En quoi la MAP diffère-t-elle de la RGPP ?
La MAP se distingue fortement de la RGPP tant dans ses objectifs que dans ses méthodes. Là où la RGPP s’est beaucoup concentrée sur la réforme des structures de l’Etat, la MAP a un champ beaucoup plus large puisqu’elle vise à la modernisation de l’ensemble de l’action publique, les administrations publiques de l’Etat, des collectivités territoriales, de la sécurité sociale, comme les politiques publiques. Mais la différence principale tient surtout aux questions de méthode : la RGPP reposait sur une conception et une mise en œuvre centralisées des réformes. La MAP s’attache au contraire à responsabiliser davantage les différents acteurs, à commencer par les ministres, et à faire en sorte que les parties prenantes soient davantage associées.
La MAP est pourtant beaucoup associée à l’idée d’économies budgétaires, comme la RGPP…
Les objectifs de la MAP s’incarnent à travers deux idées qui se nourrissent l’une-l’autre : l’objectif de renforcement de la qualité des services publics, pour les usagers, les entreprises, tout en s’inscrivant dans un contexte d’économies auquel la MAP doit prendre toute sa part – c’est le sens du dernier comité interministériel de modernisation de l’action publique, qui a annoncé une contribution de 5 à 7 milliards d’euros au titre du prochain triennal qui fait suite à une contribution de 3 milliards d’euros en 2014. Mais bien sûr, la MAP ne se résume pas à l’effort d’économies, pas davantage que les économies ne se résument à la MAP !
La MAP apporte une contribution directe aux économies mais aussi une contribution plus diffuse. Notre rôle est de venir en appui aux administrations à qui des objectifs budgétaires ont été fixés, pour voir comment, ces contraintes étant posées, on peut accompagner les transformations nécessaires en préservant voire en renforçant la qualité du service rendu.
Comment les collectivités locales sont-elles associées à cette modernisation ?
Elles sont dans le champ de la MAP, mais en vertu du principe de libre administration, ce n’est bien sûr pas au Gouvernement de dicter les réformes de modernisation qu’elles doivent conduire. L’Etat lui-même a beaucoup à apprendre des collectivités : dans un certain nombre de domaines l’innovation est venue du terrain, des collectivités locales, par exemple en matière d’Open data : il y a d’abord eu des initiatives de collectivités.
La MAP s’appuie sur un dialogue nourri avec les collectivités locales, les associations et sur le partenariat, comme par exemple avec la 27ème Région pour promouvoir l’innovation et le co-design des politiques publiques.
Lors du dernier CIMAP deux évaluations de politiques publiques ont été lancées qui concernent particulièrement les collectivités, sur la gestion des déchets, et la mutualisation entre collectivités du bloc communal. En matière de mutualisation, des collectivités sont extrêmement avancées, d’autres non. Or c’est un enjeu de maîtrise des dépenses publiques : le développement de l’intercommunalité ne s’est pas accompagné d’une réduction à due concurrence des moyens des communes. Mais il va de soi que nous ne sommes pas dans un exercice prescriptif. Ces évaluations, qui seront co-pilotées avec les collectivités, seront l’occasion de mettre en lumière les bonnes pratiques existantes et d’identifier des axes de réforme et d’optimisation de la dépense publique.
Que peut apporter la MAP aux territoires ruraux ?
Un des objectifs est d’assurer, sur l’ensemble du territoire, la disponibilité des services publics. Il va falloir apprendre collectivement à passer de l’idée de l’uniformité, à l’idée que, pour que chacun ait les mêmes accès, il faut que l’organisation du service public s’adapte aux territoires. C’est une révolution copernicienne. Le numérique peut être un allié des services de proximité. Le modèle à inventer est celui où la personne physique en proximité des populations peut s’appuyer sur une offre numérique renouvelée pour offrir le meilleur service aux usagers. Cette problématique vaut pour les territoires ruraux, mais aussi pour les publics en difficulté.
Sur la méthode des évaluations, comment sont-elles conduites ?
Les objectifs de l’évaluation sont de faire partager un diagnostic et de faire émerger des pistes de réforme. C’est parfois des inspections de l’Etat qui mènent les évaluations, parfois des personnalités indépendantes, parfois une combinaison des deux. Les formules varient.
L’important étant l’indépendance des évaluateurs. Le SGMAP veille quant à lui à la bonne mise en œuvre de l’évaluation : les objectifs concrets, la bonne constitution des équipes, la qualité de la gouvernance.
Quel est le rôle des cabinets de consultants ?
La clé, c’est comment on les utilise. Ce qui a pu choquer à l’époque de la RGPP, c’est le sentiment que les cabinets de consultants avaient pris le pouvoir. Quand le recours aux consultants est nécessaire, par exemple lorsque l’Etat n’a pas de compétences assez pointues, ou a besoin de beaucoup de moyens à brève échéance, le recours aux consultants est légitime. Mais il faut veiller à ce que ce soit bien l’administration qui définisse les objectifs, et qui valide la méthode et les résultats.
Enfin il faut faire preuve de modération, c’est pourquoi nos budgets pour les prestations externes d’appui à la transformation sont en sensible baisse, de l’ordre de 25%. On est passé de 20 millions du temps de la RGPP à environ 15 millions aujourd’hui.
L’ensemble des marchés du SGMAP viennent d’être renouvelés. L’occasion de faire en sorte que le jeu des acteurs s’ouvre, qu’on élargisse la palette, avec de nouveaux interlocuteurs y compris français et des cabinets de plus petite taille.
Quel est le rôle de l’Open data dans la modernisation de l’action publique ?
L’opendata a trois objectifs fondamentaux. Le premier, de redevabilité démocratique : l’Etat produit des données qui ont vocation à être rendues accessibles au public. Deuxième objectif, contribuer à l’innovation économique, puisqu’on sait que les start up sont capables d’en faire leur miel. Troisième volet, l’opendata peut contribuer à la modernisation de l’action publique elle-même. C’est le volet le plus récent et le plus innovant. C’est là-dessus qu’on veut mettre l’accent.
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MAP : moderniser pour économiser ?
Sommaire du dossier
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