D’aucuns croyaient le dispositif réservé aux territoires ruraux. Il n’en est rien. Si le régime des communes nouvelles s’adresse principalement aux communes fusionnant au sein d’un ensemble de moins de 10 000 habitants (voir encadré), il est aussi ouvert aux communes d’une même intercommunalité, sans condition de seuil démographique.
Une brèche dans laquelle compte s’engouffrer élus urbains. Les premiers à ouvrir ce front-là ont été, le 26 mai 2015, le président et les cinq maires des communes de la communauté urbaine de Cherbourg (80 000 habitants). Lors d’une conférence de presse, ils ont prôné une fusion permettant, si elle est réalisée au 1er janvier 2016, de maintenir le niveau des dotations de l’Etat pendant trois ans. Une opération qui, selon ses promoteurs, évitera de perdre 33 à 34 millions d’euros.
Le lobbying de l’AMIF
Au sein de la communauté d’agglomération de Grand Paris Seine Ouest (310 000 habitants), un tel projet n’est pas encore assumé. Mais, à l’évidence, des élus y pensent également. Il en est de même dans certaines villes nouvelles, en particulier du côté de Marne-la-Vallée.
La question a été au cœur de la rencontre nationale des communes nouvelles, organisée le 27 mai 2015 par l’Association des maires de France. Devant un Conseil économique social et environnemental (CESE) plein comme un œuf, Stéphane Beaudet, premier magistrat (UMP) de Courcouronnes (14 000 habitants., Essonne) a mis les pieds dans le plat.
« N’attendons pas d’être dans le mur pour réfléchir. Si nous ne construisons pas des communes nouvelles, nous ne pourrons pas assurer la proximité et redescendre certaines compétences des intercommunalités de plus de 200 000 habitants qui se constituent en grande couronne parisienne », a lancé le président de l’Association des maires d’Ile-de-France.
Pour Stéphane Beaudet, « il ne s’agit pas, là, d’une fusion, d’une absorption, mais d’un projet » : « Dans un pays qui aime la politique, mais pas les politiques, il est fondamental de soumettre les communes nouvelles à référendum. » Et Stéphane Beaudet de préciser qu’il imaginait un tel dessein pour Courcouronnes et quatre de ses voisines.
« Les communes nouvelles ne doivent pas être réservées aux communes rurales », a abondé l’ancien ministre de l’Aménagement du Territoire, Michel Mercier (UDI).
La mise en garde de Jacques Pélissard
Stéphane Beaudet veut, dès maintenant, réviser la loi du 16 mars 2015. C’est-à-dire ouvrir le dispositif à tous les ensembles fusionnés de plus de 10 000 habitants, et pas seulement à ceux calqués sur les contours d’une intercommunalité. L’enjeu est d’importance.
La loi du 16 mars 2015 offre 5 % de bonification de la DGF aux communes nouvelles de moins de 10 000 habitants. Aussi, le père de cette loi, l’ancien président de l’AMF Jacques Pélissard (UMP), s’est attaché à refroidir les ardeurs. « Si nous décoiffons le seuil de 10 000 habitants, les communes nouvelles videront les caisses de la DGF. Ce n’est pas 30 %, mais 50 % de baisse que subiront les autres communes ! », a mis en garde le député-maire de Lons-le-Saunier.
Présent à la tribune, le directeur général des collectivités locales, Serge Morvan s’est bien gardé de le démentir…
Une majorité de projets en milieu rural
Les communes nouvelles étaient seulement 5 au 1er janvier 2013 et 25 au 1er janvier 2015. Des débuts très timides mais tout change avec la loi du 16 mars 2015 : l’Association des maires de France a recensé près de 270 nouveaux projets de commune nouvelle, essentiellement en milieu rural. « Il y a une accélération très forte au-delà de ce que l’on imaginait et de ce que l’on pouvait attendre », a confié à l’AFP, François Baroin (UMP), président de l’Association des maires de France.
Un succès qu’explique, ainsi, son prédécesseur Jacques Pélissard : « Avec le seuil de 20 000 habitants, le risque de DGF territoriale et de suffrage universel intercommunal sans fléchage, on ne peut plus avoir des communes morcelées. »
« Nous, maires ruraux, ne sommes plus en capacité de répondre aux défis du XXIe siècle, a convenu Christian Bilhac, président de l’Association des maires de l’Hérault. On est pour l’euthanasie, mais on a du mal à faire l’injection létale ! »
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Les communes nouvelles, dernière chance pour sauver les communes
Sommaire du dossier
- Les communes nouvelles en quête d’un second souffle
- Les communes nouvelles attendent une sécurisation financière du gouvernement
- Communes nouvelles : histoire d’une révolution silencieuse
- Dans les communes nouvelles, pas si simple de trouver sa place
- Les communes nouvelles en pleine expansion
- Communes nouvelles : cinq points qui font encore hésiter les acteurs locaux
- Communes nouvelles : « C’est la première fois qu’on laisse les élus décider »
- Communes nouvelles : la carotte financière ne doit pas être le seul critère
- Communes nouvelles : la formule gagnante ?
- Communes nouvelles : qui sont les vraies gagnantes ?
- Communes nouvelles : les élus urbains y songent aussi
- Décryptage du nouveau régime des communes nouvelles
- Une commune nouvelle pour rationaliser les procédures et peser dans l’interco
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