Comment venir à bout des pollutions diffuses d’origine agricole ?
La seule mesure efficace consiste à arrêter de polluer. Pour protéger la ressource en eau, on ne peut faire que du préventif. On ne peut se contenter de dire que l’on dépolluera en recourant à toujours plus de technique et de produits de traitement : un tel cercle vicieux ferait le bonheur de certains, mais pas de l’environnement, ni du consommateur.
La prévention passe par une réorientation de la politique agricole européenne. Les pollutions liées aux nitrates et aux pesticides sont un problème majeur pour les rivières et les nappes profondes. Même si l’on abandonnait aujourd’hui tout intrant, il faudrait encore une vingtaine d’années pour que les produits précédemment utilisés percolent dans la terre et cessent de la polluer.
Le problème persistera tant que la politique agricole commune subventionnera ceux qui irriguent et produisent en grande quantité – en utilisant beaucoup d’intrants – et donc, portent atteinte à la ressource. Dès lors que les subventions seront soumises à éco-conditionnalité, on cessera de polluer.
Ce tournant vers des modes de production moins intensifs permettrait-il d’approvisionner correctement le marché ?
Nous sommes en surproduction, et cette surproduction est subventionnée. Il est tout à fait possible de nourrir les Français de façon moins agressive pour l’environnement et en quantité suffisante, avec moins de produits chimiques et sans surproduction. De produire une alimentation saine, qui est aussi plus nourrissante – car moins chargée en eau, hormones, etc. – et se consomme donc en moindre quantité, et à prix accessible.
Economiser sur les intrants signifie aussi économiser sur le coût du traitement de l’eau et réduire la facture sanitaire (au profit, avant tout, des agriculteurs, premières victimes des pesticides) et environnementale (qualité des milieux naturels et biodiversité).
Comment l’agriculture peut-elle aujourd’hui assumer cette métamorphose alors qu’elle est économiquement fragilisée ?
Si leurs marges étaient suffisantes, les agriculteurs auraient certes la tache plus facile. Le problème vient des conditions de vente de leurs produits à la grande distribution. Quand les agriculteurs pratiquent la vente directe, ils en tirent un meilleur prix qu’en écoulant leur production auprès des grandes surfaces. Et la transaction est également bénéficiaire au consommateur par rapport à l’achat auprès de grandes enseignes.
C’est l’ensemble des politiques de production, de consommation ainsi que l’organisation du marché des denrées alimentaires qu’il faut faire évoluer, pour réellement changer le rapport à l’environnement et à la ressource.
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Sommaire du dossier
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