Exonération massive de la taxe d’habitation, contrôle des dépenses de fonctionnement dans les grandes collectivités, diminution des emplois aidés… : les maires ne digèrent pas les décisions gouvernementales prises ces derniers mois.
« Nous avons eu un été calamiteux… Nous sommes dans un automne orageux », résume, ce 8 novembre 2017, le premier vice-président délégué de l’AMF André Laignel (PS), lors de la présentation du 100ème Congrès des maires des 21, 22 et 23 novembre prochains. Le numéro deux de l’association évalue les conséquences du plan de rigueur gouvernemental à une perte sèche de deux milliards d’euros pour les collectivités territoriales.
« L’effort demandé n’est pas tenable, tranche le patron de l’Association des maires de France, François Baroin (LR). Le projet de Bercy est clair comme de l’eau de roche. Il veut baisser la dette des collectivités de 8,9 % à 5 % et dans le même temps monter la part d’endettement de l’Etat. C’est pour cela que l’on veut nous imposer des règles d’or et le retour du jugement d’opportunité. »
La grande jacquerie des élus ruraux
Un message que les dirigeants de l’AMF ont porté lors d’une entrevue avec le président de la République, le 19 octobre dernier. Au cours de cet entretien au long cours (environ 1h20), ils ont rencontré une « écoute attentive ».
Emmanuel Macron s’est bien gardé cependant de leur donner des gages. Le fera-t-il dans son discours de clôture du congrès des maires, le 23 novembre ? Le chef de l’Etat ne pourra venir les mains vides. Comme le confie Philippe Laurent (UDI), secrétaire général de l’Association des maires de France, la base est très remuante. Il lui arrive même de trouver les dirigeants de l’AMF pusillanimes.
Dans les profondeurs du pays, les édiles, qui n’ont toujours pas avalé les coupes budgétaires et les réformes territoriales des années Sarkozy et Hollande, sont remontés comme jamais.
« Le temps du mépris »
Pour les élus, il n’y a pas, aujourd’hui, que les décisions prises qui sont en cause. Il y a aussi la manière… « C’est le temps du mépris. On a entendu un certain nombre de qualificatifs qui ont blessé les élus locaux quand on leur a dit qu’ils étaient clientélistes, dépensiers par nature, inefficaces voire trop nombreux. Tous ces mots ont été employés par le président de la République ou des membres du Gouvernement. C’est là une absence de considération qui est profondément ressentie par les élus locaux, à 85 % bénévoles », peste André Laignel.
Aux yeux de l’AMF, la coupe est pleine. « La décentralisation est clairement en péril si l’ensemble des projets évoqués sont mis en œuvre : étouffement du fonctionnement, affaiblissement des ressources humaines (70 000 postes), rationnement de l’emploi et assèchement fiscal… » énumère André Laignel. « On resserre le garrot et on y ajoute une camisole juridique et règlementaire », cingle-t-il.
Choc culturel
Particulièrement en verve, André Laignel prévient solennel : la question de la participation de la principale association d’élus à la prochaine conférence nationale des territoires, qui devrait se tenir le 14 décembre, « est très clairement posée si aucune modification substantielle ne se fait jour ».
Les régions ont déjà claqué la porte de cette instance, à l’occasion de leur dernier congrès, le 28 septembre 2017. Les départements s’interrogent sur leur participation. Dans ces conditions, le pouvoir a-t-il intérêt à un nouveau clash ? A coup sûr, non.
En attendant, François Baroin laisse toujours planer la menace d’une saisine du Conseil constitutionnel afin de respecter les principes de « la République décentralisée » inscrits dans la loi fondamentale depuis la révision Raffarin de 2003.
Le patron de l’AMF l’a dit au chef de l’Etat lors de son entrevue du 19 octobre. « S’il le faut, nous allons mettre en place les meilleures équipes de constitutionnalistes pour rédiger des QPC pour traiter ce litige. »
« J’ai envie qu’Emmanuel Macron soit davantage le président d’une République décentralisée que le chef d’un Etat centralisé », souhaite Philippe Laurent. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres pour l’AMF. Comme l’a reconnu François Baroin, c’est à un véritable « choc culturel » auquel on assiste depuis l’intronisation d’Emmanuel Macron.
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