Dur en affaire, Jean-Michel Baylet n’est pas sorti les mains vides de Matignon. S’il n’a pas obtenu de ministère régalien, le patron des radicaux de gauche (PRG) a reçu des gages de Manuel Valls sur la préservation des conseils généraux en milieu rural. Un engagement décroché en l’échange du maintien des trois représentants du PRG au Gouvernement (Sylvia Pinel, Thierry Braillard, Annick Girardin). Une présence que l’exécutif, soucieux de ne pas ouvrir une nouvelle brèche dans la majorité, souhaitait ardemment.
Marchandage politique – Les radicaux, très influents dans les conseils généraux ruraux de Corse et du Sud-Ouest menaçaient, depuis le lancement de la réforme territoriale, en avril 2014, de quitter le navire s’ils n’obtenaient pas gain de cause sur ce dossier.
Le maintien de la collectivité départementale sur la majeure partie du territoire, s’il se confirme, constituerait une concession d’importance pour Manuel Valls. Le Premier ministre avait en effet fait de la suppression de cet échelon la mesure-phare de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale, le 8 avril. « Les conseils généraux ont vécu », avait renchéri François Hollande, le 6 mai, lors de son entretien télévisé sur BFM.
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Si la fusion-absorption de la collectivité départementale par les douze à quatorze métropoles nées de la loi du 27 janvier 2014 apparaissait actée, la question des conseils généraux en milieu rural a vite viré au casse-tête.
L’idée de substituer à la collectivité départementale rurale un mini-Sénat des intercommunalités n’était pas viable avant les prochains scrutins municipaux et communautaires de 2020. Elle n’était pas non plus sans risque constitutionnel. Beaucoup, au Sénat, considéraient cette solution bancale, jugeant les EPCI à fiscalité propre incapables de prendre le relais des conseils généraux.
Retour de la ruralité – D’aucuns, surtout, faisaient valoir que la collectivité départementale, vecteur de proximité et de péréquation, gardait toute sa pertinence avec l’émergence de 13 super-régions, votée à l’Assemblée le 23 juillet.
Jean-Michel Baylet, patron du PRG et propriétaire du groupe de presse de La Dépêche du Midi, a utilisé toute sa force de frappe pour relayer ces arguments. Son parti, pourvu d’un groupe à l’Assemblée nationale et au Sénat, a fait étalage de sa capacité de nuisance.
Déjà très remonté contre la loi relative à la transparence sur la vie publique et la limitation drastique du cumul des mandats, le président du conseil général du Tarn-et-Garonne depuis 1985 a lui-même rompu la trêve estivale.
Dans une interview au Nouvel Observateur, le 6 août, le « baron local » a mis la pression sur le pouvoir central. « Mon dernier entretien avec le Premier ministre, à la mi-juillet, me laisse à penser qu’il est très sensible à nos propos, mais c’est à lui de confirmer publiquement les promesses qu’il nous a faites dans son bureau. Je souhaiterais qu’il le fasse le plus vite possible, dès la rentrée et en tout cas avant les élections sénatoriales de la fin du mois de septembre », a-t-il réclamé. Le candidat malheureux à la primaire citoyenne de 2011 (0,64 %), a, selon ses dires, emporté la mise.
Cerise sur le gâteau, son amie Sylvia Pinel, jusque-là ministre du Logement et de l’Egalité des Territoires, ajoute dans son escarcelle la Ruralité.
Valls II : 16 ministres à parité, et 3 secrétaires d’Etat en plus
Le trio qui concerne l’organisation territoriale ne bouge pas, à quelques semaines de l’examen du volet 2 du projet de loi sur la réforme territoriale : Marylise Lebranchu reste en charge de la Décentralisation et de la Fonction publique et André Vallini conserve son secrétariat d’Etat en charge de la Réforme territoriale. Ils continueront d’avancer leurs chantiers en parallèle de ceux de Thierry Mandon, qui garde la Réforme de l’Etat et de la Simplification.
Le pôle “régalien” est, lui aussi, stable. Bernard Cazeneuve est réaffirmé dans ses fonctions de ministre de l’Intérieur, où il supervisera notamment l’examen à l’Assemblée nationale de la proposition de loi visant à créer des polices territoriales. La garde des Sceaux, Christiane Taubira, dont la réforme pénale a été publiée au cours de l’été au journal officiel, reste place Vendôme.
A l’origine du remaniement et démissionnaire en raison d’une opposition idéologique, Arnaud Montebourg se voit remplacé par l’ancien banquier d’affaires chez Rothschild, rédacteur du fameux rapport Attali sur la “libération de la croissance” et ex-secrétaire général adjoint de l’Elysée, Emmanuel Macron. Novice, ce dernier sera notamment épaulé à Bercy par Michel Sapin en charge des finances publiques et, implicitement, du dossier du gel des dotations d’Etat aux collectivités territoriales.
Sylvia Pinel garde le logement, et avec lui la relance laborieuse du secteur de la construction : les plans s’empilent en vain pour le moment.
A noter également : Patrick Kanner, figure connue et reconnue de la galaxie locale, entre au gouvernement par la grande porte. Contre toute attente, le président du conseil général du Nord et de l’Union national des Centres communaux d’action sociale décroche le portefeuille de ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Une surprise tant cet élu de 57 ans n’a, jusque-là, pas été abonné aux responsabilités nationales. Patrick Kanner s’est même surtout signalé ces dernières semaines par son opposition résolue à la réforme territoriale.
Membre de la délégation de l’Assemblée des départements de France reçue le 21 mai par François Hollande, il ne mâchait pas ses mots. « Nous avons assuré nos missions dans des conditions financières rocambolesques. Et soudain, nous passons du statut de collectivité-providence à celui de collectivité-pénitence », jugeait Patrick Kanner, interrogé le lendemain par La Gazette. « Maintenant, notre objectif n’est ni de mettre un genou à terre, ni d’entrer en résistance », tempérait-il. Hostile à tout « réarmement de l’Etat dans une logique jacobine », cet esprit original prônait des « régions fortes dotées de vastes pouvoirs financiers et réglementaires »
Avec l’arrivée de Kanner, le secteur de la politique de la ville change donc de nouveau de ministre de tutelle, mais récupère cette fois-ci un secrétariat d’Etat plein et entier à l’heure où la réforme Lamy est déclinée en partenariat avec les collectivités territoriales : jusqu’ici adjointe à la maire de Paris chargée de la sécurité, la prévention de la délinquance, la politique de la ville et l’intégration, Myriam El-Khomri sera chargée de piloter ce dossier.
Axelle Lemaire est maintenue au poste de secrétaire d’Etat en charge du Numérique, où elle suit le dossier de la French Tech, du très haut débit, du code à l’école et de l’open data, ces derniers en partage respectivement avec la nouvelle ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem et Thierry Mandon.
Najat Vallaud-Belkacem fait partie des promu-e-s en devenant la première femme à la tête de l’Education nationale, en remplacement de Benoit Hamon, qui a démissionné aux côtés d’Arnaud Montebourg. Sa rentrée sera aussi chargée que les cartables des écoliers : la réforme des rythmes scolaires est loin d’avoir été menée à bon port.
Fleur Pellerin récupère le portefeuille d’Aurélie Filipetti, qui a devancé une plus que probable éviction en démissionnant. Et quelques dossiers compliqués, à commencer par celui des intermittents, qui a failli embraser la saison des festivals d’été. Les négociations doivent reprendre le 18 septembre. L’accord-cadre sur le livre numérique en bibliothèque se fait toujours attendre. Enfin, la question des compétences culturelles des différentes strates de collectivités reste en suspens.
Frédéric Cuvillier aura été l’un des rares ce 26 août à faire part publiquement de son mécontentement, en annonçant qu’il quittait le gouvernement et ses fonctions de secrétaire d’Etat aux Transports, à la mer et à la Pêche. Dans un communiqué, il se plaint sévèrement du manque de moyens pour accomplir ses missions :
La mise en place d’une véritable politique maritime intégrée, digne de notre Nation, deuxième surface maritime mondiale, les nouvelles politiques de mobilité, la structuration des filières industrielles créatrices d’emplois, l’innovation dans des projets structurants et ambitieux nécessitent une volonté politique forte et une capacité d’action pleine et entière. Dans la configuration qui m’a été proposée, j’estime ne pas disposer de cette capacité d’action et de l’autonomie nécessaire à la réussite d’une politique cohérente porteuse d’espoir pour nos territoires et nos concitoyens, confrontés à une crise profonde.
Il est remplacé par Alain Vidalies, qui avait été ministre en charge des relations avec le Parlement dans le gouvernement Ayrault, et avait perdu son maroquin de ministre lors de l’arrivée de Manuel Valls.
Les 16 ministres
- Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international.
- Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie.
- Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics.
- Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
- Christiane Taubira, ministre de la Justice.
- Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense.
- Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes.
- François Rebsamen, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social.
- Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur.
- Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, ainsi que porte-parole du gouvernement.
- Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique
- Sylvia Pinel, ministre du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité.
- Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique.
- Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication.
- George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer.
- Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.
Les 17 secrétaires d’Etat
- Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement.
- Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification.
- Annick Girardin, secrétaire d’État au Développement et à la Francophonie.
- Harlem Désir, secrétaire d’État aux Affaires européennes.
- Thomas Thévenoud, secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur, de la Promotion du Tourisme et des Français de l’étranger.
- Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche.
- Geneviève Fioraso, secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et à la Recherche.
- Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget.
- Kader Arif, secrétaire d’État aux Anciens combattants et à la Mémoire.
- Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la Famille, des Personnes âgées et de l’Autonomie.
- Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion.
- Pascale Boistard, secrétaire d’Etat chargée des Droits des femmes.
- Carole Delga, secrétaire d’État chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation, et de l’Économie sociale et solidaire.
- Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du Numérique.
- André Vallini, secrétaire d’État à la Réforme territoriale.
- Myriam El Khomri, secrétaire d’Etat à la Ville.
- Thierry Braillard, secrétaire d’Etat chargé des Sports.
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