Pourquoi les services déconcentrés de l’Etat sont-ils les premiers touchés par la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ?
Il ne faut pas confondre la diminution du nombre de structures et la diminution des effectifs. La diminution des effectifs de la fonction publique d’Etat a été répartie de manière équitable entre les différents niveaux administratifs : directions départementales, directions régionales, administrations centrales. Le conseil de modernisation des politiques publiques du 30 juin 2010 a d’ailleurs décidé que l’effort de productivité demandé aux administrations centrales soit proportionnellement plus important que celui demandé aux services déconcentrés.
Parallèlement, les services déconcentrés de l’Etat ont connu de profondes réorganisations avec la mise en œuvre de la réforme de l’administration territoriale de l’Etat. Cela s’est traduit par une importante diminution du nombre de structures, passées d’une vingtaine à moins d’une dizaine au niveau régional, et d’une dizaine à quelques unités au niveau départemental.
Quelles sont les conséquences de la réorganisation dans les services déconcentrés du fait de la RGPP ? La rationalisation de ces services vous semble-t-elle une priorité ?
La réforme de l’administration territoriale de l’État a fait évoluer de façon importante les services déconcentrés de l’État, qu’il s’agisse des préfectures, des directions régionales et des directions départementales.
Elle intègre trois grandes évolutions : la décentralisation, l’évolution des attentes des citoyens et de leur mode de vie, ainsi que les nouveaux moyens de l’action administrative, liés notamment aux progrès rendus possibles par les nouvelles technologies.
Une nouvelle organisation régionale s’est ainsi mise en place . De même, au niveau départemental, avec notamment la création de directions interministérielles selon la taille du département. Ces directions s’organisent autour des trois grandes problématiques en lien avec la vie quotidienne de nos concitoyens : leur protection, le vivre-ensemble, et l’espace dans lequel ils vivent .
Cette nouvelle organisation départementale a simplifié l’accès aux services de l’Etat, et a permis de regrouper de l’expertise technique de l’Etat et de mettre en place une approche cohérente des besoins de la population.
Finalement, les départements conservent, au niveau de l’organisation administrative d’Etat, une importance majeure, les directions départementales exerçant une vraie mission de proximité à haute valeur ajoutée. Leurs cadres de haut niveau, leurs contrôleurs, travaillent dans une administration de mission, plus concentrée mais en lien étroit avec le « back-office » régionalisé et mutualisé.
Le niveau régional exerce quant à lui des missions d’expertise, de pilotage et de coordination : par sa vision d’ensemble, il est à même de donner de la cohérence aux actions menées.
En quoi les services publics locaux sont-ils impactés par cette réorganisation ?
En réalité, en soi, la RGPP n’a pas d’impact direct sur, mais pour les collectivités locales et les services publics locaux. En effet, le périmètre couvert par la RGPP ne comprend pas les collectivités locales : il touche l’appareil productif de l’Etat. Des mesures RGPP ont néanmoins un impact pour les collectivités, comme par exemple l’évolution du contrôle de légalité des actes des collectivités ou la mise en place de passeports biométriques avec l’accueil des demandeurs dans les mairies.
Par ailleurs, la nouvelle organisation déconcentrée de l’État offre une plus grande cohérence et une meilleure visibilité des structures pour les interlocuteurs des collectivités locales.
Cette politique modifie-t-elle les rapports entre services des collectivités et services déconcentrés ?
La RGPP et la réforme de l’administration territoriale de l’Etat ont amélioré la qualité et l’efficacité des relations de l’Etat avec les collectivités territoriales.
Pour certains, la logique régionale de l’administration est en contradiction avec la réforme des collectivités locales. Mais les remontées du terrain que nous avons plaident davantage en faveur d’une meilleure identification, d’un travail plus efficace, d’un ensemble offrant plus de clarté.
Dans quelle mesure les plus petites collectivités, et notamment les communes rurales, sont-elles désavantagées par cette nouvelle organisation ?
Les services déconcentrés de l’Etat continuent d’accompagner et d’appuyer, quand cela est obligatoire et/ou pertinent, toutes les collectivités locales, sans distinction de taille ou de localisation. Il n’y a donc aucune raison pour que les plus petites collectivités ou les communes rurales soient davantage impactées par cette nouvelle organisation que les autres.
Contrôle de légalité, ingénierie publique, urbanisme : quels sont les thèmes qui sont le plus impactés par le retrait des personnels de l’Etat ?
Parler de retrait des personnels de l’Etat est inapproprié. Par exemple, concernant le conseil juridique et le contrôle de la légalité des actes des collectivités territoriales, ces fonctions continuent d’être exercées par les préfets. En effet, la RGPP a permis que le contrôle de légalité soit centralisé en préfecture et recentré sur les actes qui présentent les enjeux les plus importants (marchés publics, urbanisme et environnement notamment).
La centralisation du traitement des actes permet une amélioration qualitative du contrôle de légalité. Le regroupement des compétences en préfecture et le développement du travail en réseau sont de nature à renforcer les capacités d’expertise de l’Etat au service des collectivités territoriales.
En ce qui concerne l’ingénierie publique, l’Etat cesse simplement d’œuvrer dans le secteur concurrentiel, conformément d’ailleurs à la règlementation communautaire.
Ce recentrage a pour objectif de permettre aux services de l’Etat de renforcer leur capacité d’expertise et d’accompagnement des collectivités territoriales dans les domaines qui correspondent aux défis du développement durable : transports urbains, prévention des risques, gestion des déchets, économies d’énergie… Les prestations d’ingénierie seront ainsi réorientées vers les politiques publiques présentant des enjeux forts pour l’avenir.
Enfin, l’Assistance technique fournie par l’Etat pour des raisons de solidarités et d’aménagement des territoires (ATESAT) est maintenue pour les collectivités éligibles qui ne disposent pas de moyens budgétaires suffisants pour bénéficier, pour un coût modeste et forfaitaire, d’un appui des services de l’Etat (Directions Départementales des Territoires) dans les domaines de l’aménagement, de l’habitat et de la voirie : espaces publics, problèmes de sécurité routière, bâtiments publics, assistance à la création de services techniques propres…
Quelles solutions les collectivités peuvent-elles mettre en place pour pallier le retrait de l’Etat ? La DGME les accompagne-t-elle dans cette phase transitoire ?
Encore une fois, l’Etat ne se retire pas ! La DGME, compétente en matière de modernisation de l’Etat, continue d’accompagner les collectivités, selon leurs besoins. D’ailleurs, une intervention systématique de la DGME aux côtés des collectivités ne serait pas nécessairement la bienvenue auprès de ces dernières.
Cela étant, la DGME a su nouer des partenariats avec des collectivités locales sur des sujets bien ciblés, en étant par exemple à l’origine du télé-service d’inscription en ligne sur les listes électorales. Ce service adopté par un nombre croissant de mairies, permet de soulager les services administratifs de ces dernières en fin d’année lorsque les électeurs viennent régulariser leur situation.
En matière d’ingénierie publique, est-ce aux départements, aux intercommunalités voire au secteur privé de prendre le relais de l’Etat en matière de conseil ?
Les collectivités locales peuvent, si elles le souhaitent, recourir aux offres, comme elles peuvent aussi, en vertu du principe de libre administration, développer en interne une expertise.
Je pense néanmoins qu’il convient, pour être performant sur ces activités à forte valeur ajoutée, de disposer d’un effet de taille critique. Ainsi, dans l’hypothèse où une collectivité déciderait de ne pas recourir au secteur privé, elle aurait tout à gagner à chercher à mutualiser cette activité avec d’autres collectivités.
La mutualisation des communes constitue-t-elle une autre piste ?
Contrairement aux effectifs de l’Etat, les effectifs des collectivités locales ont fortement progressé au cours des dernières années. La mutualisation des moyens constitue bien souvent un moyen de gagner en productivité tout en maintenant, voire en améliorant la qualité du service rendu. La mutualisation des fonctions supports permet, par ailleurs, de préserver les services en contact avec le public.
Comment les collectivités peuvent-elles assumer le recul du contrôle de légalité effectué par les préfectures et sous-préfectures ?
Un point d’équilibre a été trouvé afin de ne pas remettre en cause la sécurité juridique des collectivités locales et la responsabilité de l’Etat. La modernisation du contrôle de légalité ne se traduit pas, pour les élus locaux, par un accroissement des risques juridiques.
La réforme du contrôle de légalité s’opère selon trois axes :
- la réduction de la liste des actes soumis au contrôle de légalité aux actes les plus importants ou sensibles comme les principaux marchés publics, les actes et documents d’urbanisme ;
- le recentrage du contrôle sur les actes présentant des enjeux majeurs, tels que la commande publique, l’urbanisme et le développement durable ;
- la centralisation du contrôle de légalité en préfecture, qui doit permettre une amélioration qualitative du contrôle de légalité, par une expertise plus complète, une vision d’ensemble et une pratique plus homogène du contrôle de légalité sur le territoire du département.
Sans oublier qu’en cas de défaillance grave du contrôle de légalité, le juge administratif n’hésite pas à mettre en cause la responsabilité de l’Etat pour carence dans l’exercice du contrôle de légalité s’il existe une faute lourde.
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RGPP : quels effets pour les collectivités ?
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Sommaire du dossier
- Après 4 années de RGPP, l’heure du 1er bilan
- Pour le Sénat, la RGPP doit prendre en compte le besoin de proximité
- RGPP : génère-t-elle bien les 7 milliards d’euros d’économies annoncés ?
- « Les décisions de la RGPP sont trop rapides », déplore Jean-Paul Delevoye
- « La RGPP doit être modulée selon les territoires », affirme Pierre Morel-A-L’Huissier
- L’AMF et l’association du corps préfectoral identifient un besoin de « matière grise » dans les services territorialisés de l’Etat
- RGPP : l’éloignement de l’expertise de l’Etat douloureux pour les élus des petites villes
- RGPP : une politique appliquée aveuglément, selon Alain Rousset
- RGPP : l’AITF sceptique sur le nouveau rôle des départements en ingénierie publique
- La RGPP a aussi ses défenseurs
- Les patrons de la police et de la gendarmerie bienveillants à l’égard de la RGPP
- RGPP : « Les sous-préfectures doivent être maintenues », estime Claude Guéant
- La RGPP vue de la Saône-et–Loire : entre inquiétudes et adaptation
- « L’Etat casse les compétences existantes mais ne sait pas comment les reconstruire » – Thierry Latger, SNITPECT-FO
- « La RGPP a amélioré la qualité des relations de l’Etat avec les collectivités » – François-Daniel Migeon, DGME