La fin du cumul des mandats ne risque-t-elle pas d’affaiblir le pouvoir local à Paris ?
Cette réforme marque un changement de système. Le Parlement entre dans un nouvel ordre politique. Jusqu’à présent, seuls les grands élus de l’Assemblée nationale se consacraient au travail parlementaire. Les autres députés étaient des super-élus locaux qui cherchaient des relais à Paris pour leurs territoires. Depuis le début de la IIIème République, ils s’inscrivaient dans une organisation jacobine et verticale. Gaston Defferre, le père de la décentralisation de 1982 regrettait de ne pas avoir posé la question du cumul et de l’articulation entre les pouvoirs locaux et nationaux. Il avait dû l’écarter pour des raisons politiques évidentes.
La fin du cumul va-t-elle tout changer ?
Désormais, nous aurons des députés qui pourront se consacrer pleinement à leur mission de législateur et une élite politique territoriale aux compétences de leurs collectivités. Deux personnels assez différents donc. Avec les députés de La République en Marche issus du monde de l’entreprise, nous aurons beaucoup moins de parlementaires avec un vécu d’élu local. Il y a donc un risque de déconnexion entre l’Assemblée et les collectivités.
Avec les députés de La République en Marche issus du monde de l’entreprise, nous aurons beaucoup moins de parlementaires avec un vécu d’élu local.
Le Sénat ne va-t-il pas être le dernier havre des collectivités dans la capitale ?
Il risque d’être à la remorque de l’Assemblée nationale dans laquelle la majorité sera très forte. C’est peut-être le moment d’engager une vraie réforme du Sénat, d’avoir une chambre plus moderne de 200 élus, à l’allemande, avec 100 représentants des régions, mais aussi 100 représentants des intercommunalités.
Pur produit des grands corps de l’Etat Emmanuel Macron ne semble pas spécialement porté sur ce genre de construction fédérale…
Emmanuel Macron, durant cette campagne, a été extrêmement prudent et flou sur les questions locales. Les collectivités ne sont pas un sujet majeur à ses yeux. Il s’inscrit très clairement dans la tendance de de baisse de l’autonomie fiscale des collectivités que l’on connaît depuis 15 ans. Mais il accorde aussi une large part à la souplesse, à l’innovation, à l’expérimentation… La révolution, dans son programme, tient à la suppression de la taxe d’habitation qui est devenue très inégalitaire. C’est une opportunité pour penser différemment l’impôt local. Il faut revenir à l’état d’esprit du rapport « Balladur » de 2009 : un impôt par niveau de collectivité.
L’heure est plus à la contrainte financière qu’à l’imagination fiscale…
C’est vrai, mais cela n’empêche pas d’avancer en faveur de l’instauration de certaines garanties d’autonomie financière. Et si, en Allemagne, les Länder n’ont pas d’autonomie fiscale, ils disposent d’un pouvoir règlementaire. Les collectivités ne peuvent plus être en France des opérateurs subsidiaires de l’Etat. A côté d’une Assemblée Nationale pleinement à sa tâche, il faut instaurer des contre-pouvoirs locaux, une véritable vie politique régionale et intercommunale. Le pouvoir règlementaire ne peut plus être le monopole de l’exécutif et du Premier ministre. Les collectivités doivent disposer d’un pouvoir d’adaptation locale.
Le pouvoir règlementaire ne peut plus être le monopole de l’exécutif et du Premier ministre.
Les députés de La République en Marche, issus du monde de l’entreprise, ne risquent-ils pas, malgré tout, d’être éloignés des préoccupations des collectivités au moment de voter la loi ?
Il ne faut pas faire confiance qu’aux professionnels de la politique. Les cadres d’entreprise et les top-managers se forment sans cesse. Je suis donc pour une obligation de formation dans le cadre d’un statut renouvelé des députés.
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