«Or noir », « data is the new oil », « pétrole du XXIe siècle ». Nombreuses sont les formules attribuant une grande valeur aux données. Pour Henri Verdier, ancien numéro un de la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’Etat (Dinsic) et ex-administrateur général des données, aujourd’hui ambassadeur pour le numérique au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, qui s’exprimait en mai 2018 dans nos colonnes, elles sont toutefois impropres : « En réalité, data is the new soil ».
Les données sont un terreau, un terrain, dans lequel on plante des services. » Les données sont en effet devenues l’infrastructure essentielle de l’action publique numérique, un enjeu majeur pour les territoires et leurs habitants. De nombreuses collectivités exploitent déjà, depuis plusieurs années, les données qu’elles produisent ou qu’elles récupèrent chez des acteurs privés, car elles y voient un nouveau levier d’amélioration ou d’analyse de leurs politiques publiques.
Cet engouement tient en partie à l’explosion du nombre de données dont disposent les collectivités. L’obligation, pour les entités publiques de plus de 3 500 habitants comptant plus de 50 agents (4 000 collectivités sont concernées), qui découle de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique (loi « Lemaire »), de rendre disponibles, gratuitement, sur internet, différents types de fichiers ou données qu’elles ont en leur possession (c’est l’open data), tout comme la dématérialisation progressive de l’ensemble des services publics, démultiplient de fait les données utilisables par les collectivités. De même, les sources de recueil de celles-ci augmentent sans cesse : captations satellite, capteurs connectés, réseaux télécoms, informations « crowdsourcées » (qualifiées et donc améliorées grâce à des contributions extérieures), données produites par les utilisateurs eux-mêmes…
Des exemples de mise en œuvre infinis
Une fois produites ou récupérées, croisées, transformées, partagées… et utilisées de manière judicieuse, les données peuvent rendre les territoires plus intelligents, permettant un usage optimisé des ressources, mais aussi la délivrance de services publics efficients et personnalisés. Le champ d’application est extrêmement varié. On connaît le volet sécuritaire – avec la vidéosurveillance à Nice ou l’audiosurveillance à Saint-Etienne, qui ont récemment suscité de légitimes inquiétudes. Mais l’exploitation de données peut irriguer les politiques sociales, environnementales, scolaires, agricoles ou énergétiques des collectivités ou celles relevant des achats. Les exemples de mise en œuvre concrète sont infinis. Nous revenons sur plusieurs d’entre eux, bien réels.
Devenir un pionnier du bio
Coeur d’Essonne Agglomération (Essonne), 21 communes, 200 000 hab.
Cœur d’Essonne agglomération compte devenir un leader de la transition agricole et alimentaire. L’interco a pour ambition de nourrir, d’ici dix ans, 10 % de ses habitants et de fournir 50 % des approvisionnements des restaurants collectifs en produits bios et locaux. Pour ce faire, le projet « Sésame, le bio s’ouvre à vous » a été lancé, notamment pour accompagner la création d’une centaine de fermes en agriculture biologique. A commencer par la symbolique reconversion de la base aérienne 217 de Brétigny-sur-Orge en une « ferme de l’Envol ».
Le projet contient un important volet numérique. « Nous voulons développer une plateforme qui mettra en relation agriculteurs, distributeurs et consommateurs », explique Etienne Monpays, chargé du projet « Sésame ». « Cette plateforme va générer de très grands volumes de données. L’objectif est de travailler au maximum sur des logiques d’open data, y compris pour les données provenant du secteur privé, même si nous savons que nous risquons d’être limités par
[60% reste à lire]
Article réservé aux abonnés
Gazette des Communes
Cet article fait partie du Dossier
Les données réinventent les politiques publiques
Sommaire du dossier
- Les données démographiques, une aide majeure à la décision
- Donner du sens aux chiffres pour orienter les politiques publiques
- Démographie : « Il s’agit d’accompagner l’élu, sans décider à sa place »
- Les données réinventent les politiques publiques
- Le partage des données, clé de la transition écologique
- Transition écologique : des pionniers pour qui la data, c’est un dada !
- Les données, nouveau couteau suisse de l’action publique
- « Sans infrastructures publiques, les échanges de données sont désorganisés »
- RSA : une politique d’évaluation inspirée du séquençage de l’ADN
- Donnée d’intérêt territorial : une étude observe les distances domicile-travail des quartiers prioritaires
- Pour une maîtrise totale des données de mobilité, rien de tel qu’une plateforme en régie
- La donnée, une richesse qui se cultive
- L’open-data au service des citoyens confinés
- « Nous défendons un service public local de la donnée », Mireille Bonnin
Thèmes abordés