NommĂ© le 16 septembre 2014, l’administrateur gĂ©nĂ©ral des donnĂ©es (AGD), Henri Verdier, a notamment pour mission de dĂ©livrer un rapport annuel sur l’inventaire, la gouvernance, la production, la circulation et l’exploitation des donnĂ©es par les administrations. Le premier de ces travaux, fruit d’une annĂ©e de labeur, est rendu public ce jeudi 21 janvier, avec un peu de retard mais en plein durant l’examen du projet de loi Lemaire qui donne la part belle aux donnĂ©es. Il dresse un constat sans appel pour l’État, qui doit encore parcourir un chemin important afin de prendre conscience du potentiel des donnĂ©es pour moderniser son action. Le constat vaut aussi pour les collectivitĂ©s. Il existe Ă ce jour une liste consĂ©quente de freins empĂŞchant cette transformation. Des difficultĂ©s que le rapporteur souligne et dĂ©taille avant de prĂ©coniser les premiers virages importants Ă prendre.
Henri Verdier s’est attelĂ© dans un premier temps Ă Ă©tablir un Ă©tat des lieux, rappelant au passage le rĂ´le essentiel que jouent les donnĂ©es au niveau de l’action publique et soulignant par ailleurs que l’État en produit et en utilise dĂ©jĂ abondamment.
Un projet de cartographie collaborative des données
A travers le rapport, l’AGD dĂ©gage donc plusieurs blocages empĂŞchant une exploitation efficace des donnĂ©es. A commencer par la mĂ©connaissance globale de ce dont l’administration public dispose. Certains acteurs n’ont d’ailleurs pas conscience eux-mĂŞmes du fait qu’ils produisent des donnĂ©es. Il existe Ă©galement une difficultĂ© Ă extraire ces dernières des systèmes qui les font naĂ®tre. Et d’une manière plus globale, il n’y pas d’uniformitĂ© dans la manière dont elles sont prĂ©sentĂ©es et stockĂ©es ni, bien souvent, de traçabilitĂ© pour remonter Ă leurs origines.
Pour rĂ©pondre Ă cette mĂ©connaissance globale au sein des administrations, le rapporteur lancera dès 2016 « un projet de cartographie collaborative des donnĂ©es ouvert Ă toutes les administrations qui souhaiteront y participer et en bĂ©nĂ©ficier ». Afin d’ancrer la stratĂ©gie de la donnĂ©e sur des pratiques rĂ©elles, de dĂ©velopper « un rĂ©seau de pratiques et de possibilitĂ©s d’interconnexions », Henri Verdier propose aussi de « poursuivre et amplifier » la stratĂ©gie de dĂ©veloppements concrets. Il souhaite ainsi soutenir divers projets comme la crĂ©ation de la Base d’adresse nationale.
Un système d’information Ă faire Ă©voluer
Henri Verdier appuie aussi sur le fait que « le système d’information de l’État n’est pas au service de l’usage des donnĂ©es », rappelant notamment que « les choix d’architecture sont antĂ©rieurs Ă la rĂ©volution de la donnĂ©e ». Il existe ainsi une lourde dette technologique ainsi que des manques structurels Ă©vidents. Le recours frĂ©quent Ă des acteurs tiers empĂŞche par ailleurs l’État de suffisamment maĂ®triser son système d’information. Ce qui a notamment des consĂ©quences en matière de sĂ©curitĂ©.
L’accent est ainsi mis sur le besoin de « faire Ă©voluer les systèmes d’information de l’Etat » avec, en particulier, la nĂ©cessitĂ© de prĂ©parer « l’extractibilitĂ© des donnĂ©es », de tendre vers « l’utilisation en temps rĂ©el » de ces dernières, de mettre en place « de nouvelles règles d’audit des projets informatiques de l’État » et « de garantir l’accès de tous les ministères aux ressources leur permettant de tester concrètement le potentiel des datasciences ».
Un frein culturel
Le rapporteur pointe Ă©galement du doigt la culture administrative, qui « n’encourage pas le partage ni la coopĂ©ration entre les administrations ». Henri Verdier ne remet pas en cause la bonne volontĂ© des agents Ă titre individuel mais dĂ©nonce un fonctionnement plus global qui ne favorise pas les Ă©changes.
S’appuyant sur les conclusions de la mission Fouilleron, il rĂ©affirme la nĂ©cessitĂ© de rendre gratuits les Ă©changes de donnĂ©es entre administrations, expliquant qu’il s’agit là « d’un manque Ă gagner important, tant en termes d’économie, d’efficacitĂ© que d’efficience ». L’accompagnement des producteurs de donnĂ©es dans la transformation de leurs modèles Ă©conomiques est prĂ©vu. Plus globalement, il insiste sur l’obligation de dĂ©cloisonner les administrations et encourage les collaborations interministĂ©rielles.
Prendre à bras le corps le problème des « secrets légaux »
Les modalitĂ©s d’application des « secrets lĂ©gaux » sont Ă©galement mises en cause. Si l’Administrateur gĂ©nĂ©ral des donnĂ©es affirme que ces derniers sont « lĂ©gitimes », il n’en met pas moins en doute les « fondements juridiques » de certains d’entre eux et prĂ©cise que « le climat d’incertitude et de sĂ©curitĂ© approximative » constitue un frein Ă l’Ă©tablissement d’une bonne gouvernance de la donnĂ©e.
Le rapport invite ainsi « les autoritĂ©s administratives Ă prĂŞter la plus grande attention Ă la doctrine de mise en Ĺ“uvre des secrets lĂ©gaux de leurs administrations respectives ». Henri Verdier considère par ailleurs comme « extrĂŞmement prometteur » le dĂ©veloppement d’un pack de conformitĂ© « adaptĂ© Ă la puissance publique ». Une dĂ©marche qui pourrait ĂŞtre lancĂ©e dès 2016. Par ailleurs, parmi les propositions, « faciliter l’anonymisation » est Ă©galement Ă©voquĂ©. Et ce, avec pour objectif de contrer le fait que de nombreuses donnĂ©es dĂ©tenues par l’administration publique contiennent des informations Ă caractère personnel.
La question des nouveaux usages de la donnée
Le dernier point abordĂ© au sein du rapport est celui des nouveaux usages de la donnĂ©e. L’Administrateur gĂ©nĂ©ral des donnĂ©es indique que 2016 « doit avant tout permettre de construire de nouveaux projets de datasciences apportant des rĂ©sultats concrets et vĂ©rifiables ». Un soutien important sera apportĂ© Ă toutes les initiatives allant dans ce sens et la mise en rĂ©seau des compĂ©tences au sein des diffĂ©rentes administrations sera organisĂ©e, l’objectif Ă©tant de crĂ©er une sorte de cercle vertueux dont bĂ©nĂ©ficiera l’action publique.
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