Initié dès son élection, en avril 2008, par Daniel Delaveau, nouveau maire (PS) de Rennes (Ille-et-Vilaine) et président de Rennes métropole, le processus de mutualisation des services aurait dû, en principe, être achevé en janvier 2010. Il a bénéficié de six mois supplémentaires afin de faciliter le transfert effectif de 535 agents passés de la ville à l’agglo, qui a ainsi franchi le cap du millier de collaborateurs.
Mais près d’un an plus tard, la greffe n’est pas complètement achevée. « La mutualisation, c’est la rencontre de deux cultures très éloignées, par la taille des organisations, par le fait aussi que les âges et les catégories d’emplois diffèrent entre nos deux administrations », reconnaissent les deux directeurs généraux des services (DGS), Gilles Suignard à la ville de Rennes, et Joël Boscher à Rennes métropole.
Représentants du personnel associés – Sitôt passée la commande politique de la mutualisation, les deux DGS ont coordonné leurs actions, avec l’appui du cabinet spécialisé Chôra conseil. Ils ne comptent plus les réunions consacrées à cette thématique, auxquelles ont été associés les représentants du personnel.
« Globalement, les agents étaient favorables au principe de mutualisation. Mais, ensuite, lorsqu’on rentre dans le cœur du réacteur, c’est l’occasion de remettre à plat le fonctionnement, et ce travail se poursuit aujourd’hui », précise Pierre-Jean Joyeux, directeur général chargé des ressources humaines de Rennes métropole, à la tête de l’une des six directions mutualisées avec la ville-centre (sur les huit que compte au total l’interco).
Les organisations syndicales confirment cet a priori favorable, sans minimiser les difficultés rencontrées. « Il y a eu des moments de fortes tensions, sans toutefois aller jusqu’au mouvement de grève », indique Hervé Gestin, secrétaire adjoint de la section CFDT de la ville, de l’agglo et du CCAS.
Des interrogations persistent – Depuis avril, une partie des agents des cantines scolaires de la ville poursuivent un mouvement de grèves perlées sur fond de revendications salariales globales et de mal-être au travail qui, sans être lié directement à la mutualisation, fait écho à un certain malaise social. Jugé indispensable par les partenaires sociaux, le report des transferts n’a pas permis de lever toutes les interrogations.
A la tête de l’administration mutualisée, Joël Boscher ne sous-estime pas l’ampleur de la tâche. « Nous construisons la troisième génération de l’administration territoriale ! Il s’agit d’une harmonisation, pas d’une uniformisation », affirme-t-il.
Et pour favoriser l’émergence d’une culture territoriale partagée, la mutualisation s’accompagne de la création d’une plateforme de services ouverte aux communes volontaires de l’agglomération. Celles-ci peuvent y partager services et bonnes pratiques, dans des domaines variés. Un bilan de la démarche sera réalisé à l’automne 2011. Le chantier est loin d’être achevé.
« L’enjeu principal des organisations, c’est la proximité »
L’expert : Anne Grillon, spécialiste des questions de ressources humaines (RH) dans le secteur public au Forum pour la gestion des villes
Dans un contexte anxiogène, la mutualisation peut amener les agents à se poser des questions sur leur devenir au sein de la collectivité. L’enjeu principal des organisations, c’est la proximité. Or, la mutualisation est parfois perçue comme un facteur d’éloignement des décideurs. Elle se passe d’autant mieux que le manager a été considéré comme un partenaire. L’association de la fonction RH est une autre des conditions de réussite. Il faut aussi dépasser la contrainte financière pour s’intéresser à la qualité des services rendus. C’est un levier essentiel d’engagement pour les agents, qui doivent être placés au centre du dispositif. La mise en place de plateformes de services, comme à Rennes métropole, est intéressante car elle permet aux communes de se connaître et augure de nouveaux modes de coopérations. La mutualisation ne s’arrête pas à la date des transferts de personnels : il faut la faire vivre dans la durée.
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Intercommunalité et mutualisation : les clés d'une gouvernance partagée
Sommaire du dossier
- Dans les intercommunalités, le retour en force des communes
- Intercommunalité et mutualisation : les clés d’une gouvernance partagée – Introduction
- L’intercommunalité célèbre sa révolution tranquille
- Intercos : « Nous assistons à une entreprise municipaliste »
- Intercommunalité : de nouveaux dispositifs politiques émergent
- Intercos : la réflexion sur les mutualisations est en cours
- Intercommunalité : une nouvelle administration du personnel s’organise
- Intercos : les compétences sont à la carte ou au menu
- Collectivités fusionnées, services mutualisés, agents partagés… comment créer une identité communautaire ?
- Points de vue : Jules Nyssen et Joël Boscher, DGS
- Intercommunalité : les inconnues du statut
- Mutualisation des services – Rennes métropole cherche l’harmonie
- Reims réforme pour une meilleure synergie entre l’interco et la ville
Thèmes abordés