En quoi le rejet de la réforme des collectivités territoriales a-t-il favorisé votre victoire, le 25 septembre, à la tête du Sénat ?
Le président de la République a d’abord accusé les élus locaux d’être trop nombreux, trop dépensiers. Il s’est, ensuite, attaqué aux moyens des collectivités, sans aborder leurs compétences. Aucune association d’élus n’a trouvé grâce à ses yeux, pas même l’Association des maires de France (AMF) qui a su manifester un esprit d’indépendance. La réforme de la taxe professionnelle a constitué la faute majeure. En mettant à mal l’autonomie fiscale, elle a relégué les élus au rang de simples gestionnaires. Elle les a empêchés de déployer les politiques publiques locales. Cette brutalité a été très mal vécue lors de la campagne des élections sénatoriales. A droite aussi, d’ailleurs.
De quelle manière comptez-vous tisser de nouveaux liens avec les collectivités ?
Nous réunirons des états généraux pour faire avancer la démocratie territoriale. Les 550 000 élus locaux recevront, dans les toutes prochaines semaines, un questionnaire ouvert conçu par un comité de pilotage composé de représentants de tous les groupes du Sénat et présidé par Yves Krattinger (sénateur PS et président du conseil général de la Haute-Saône, ndlr). Des réunions se tiendront en début d’année dans toute la France. Six à sept forums interrégionaux recueilleront les principales doléances des acteurs locaux et leurs attentes. Au terme de la session parlementaire, prévu aux alentours des 23 et 24 février, les états généraux se tiendront au Sénat. Cette initiative s’adresse à tous, au-delà des clivages politiques.
Sur quels sujets porteront ces états généraux ?
Ils traiteront de toutes les questions auxquelles il n’a pas été apporté de réponse ces derniers mois : les compétences, les finances, la gouvernance territoriale, les relations avec l’Etat. Autant de pistes pour les candidats à l’élection présidentielle. Nous ne pourrons pas être d’accord sur tout. Mais des points de convergence vont émerger, comme en 2009, à l’époque du rapport (1) de Claude Belot (UMP, Charente-Maritime) coélaboré notamment par Pierre-Yves Collombat (PS, Var) et Yves Krattinger (PS), un rapport dont il aurait été utile que la réforme territoriale s’inspire.
Un consensus peut-il se dégager au sein même de votre parti ?
Les débats subsistent, par exemple sur l’élection au suffrage universel direct des présidents de communauté d’agglomération et de communauté urbaine. Mais nous sommes tous persuadés qu’il existe deux couples dans notre organisation locale : le premier, commune-département, porté sur la proximité, et le second, intercommunalité-région, qui joue un rôle stratégique.
La proposition de loi de Jean-Pierre Sueur, votée le 4 novembre par le Sénat, n’empêche-t-elle pas les élus de mettre en musique la nouvelle carte intercommunale ?
Nous sommes très clairs : nous sommes favorables à une rationalisation de cette carte. Là où les travaux ont été menés de manière consensuelle, la copie ne sera pas revue. Nous voulons simplement éviter des « accouchements au forceps ». Après notre entretien du 6 octobre, François Fillon a lui-même annoncé qu’il souhaitait une sorte de moratoire.
Philippe Richert, ministre chargé des Collectivités territoriales, a demandé aux préfets de lever le pied en cas de difficulté. Tout cela me fait dire que si nous n’avions pas remporté les élections sénatoriales, nous n’aurions pas eu de tels assouplissements. Néanmoins, le gouvernement a donné un avis défavorable sur la proposition de loi « Sueur ». Il appartient à l’Assemblée de se saisir, ou non, de ce texte.
Pour notre part, nous faisons avancer la cause des élus locaux. Nous contribuons, avec cette proposition de loi, à changer le climat.
Le maintien du conseiller général passe-t-il, selon vous, par un changement de mode de scrutin ?
Nous ne sommes pas des conservateurs. Nous sommes prêts à introduire une dose de proportionnelle dans le scrutin cantonal afin de garantir la diversité politique et la parité. Autant nous refusons la recentralisation de Nicolas Sarkozy, autant nous voulons parachever la décentralisation et assurer le principe d’égalité entre les territoires. La révision générale des politiques publiques (RGPP) a, hélas, conduit à éloigner les services publics des citoyens.
Quelle réforme de la vie publique souhaitez-vous ?
Je préfère parler de démocratie territoriale plutôt que d’acte III de la décentralisation. En ce sens, je suis partisan, par exemple, de nouvelles règles sur le cumul des mandats et d’un mode de scrutin des sénateurs qui, trente ans après la première loi de décentralisation du 2 mars 1982, prenne enfin en compte l’émergence des départements et des régions. Ce volet doit, si la gauche l’emporte, être traité dans les six à huit mois suivant l’élection présidentielle.
Quels principes doivent, selon vous, respecter la réforme fiscale ?
Notre projet, dans le droit fil des propositions des sénateurs socialistes Nicole Bricq (Seine-et-Marne) et François Marc (Finistère), repose sur la mise en place de l’autonomie et de la péréquation. Trop de départements ont été écartés de l’aide exceptionnelle concédée par l’Etat.
La péréquation ne peut pas, non plus, ne concerner que les collectivités entre elles. A côté de la péréquation horizontale, il doit exister une péréquation verticale. Il est important que l’Etat révise ses critères d’attribution de la dotation globale de fonctionnement.
Une part de la CSG doit être attribuée aux départements afin qu’ils puissent faire face à l’augmentation de leurs dépenses de solidarité. Enfin, les régions doivent retrouver de l’autonomie fiscale pour assumer leurs charges qui explosent, notamment dans le domaine ferroviaire.
Le Sénat soutient-il la création d’une agence de financement des collectivités ?
Après tout ce que l’Etat a fait subir aux collectivités, il est heureux qu’elles en prennent l’initiative. Dexia assurait 40 % de leurs encours. La Banque postale et la Caisse des dépôts n’en reprennent que 25 %. Par ailleurs, l’Etat a gelé les dotations aux collectivités, puis imposé un coup de rabot de 200 millions. Il baisse les montants du fonds de compensation de la TVA. De cette façon, il anticipe une baisse des investissements locaux. Nous allons déposer, dans le cadre du projet de loi de finances, des amendements qui remettent en cause la cure d’austérité imposée. Ne cassons pas les possibilités de relance. Donnons aux collectivités les moyens de se placer à l’avant-garde du soutien de l’activité économique.
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