.
S’agissant de savoir si cela relève des élus ou de leur administration, je pense que cela relève d’une situation de comportements très variables. Il y a un équilibre à trouver. Les administrations centrales, dans notre pays historiquement centralisé, ont toujours prescrit pour l’Etat et les collectivités et l’on considère généralement que la parole de l’Etat est protectrice. C’est une erreur.
Exercer l’action publique locale et revendiquer l’autonomie locale, c’est engager sa propre responsabilité. En ce sens, j’ai proposé la dépénalisation de l’action publique locale. La pénalisation aboutit à la tentation de se protéger.
La peur du juge est une cause de complexité supplémentaire ?
S. D.– Le risque pénal est, à côté de l’élément financier, une épée de Damoclès, plus ou moins réelle d’ailleurs. Mais c’est en effet souvent une vraie source de difficultés, sauf à avoir créé une relation de confiance avec l’exécutif territorial, pour aller vers des dispositifs assouplis du point de vue des formalités. Indépendamment de la difficulté à faire passer dans l’opinion publique une telle volonté, la dépénalisation de l’action publique est l’un des principaux ingrédients pour que la politique de simplification réussisse. Il faut retirer de l’anxiété et ajouter de la confiance pour utiliser à plein de nouvelles marges de manœuvre, portées par l’Etat. La « technostructure territoriale » aura tout intérêt à se saisir de cette opportunité, en accompagnant et en sécurisant les élus et services.
A.L. – Il s’est en effet développé une « mystique » de la responsabilité pénale et plus particulièrement en matière de marchés publics. Ce n’est plus du droit, mais une sorte de religion au sein de laquelle, la recherche du « Beau », du « Bien » du « Parfait »est telle que pour y parvenir, il faut faire compliqué et couteux ! C’est insupportable.
Il est par ailleurs intéressant de rapprocher les notions de norme et d’assurance. La préoccupation des élus et de l’administration, c’est de se protéger. Vouloir se protéger à tout prix avec les procédures les plus lourdes et les plus complexes engendre des coûts. C’est un état regrettable de cette période qui consiste à rejeter responsabilité sur ses voisins…
4 – La piste de l’adaptabilité des normes
L’adaptabilité des normes, est-ce la solution miracle ?
Alain Lambert (A.L.) – J’ai la conviction très profonde que la France, pour des raisons historiques, ne parvient toujours pas à reconnaître la diversité des territoires, alors qu’elle constitue une valeur. Pour que la France soit unitaire, il a fallu casser sa diversité. Mais ensuite on n’a pas su tirer les conséquences de cet acte majeur qu’est la décentralisation. Nous devons enseigner, à nos politiques, à nos administrations, que la diversité des territoires est une chance pour la France. Loin d’en être antinomique, elle est fondatrice de son unité. La diversité du territoire appelle une adaptabilité du droit. Le tronc commun des grands principes généraux doit connaître des modalités d’applications différenciées selon la nature des territoires.
Anne-Marie Escoffier (A.-M. E.) – La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) du 27 janvier est la seconde grande loi de décentralisation. Elle travaille sur les trois principes de base. Le premier, c’est l’unité de la Nation. Le deuxième, c’est la reconnaissance de cette diversité des territoires. Le troisième principe, c’est celui de la subsidiarité, c’est-à-dire « laisser faire qui peut faire ». La loi Maptam donne enfin aux trois niveaux de collectivités la possibilité de dialoguer entre elle au sein des conférences territoriales de l’action publique (CTAP).
Il faut cependant que l’adaptabilité ne heurte pas la Constitution. Elle doit être prévue par la loi, ou les lois, selon les cas, au regard de la double condition qu’elle pose pour l’expérimentation : d’abord, le territoire doit être véritablement distinct des autres, avec des problématiques spécifiques ; ensuite, rien n’interdit des expérimentations, sous réserve qu’elles soient par la suite généralisables à l’ensemble du territoire. Nous pouvons donc dans chaque loi particulière prévoir des dispositions autorisant la reconnaissance d’une singularité propre à chaque territoire.
Jean-Pierre Auger (J.-P. A.) – Cela peut effectivement fonctionner si, localement, on s’approprie le principe et l’on en accepte la responsabilité véritable. Chaque norme doit pouvoir être adoptée à son environnement et à son usage.
Concrètement, qu’est-ce que l’adaptabilité ?
A.-M. E. – La loi arrêtera les principes de base, étant entendu qu’il sera possible de lui trouver une application qui répondra aux contraintes et spécificités locales. En matière d’accessibilité, nous avons ainsi trouvé des modalités d’assouplissement sur les délais de mise en œuvre, afin qu’au niveau local, elle puisse s’appliquer. Il faut ainsi, dans l’esprit de la loi, faire appel au bon sens.
A.L. – Il y a deux aspects dans l’adaptabilité. Le premier concerne l’écriture des textes : trop détaillés, leur application est ponctuelle. Il faut désormais une écriture de textes plus générale, qui fait effectivement appel au bon sens, dans le cadre des principes posés par la loi et le règlement. Les auteurs du code civil avaient mis en garde le législateur sur le fait que s’il légiférait par le détail, il rendrait la vie impossible aux Français ! De même, en voulant réglementer par le menu détail, on rend la vie insupportable aux collectivités territoriales. Historiquement, cela s’explique par le fait qu’auparavant, ces dernières étaient soumises aux administrations centrales qui en contrôlaient l’application. Mais cela est fini, le luxe de détail n’a plus de justification.
Autrement dit, on ne peut ouvrir la porte de l’adaptabilité en maintenant une prescription initiale avec un luxe de détails. L’adaptabilité, cela signifie que le législateur précise l’adaptation des textes au regard de certains critères. Ce n’est pas la réponse à des cas particuliers, mais à des cas généraux « localisés ». Il faut en effet que l’adaptabilité concerne un nombre de cas suffisants pour que cela ait du sens.
Samuel Dyens (S. D.) – Il faut effectivement distinguer deux significations de la notion d’adaptabilité. La première fait appel au bon sens dans la mise en œuvre d’une norme, en général technique, qui a fixé les principes et un résultat à atteindre. C’est une logique de modulation de la norme.
La seconde, plus délicate, consiste à donner une capacité aux acteurs locaux à produire des règles juridiques adaptées aux spécificités locales. L’adaptabilité est alors un processus de production de normes. C’est prendre en compte un certain nombre de situations locales particulières, tout en restant respectueux du principe d’unité de la République. C’est déjà le cas par exemple des aides aux entreprises. C’est le conseil régional qui détermine, dans le cadre de sa compétence légale, les catégories d’aides qui seront mobilisées, en fonction du contexte géographique, démographique, social ou économique.
A.L. – Il ne faut pas confondre les deux concepts de régularité et de qualité. La régularité est binaire. La qualité ne se mesure pas de la même façon. C’est abscons, mais encore une fois, parce que les textes le sont.
J.-P. A. – L’adaptabilité est une notion particulièrement complexe à expliquer. Mais en réalité, elle se pratique déjà, sans que l’on en parle. Les Feder en sont l’exemple le plus abouti.
A.-M. E. – Notre repère doit être le citoyen. On reproche au gouvernement de préparer un nouveau texte de décentralisation qui permettra aux régions de vivre à des rythmes qui seront les leurs. C’est justement répondre aux besoins locaux. Dans tous les cas, l’ensemble des citoyens doivent avoir les mêmes moyens, même si les dispositifs sont différents, sans favoriser tel ou tel territoire, telle ou telle collectivité. C’est tout l’objet du projet de loi sur l’égalité des territoires en cours de rédaction.
Nous sommes parvenus à un état de maturité, qui nous oblige à nous repenser, non pas vis-à-vis des outils, mais vis-à-vis des hommes et du citoyen.
Normes : le médiateur est nommé
Institué auprès du Premier ministre par le décret n° 2014-309 du 7 mars 2014, pour une durée d’un an, un médiateur des normes applicables aux collectivités territoriales, nommé par décret. Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent saisir le médiateur, par l’intermédiaire du préfet de département, des difficultés qu’ils rencontrent dans la mise en œuvre de lois ou de règlements. Le préfet transmet sans délai la saisine au médiateur. Le médiateur peut, en tant que de besoin, faire appel aux services des ministères concernés pour l’instruction des dossiers dont il est saisi. Lorsqu’il l’estime justifié, à l’issue de l’instruction des dossiers, le médiateur adresse une recommandation aux administrations concernées. Il est informé des suites données à cette dernière. Le médiateur remet au Premier ministre un rapport annuel dans lequel il établit le bilan de son activité et formule des propositions de nature à améliorer la mise en œuvre des lois et règlements par les collectivités territoriales et leurs groupements. Ce rapport est rendu public.
Il faudrait aussi faire un grand ménage dans les textes existants et qui n’ont plus de raison d’être quand ils ne contredisent d’autres qui leur sont postérieurs (les maires, par exemple, devraient toujours porter un chapeau à plumes noires imposé par un décret de … 1852 ou, récemment, l’emploi par la SNCF d’un texte de 1942 interdisant les nuisances sonores dans les lieux publics pour pénaliser le porteur d’un MP3 : les techniques ont beaucoup évolué depuis la dernière guerre mondiale !)