Et de trois ! Après une première circulaire relative à l’accélération des procédures pour faciliter la reconstruction, un projet de loi également relatif à l’accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis, vient le temps du financement de la reconstruction. C’est chose faite avec la publication, le 13 juillet, d’une circulaire adressée aux préfets. Le texte vise à accompagner les collectivités pour les dégâts et dommages contre leurs biens résultant des violences urbaines survenues depuis le 27 juin dernier.
Il invite « les préfets à être les plus présents possible auprès des élus des collectivités concernées » afin d’accompagner financièrement ces dernières dans la réparation et la reconstruction de leurs biens endommagés.
Guichet unique
Les préfets sont tout d’abord invités à mettre en place un guichet unique « destiné à accompagner de manière rapprochée les collectivités concernées ». Il doit permettre aux collectivités d’accéder aux informations et dispositifs utiles pour accélérer la réparation des dégâts et la reconstruction des biens détruits. Il devra également assurer la pleine mobilisation de tous les services de l’Etat à cette fin.
Responsabilité de l’Etat
Selon l’article L.211-10 du code de la sécurité intérieure, « l’Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ».
Afin de bénéficier de l’application de cet article, la circulaire rappelle la distinction de deux cas de figure, car seul le premier permet l’application de la responsabilité de l’Etat :
- Celui d’une manifestation qui dégénère de façon spontanée, ses participants provoquant des dommages ;
- Celui d’un rassemblement prémédité et opportuniste de personnes sans lien avec une manifestation revendicative, dans le seul but de commettre des actions de saccage ou de pillage, que ces dommages aient lieu à l’occasion, en marge d’une manifestation, ou non.
De plus, la circulaire précise qu’« au regard du phénomène de violences urbaines observé depuis le 27 juin 2023, il semble possible de considérer, sous réserve d’un examen attentif des circonstances de chaque espèce, que si les dégradations commises dans le sillage des premiers rassemblements spontanés survenus le 27 juin peuvent être prises en charge au titre du régime de responsabilité de l’article L.211-10 du code de la sécurité intérieure, en revanche, les dégradations commises les jours suivants, et en particulier les pillages perpétrés en dehors de toute manifestation, ne présentent plus de lien avec des manifestations ou rassemblements mais présentent le caractère d’actions préméditées, n’ouvrant donc pas droit à indemnisation ».
Autrement dit, les collectivités peuvent engager la responsabilité de l’Etat mais uniquement sur les événements du 27 juin. Reste à savoir si le juge aura la même interprétation que le gouvernement.
Assurances
Autre levier que la circulaire invite à actionner : les contrats d’assurance souscrits pour se couvrir contre les dommages aux biens. Le texte gouvernemental rappelle que « cette prise en charge par les compagnies d’assurance garantit aux victimes de bénéficier rapidement des indemnisations qui leur sont dues puisqu’elle n’est soumise à aucune discussion juridique quant au fondement de responsabilité. Elle n’exclut pas la mise enjeu de la responsabilité de l’État par les assureurs, dans le cadre d’un recours subrogatoire ».
La circulaire insiste également sur les mécanismes de franchise qui peuvent conduire à différents niveaux de prise en charge, telle que l’absence de couverture en deçà d’un certain montant ou une prise en charge intégrale au-delà. Les collectivités sont invitées à faire rapidement un point, bien par bien, avec leur assureur.
Fonds dédié
Un fonds dédié sera créé sur le programme 122 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour contribuer au financement du reste à charge après assurance.
Ce fonds est attribué par le préfet de département sous la forme de subventions pour la réalisation d’investissements, dans les conditions prévues par le décret n°2018-514 du 25 juin 2018 relatif aux subventions de l’Etat pour des projets d’investissement.
Y sont éligibles les communes, leurs groupements, les départements et les régions. Il vise les dégâts causés sur l’ensemble des biens des collectivités, à l’occasion et en lien direct avec les violences urbaines survenues après le 27 juin 2023.
Toutefois, seules les dépenses de réparation des dégâts dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par la collectivité ou le groupement intéressé peuvent donner lieu à l’attribution de subvention par le fonds.
La prise en charge par le fonds se fait à l’exclusion des dépenses de sécurisation des bâtiments des dépenses allant au-delà de la seule réparation des dégâts et des dépenses de remise en état des équipements de vidéoprotection. Pour ces dépenses, les outils de financement de droit commun pourront être mobilisés, en particulier le FIPD pour les dégâts causés aux dispositifs de vidéoprotection et les dépenses de sécurisation allant au-delà de la simple réparation des dégâts et certaines dotations (DETR, DSIL, DPV, DSlD) pourront contribuer à subventionner les projets d’investissement selon les règles de droit commun.
La circulaire détermine l’assiette de la subvention comme égale au montant hors taxes des travaux de réparation des dégâts, le cas échéant nette des primes d’assurance, en tenant compte de leur état et de leur niveau d’entretien à la date de l’événement. Dans le cas de travaux de réparation intégrant une modification de la consistance du bien, le montant de la subvention prend en compte les seules dépenses correspondant à la reconstruction à l’identique du bien à la date de l’événement, à l’exclusion de toute dépense d’extension ou d’amélioration.
Par dérogation à cette règle, lorsque le coût total des travaux de réparation intégrant des dépenses d’extension ou d’amélioration du bien est inférieur à celui de la reconstruction à l’identique à la date de l’événement, l’assiette de la subvention est égale au montant total de ces travaux.
Est également annoncée « d’ici la fin de l’année », une disposition législative pour permettre l’intervention du fonds dans des conditions dérogatoires aux dispositions de l’article L.1111-10 du code général des collectivités territoriales qui prévoit une participation minimale du maître d’ouvrage de 20 %.
Enfin, la circulaire fait état de la procédure de dépôt et d’instruction des demandes en précisant que les collectivités territoriales et groupements concernés ont jusqu’au 30 septembre 2023 pour adresser leur demande de subvention au représentant de l’Etat dans le département.
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