François Hollande va parler. Le Président de la République devrait dévoiler les grandes lignes de sa réforme territoriale au tout début du mois de juin. Sa phase de consultation est désormais achevée. Après les partis politiques, les associations d’élus ont pu faire valoir leurs arguments auprès de lui.
Jacques Pélissard, pro-big bang territorial – Reçu le 21 mai, le président de l’Association des maires de France Jacques Pélissard (UMP) a rappelé sa proposition de loi sur les communes nouvelles. Un nouveau cadre destiné à favoriser les fusions de municipalités.
Il s’est aussi prononcé en faveur du maintien, dans les intercommunalités, de la définition de l’intérêt communautaire et de la mutualisation assurée par les communes au profit de leur groupement.
A titre personnel, il a dit « oui » à de « grandes régions » à même de devenir « les pierres angulaires du développement économique » et de tirer leur épingle du jeu « dans le concert européen ». Toujours en son nom propre, le député-maire de Lons-le-Saunier s’est montré plutôt ouvert à une transformation des conseils généraux en une « émanation des intercommunalités ».
Alain Rousset, les yeux tournés vers l’Allemagne – Alain Rousset (PS), président de l’Association des régions de France, a évoqué, le 20 mai, la mutation des pays en grandes intercommunalités capables d’absorber certaines compétences départementales. Pour le patron de l’Aquitaine, la taille des régions n’est toujours pas le sujet numéro un. « Le budget régional par habitant s’élève à 400 euros en France, contre 3 000 à 4 000 en Allemagne, en Espagne et en Italie. Les régions, en France accompagnent 1,4 % des PME, contre 5,4 % en Allemagne », martèle-t-il.
Claudy Lebreton en appelle à la Cour des Comptes – Un discours qui porte. « Le Président veut placer la réforme territoriale au cœur des préoccupations de l’Europe en matière d’organisation des territoires », rapporte Patrick Kanner (PS), membre, le 21 mai, de la délégation de l’Assemblée des départements de France (ADF).
Lors de cette rencontre, François Hollande a rappelé son leitmotiv sur les conseils généraux qui « ont vécu ». « L’entretien a été courtois mais direct », relate Patrick Kanner, président du conseil général du Nord. « Nous lui avons signifié notre trouble face à ce qui nous apparaît comme une injustice. Notre arrêt de mort est acté, sans jugement contradictoire », ajoute-t-il.
Claudy Lebreton (PS), président de l’ADF, en a profité pour remettre sur la table son idée d’expertise millésimée « Cour des Compte ». Pour lui, les magistrats financiers doivent, avant toute réforme, évaluer, si oui ou non, la suppression des départements génèrerait des économies. Le chef de l’Etat s’est gardé de saisir la balle au bond.
Patrick Kanner pour des « régions fortes » – François Hollande a cependant admis que les conseils généraux avaient « fait leur job ». « Nous avons assuré nos missions dans des conditions financières rocambolesques. Et soudain, nous passons du statut de collectivité-providence à celui de collectivité-pénitence », évoque Patrick Kanner.
« Maintenant, notre objectif n’est ni de mettre un genou à terre, ni d’entrer en résistance », ajoute-t-il. Une voie étroite… Hostile à tout « réarmement de l’Etat dans une logique jacobine », Patrick Kanner prône des « régions fortes dotées de vastes pouvoirs financiers et réglementaires ».
Bruno Sido dans le flou – Lors des consultations à l’Elysée, le patriotisme d’échelon n’a guère été de mise. « Nous ne voyons simplement pas très bien par quoi peuvent être remplacés les départements en milieu rural », observe Bruno Sido (UMP), secrétaire général de l’ADF. « L’objectif de suppression a été réaffirmé, relève-t-il. Mais François Hollande n’a pas eu l’air d’avoir des idées très arrêtées sur l’art et la manière d’y parvenir… »
Le conseiller territorial « tient la corde »
Selon ses interlocuteurs, François Hollande ne semble toujours pas prêt à réviser la Constitution. Dans ces conditions, il ne peut parvenir à une suppression pure et simple de la collectivité départementale, inscrite à l’article 72 de la loi fondamentale.
Il peut, en revanche, organiser sa marginalisation. Pour parvenir à cette fin, il devra faire siéger au sein du conseil départemental soit les conseillers régionaux, soit les délégués intercommunaux. Il a, par-là, le choix entre deux inconvénients : le premier de nature politique, le second d’ordre juridique.
La première option est incontestablement la plus sûre sur le plan constitutionnel. Les sages l’ont validée sous le vocable de conseiller territorial. En revanche, elle pose la question de la cohérence. Le conseiller territorial a en effet été abrogé en début de mandature « Hollande ». Conçu sous l’ère sarkozyenne, il incarnait aux yeux de moult parlementaires socialistes, le symbole du cumul des mandats et du bricolage institutionnel.
[Lire Décentralisation : vers le retour du conseiller territorial ?]
Le Sénat des intercommunalités recalé ? – La seconde option, le département-Sénat des intercommunalités, apparaît davantage consensuelle. Elle recueille notamment les faveurs de l’Assemblée des communautés de France. Mais elle n’est pas sans danger juridique. « Les présidents d’intercommunalité n’ont pas été élus pour ça. Les EPCI ne sont pas des collectivités territoriales », argumente Patrick Kanner, président socialiste du conseil général du Nord.
Cette option apparaît particulièrement précaire pour les intercommunalités intégrant des communes de moins de 1 000 habitants. Les délégués communautaires de ces villages continuent en effet d’être désignés par leur conseil municipal et non « fléchés » à l’occasion du scrutin municipal. Ils seraient donc désignés au troisième degré pour intégrer le conseil départemental. Or une collectivité, classiquement, repose sur une représentation politique directement issue du suffrage universel.
Pour Patrick Kanner, la piste du Sénat des intercommunalités n’est tout bonnement pas fiable. « C’est le conseiller territorial à l’envers, c’est-à-dire assis sur le mode de scrutin des conseillers régionaux (et non des conseillers départementaux comme sous Nicolas Sarkozy), qui tient la corde », assure-t-il.